vendredi 31 décembre 2010

Que Dieu te bénisse


Le Seigneur parla à Moïse et dit: parle à Aaron et à ses fils et dis-leur:
« Voici comment vous bénirez les fils d'Israël: vous leur direz:
Que le Seigneur te bénisse et te garde!
Que le Seigneur fasse pour toi rayonner son visage et te fasse grâce!
Que le Seigneur te découvre sa face et t'apporte la paix! »
Qu'ils mettent ainsi mon NOM sur les Israélites et je les bénirai. Nombres 6,22,27
 
La première lecture que nous offre la liturgie de la fête de Marie, Mère de Dieu, semble plus proche des voeux que nous échangeons en ce 1er janvier que du thème de la fête mais elle est cependant tout à fait à sa place en ce jour octave de la Nativité du Seigneur.
Il est vrai que cette bénédiction de Dieu, l'appel de sa protection, de sa grâce et de la paix sont les dons les meilleurs que nous puissions souhaiter à quelqu'un.
Dans ce passage du livre des Nombres, Dieu met lui-même sur les lèvres des prêtres, des fils d'Aaron, les souhaits qu'il formule pour son peuple. Dieu lui-même nous apprend à l'invoquer comme plus tard, Jésus apprendra à ses disciples à le prier « Père ».
Bénir, c'est donc pour les prêtres une mission: « vous bénirez... ». Bénir, c'est appeler la bénédiction de Dieu: Que Dieu te bénisse!. Bénir, c'est mettre le nom de Dieu sur le peuple: vous mettrez mon nom... et JE bénirai.
Ce n'est pas par hasard que le Nom du Seigneur est invoqué trois fois. Cela assure à Israël, la présence de Dieu. Aujourd’hui encore, lorsque le prêtre bénit l'assemblée à la fin de l'Eucharistie, il invoque sur le peuple le Père, le Fils et l'Esprit-Saint.
Toute l'histoire du peuple d'Israël est finalement l'histoire de la bénédiction de Dieu promise à Abraham -« je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je magnifierai ton nom; sois une bénédiction » Gn 12,2- et qui sera donnée au monde en Jésus le « fruit béni du sein de Marie » (Luc 1,42). Marie qui nous rappelle dans son Magnificat que la miséricorde de Dieu est bien l'objet de la promesse à Abraham et à sa race (Luc 1,55) de même que d'ailleurs Zacharie dans le Benedictus (Luc 1,73). Nous ne sommes ainsi pas très loin du mystère de la maternité de Marie puisque c'est par elle que la bénédiction par excellence, le Fils bien-aimé du Père, nous est parvenue.
Notons ici que « bénir » est le dernier geste visible de Jésus sur la terre (Luc 24,50) et que l'Apocalypse, dernier livre de la Bible, se termine par une bénédiction: « Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec vous tous (Ap 22,21)
 
Que le Seigneur te bénisse et garde
Méditons quelques textes qui font écho à ce souhait et qui nous aideront à en pénétrer la signification.
  • -Le Seigneur te garde de tout mal, il garde ton âme. Le Seigneur te garde au départ et au retour, dès lors et à jamais (Psaume 120,7-8)
  • -Garde mon âme, délivre-moi; point de honte pour moi, tu es mon abri (psaume 25,20)
  • -Le Seigneur le garde, il lui rend vie et bonheur sur terre (psaume 41,3)
  • -Le Seigneur notre Dieu est celui qui nous a fait monter, nous et nos pères, du pays d'Egypte, de la maison de servitude, qui devant nos yeux, a opéré ces grands signes et nous a gardé tout le long du chemin que nous avons parcouru et parmi toutes les populations à travers lesquelles nous avons passé. (Josué 24,17)
  • -Il garde les pas de ses fidèles ( Samuel 2,9)
Ces textes, choisis parmi bien d'autres, n'évoquent-ils pas la sollicitude d'un père, d'une mère pour ses enfants?
 
Que le Seigneur fasse pour toi rayonner son visage et te fasse grâce
Voilà bien le cri de tant de psaumes. Relevons-en quelques-uns.
  • -Fais lever sur nous la lumière de ta face 4,7
  • -Fais luire ta face sur ton serviteur et sauve-moi 30,17
  • -Fais luire ta face et nous serons sauvés 79,4
  • -Pour ton serviteur, illumine ta face, apprends-moi tes volontés 118,135
Que le Seigneur te découvre son visage et t'apporte la paix
Les théophanies de l'Ancien Testament, les manifestations de la présence de Dieu (lire Exode 24,16; 33,18-23; 1 Rois 19,11-13) peuvent disparaître car désormais en Jésus, Dieu a pris visage d'homme et il est permis de le voir.
Et la contemplation de Dieu en Jésus est sans nul doute source d'une paix profonde... Paix dont le Christ ressuscité ponctue chacune de ses apparitions. Paix sur laquelle débouche chacune de nos Eucharisties et que nous avons à nous donner les uns aux autres.
Car la bénédiction de Dieu est aussi mission...
« Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse, faisant luire nous nous sa face! (et) sur la terre on connaîtra tes voies, parmi toutes les nations, ton salut » (psaume 66,2-3).
La bénédiction de Dieu fait de nous des missionnaires de la bonne nouvelle du salut!
Oui, nous avons mission de nous garder les uns les autres dans le nom du Christ, « ce beau nom » de chrétien que nous avons reçu, avec la lumière, lors de notre baptême, mission de manifester la grâce de Dieu dans la miséricorde mutuelle, mission de porter au monde la paix.
 
Que Dieu vous bénisse, le Père, le Fils et l'Esprit-Saint
Allez dans la paix du Christ! Allez pour la Paix, allez faire la Paix.
 
Sr Elisabeth

samedi 25 décembre 2010

Un Sauveur vous est né...


Evangile de la nuit de Noël Luc 2,1-21
 
Saint Luc commence son récit de la nativité en nous dessinant brièvement le paysage historique: l'empereur décide d'organiser un recensement qui oblige Joseph à aller se faire inscrire dans la ville de Bethléem. Mais au-delà de l'histoire, l'évangéliste a soin de relever des détails qui aideront le lecteur à entrer plus avant dans la compréhension de l'enjeu de l'événement.
Jusqu'ici, il n'était question que du peuple d'Israël, de la Judée, de Nazareth et voici que tout à coup, toute la terre habitée est concernée. César Auguste, pour assurer son pouvoir, décide de faire le compte des hommes susceptibles d'être enrôlés dans l'armée et de payer l'impôt. C'est si important que le mot « recenser-recensement » apparaît quatre fois en cinq versets
Pour renforcer cette idée, saint Luc, pour la première fois, nomme Joseph avant Marie. C'est lui qui monte à la ville de David, car c'est lui qui est de sa lignée. Marie ne fait que l'accompagner. Et c'est là justement, à Bethléem, qu'elle va enfanter son fils premier-né. Ne serait-ce pas un signe qui vient confirmer la parole de l'ange « Le Seigneur lui donnera le trône de David, son père. Il règnera sur la maison de Jacob »? (1,32-33).
Face à César Auguste apparaît donc le roi d'Israël. Vont-ils se faire concurrence?
Marie dépose l'enfant dans une mangeoire...
Et l'ange du Seigneur apparaît aux bergers, ces gens simples, qui n'ont nul souci de l'empereur, de son armée ou de ses impôts. Ce sont eux, les premiers qui reçoivent la bonne nouvelle qui résume tout l'évangile: « Aujourd'hui, vous est né un Sauveur (c'est ce que signifie le nom de 'Jésus'), dans la ville de David. Il est le Christ (l'oint du Seigneur, comme roi d'Israël) Seigneur (titre donné au Ressuscité) »
Eux aussi, comme Marie, reçoivent un signe: ce Sauveur, ce roi, ils le trouveront dans un mangeoire, entouré de Marie et de Joseph. Ils ne peuvent pas se tromper, ce n'est pas un tableau habituel. Ainsi, la mangeoire qui exprimait une forme d'exclusion -il n'y avait pas de place pour eux- devient le signe donné aux bergers de la royauté de Jésus. Oui, Jésus est roi mais d'une tout autre manière que César Auguste. Le signe de son pouvoir n'est pas une armée ou la faculté de percevoir des impôts sur ses sujets, mais une mangeoire. Et si armée il y a, c'est une armée céleste qui ne vient pas pour combattre mais pour annoncer la paix.
Ce récit de la nativité contient déjà l'essentiel de ce que l'évangile va nous révéler de Jésus. Il est né de Marie, il est venu dans la chair. Il est le roi promis. Sauveur non seulement du peuple d'Israël mais de toute l'humanité... toute la terre habitée. Le titre de Seigneur nous renvoie déjà à la Résurrection. La vraie royauté du Christ, sera puissance de paix et d'amour. Et le premier effet de Noël: les bergers se parlent et "se disent entre eux : 'Allons jusqu'à Bethléem et voyons ce qui est arrivé et que le Seigneur nous a fait connaître'." A Noël, les hommes sont mis en relation les uns avec les autres. « Gloire à Dieu et Paix aux hommes. »...
d'après les notes prises au cours d'une conférence du Père Philippe Bacq
Sr Elisabeth 

mercredi 22 décembre 2010

Magnificat

Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur parce qu'il s'est penché sur l'humilité de sa servante.
Oui, désormais, toutes les générations me diront bienheureuse car le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses, Saint est son nom.
Sa miséricorde s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent.
Il déployé la force de son bras, il a dispersé les hommes au coeur superbe, il a renversé les potentats de leurs trônes et élevé les humbles. Il a comblé de biens les affamés et renvoyé les riches les mains vides. Il est venu en aide à Israël, son serviteur, se souvenant de sa miséricorde -selon qu'il l'avait annoncé à nos pères- en faveur d'Abraham et de sa postérité à jamais! (Luc 1,46-56)
 
Elisabeth vient de proclamer Marie « bienheureuse » parce qu'elle a cru...
Marie prend la balle au vol et la relance aussitôt vers son Dieu: « non pas à nous, Seigneur, mais à ton nom rapporte la gloire.. » ps 113b, 1
Elle proclame la grandeur de Dieu, source de sa joie et de son salut.
Ses titres de gloire à elle: son humilité et sa disponibilité à la parole et sa réalisation.
Oui, elle est bienheureuse non par ce qu'elle a fait ou ce qu'elle est mais par ce que le Seigneur a réalisé en elle. Mais que personne ne se sente délaissé car cette miséricorde n'est pas pour elle seule... Depuis toujours, Dieu l'accorde à ceux qui le craignent. Marie est de ceux là, tout simplement: à l'écoute de sa parole, consciente de sa pauvreté (elle ne connaît pas d'homme, comment pourrait-elle donner naissance à l'enfant annoncé par l'ange?), prompte à s'offrir dans le service de son obéissance.
Oui, elle est de ceux que depuis toujours le Seigneur élève, comble, remet debout.
Bien plus, la miséricorde de Dieu désire rejoindre tous ceux qui sont enfermés dans l'orgueil, dans la puissance, dans les richesses. Depuis toujours, Dieu cherche l'homme au creux de son péché: « Adam où es-tu? » Gn 3,9 . C'est dans sa bonté que Dieu donne à tous et à chacun de faire un jour ou l'autre l'expérience de leur besoin radical de salut. Expérience parfois douloureuse d'un dépouillement, seul capable de creuser en nous la capacité de recevoir l'immense don de Dieu... les grandes choses qu'il nous réserve.
Saint Paul lui-même dira: « c'est lorsque je suis faible que je suis fort » 2 Co 12,10.
Chant de louange et d'action de grâces pour le Seigneur... chant d'espérance pour notre monde car « des pierres que voici, Dieu peut faire surgir des fils à Abraham »Mt 3,9 
Sr Elisabeth

samedi 18 décembre 2010

Ne crains pas, Joseph


Evangile du 4ème dimanche d'Avent A: Matthieu 1,18-24
L'évangéliste Matthieu commence son récit par deux « Genèse de Jésus-Christ », la première précisant qu'il s'agit du « fils d'Abraham, fils de David ». Cela pourrait nous intriguer mais regardons-y de plus près.
Le verset 16 qui termine la « première » genèse marque une rupture:
Jacob engendra Joseph, l'époux de Marie de laquelle fut engendré Jésus, que l'on appelle Christ. D’Abraham à Joseph, d'engendrement en engendrement, l'arbre généalogique se dessine sous nos yeux. Brusquement le refrain s'arrête laissant surgir une interrogation: « que se passe-t-il? » Jésus, le premier maillon annoncé au verset 1 attire l'attention sur la particularité de sa naissance: il fut engendré. La formulation est au passif et l'auteur de l'engendrement n'est pas cité. Matthieu, dans la « deuxième » genèse y revient et tente de l'expliciter. Le même titre donné aux deux récits nous montre d'emblée que si Jésus s'enracine dans le peuple d'Israël et dans la descendance royale, s'il a tous les titres requis pour être reconnu comme le Christ, l'oint du Seigneur, il s'en détache en même temps. Il est le Messie attendu et cependant il ne colle pas à l'image que l'on se faisait de lui.
Nous passons d'un langage juridique au langage de la foi, de ce qui peut se vérifier historiquement à ce qui se révèle dans l'intime du coeur.
Matthieu contrairement à Luc, ne retient qu'une seule annonciation: l'annonce à Joseph. Sans doute que la communauté à laquelle il s'adresse connaissait cette tradition et avait admis la conception virginale de Marie et reconnu en elle la promesse de Dieu annoncée par Isaïe? Inutile alors de la reprendre. Mais peut-être aussi que subsistait la question de la filiation davidique de Jésus?
Toujours est-il que Matthieu décrit brièvement la situation: Marie, la mère de Jésus, avait été accordée en mariage à Joseph; or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l'action de l'Esprit Saint. La suite de l'histoire est entre les mains de Joseph.
Chez les Juifs, les fiançailles étaient un engagement fort, dont on ne se libérait que par un acte de répudiation. Pouvons-nous imaginer le déchirement que cette situation inflige au coeur de Joseph?
D'une part, sa justice, épinglée par l'évangéliste, le retient de se faire passer indûment pour le père de l'enfant et de l'introduire dans la lignée de David alors qu'il n'a sur lui aucun droit. D'autre part, son amour pour Marie, sa confiance, ne peuvent imaginer qu'elle ait pu le tromper. Il ne comprend pas et décide de se séparer de Marie, mais dans le secret... pour ne pas l'humilier?
La délicatesse de son amour va l'ouvrir à une expérience forte qui sera déterminante pour la réalisation du projet de Dieu. Expérience d'une rencontre avec Dieu, tellement inconcevable dans l'Ancien Testament, que l'on parle d'un ange du Seigneur, d'un messager céleste.... Cette rencontre avec Dieu dans l'intime de son coeur, va transformer le jugement même de Joseph et susciter en lui une conviction profonde: il est au coeur d'un mystère et invité à y consentir, à y adhérer. Et le nom de l'enfant lui est confié. Et ce don de Dieu lui confère la paternité.
C'est par Joseph, par son renoncement et son consentement que la promesse de Dieu à David se réalise: « c'est un homme issu de toi que je placerai sur ton trône » (ps 131,11).
Certains exégètes ont vu dans la parole de l'ange à Joseph une opposition en relevant la particule « dè » du texte grec et traduisent ainsi: ce qui a été engendré en elle vient de l'Esprit Saint MAIS (dè) elle enfantera un fils et c'est toi qui lui donneras le nom de Jésus.
Saint Paul nous dit de Dieu qu'il est le “Père de qui toute paternité, au ciel et sur la terre, tire son nom.” (Eph 3,15). Et si “Dieu peut, des pierres que voici, faire surgir des enfants à Abraham”, (Mat 3,9) comment ne le ferait-il d'un homme ouvert à son oeuvre?
Le fait de la conception virginale de Marie, n'est donc pas un obstacle à la descendance davidique de Jésus et n’ôte pas à Joseph son droit de paternité légale que l'ange l'invite à exercer en dépassant sa réserve, sa franchise et sa délicatesse pour les mettre au service du dessein de Dieu.
Ce texte nous invite d'abord à la contemplation de l'oeuvre de Dieu en notre monde qu'il veut sauver de la dérive du péché. Contemplation de sa présence dans l'histoire des hommes et de sa promesse dont rien n'arrête la réalisation, même pas le péché.
Nous pouvons aussi, dans ce texte, trouver un enseignement sur la transmission de la foi parfois si difficile.
Remarquons d'abord que les révélations, les annonciations qui préparent la naissance de Jésus se font sans témoin: Zacharie, Marie, Joseph sont seuls face à l'ange qui leur annonce un événement inédit, inouï, le plus bouleversant qui soit. Comment l'évangile peut-il dès lors nous relater ces événements? Sans doute à partir de confidences? Marie, Joseph tout comme Elisabeth et Zacharie ont du un jour ou l'autre lever le voile sur leur expérience, sur leur perception de la présence de Dieu au creux de leur vie, au fond de leur coeur. C'est ce que l'ange Raphaël recommandait à Tobie: Alors Raphaël les prit tous les deux à l'écart, et il leur dit : "Bénissez Dieu, célébrez-le devant tous les vivants, pour le bien qu'il vous a fait. Bénissez et chantez son Nom. Faites connaître à tous les hommes les actions de Dieu comme elles le méritent, et ne vous lassez pas de le remercier. Il convient de garder le secret du roi tandis qu'il convient de révéler et de publier les oeuvres de Dieu.” (12,6) La transmission de la foi, aujourd'hui encore ne passerait-elle pas par l'humble ouverture de notre coeur visité par le Seigneur. Les psaumes sont-ils autre chose que l'expression de foi de quelqu'un qui a fait l'expérience de l'action de Dieu en lui et autour de lui et ne nous invitent-ils pas à rendre grâces, à chanter les louanges du Seigneur?
Oui rendons grâces pour la foi qui nous a été transmise par tant d'hommes et de femmes, pétris de la Parole, ouverts à l'Esprit et qui ont su trouver des mots pour laisser transparaître les convictions forgées dans la prière et la contemplation. 
Sr Elisabeth

samedi 4 décembre 2010

Dans le désert...

2ème dimanche de l’Avent, année A : Matthieu 3,1-12
Suite à un partage de lectio, sr Elisabeth a rassemblé nos échanges.
Lecture
Jean-Baptiste paraît dans le désert. Depuis sa naissance, on n'a plus entendu parler de lui ni de sa relation avec Jésus. Matthieu le présente comme celui qui accomplit la prophétie d'Isaïe; son vêtement rappelle celui d'Elie. Son message d'ouverture le rapproche des prophètes de l'Ancien Testament.
Il prêche dans le désert; cette précision n'est pas innocente. Pour les gens de la Bible ce terme est porteur de sens. Le désert, c'est le long cheminement du peuple hébreu à sa sortie d'Egypte avant d'entrer dans la terre promise (livre de l'Exode), c'est aussi le lieu où Dieu parle au coeur de son épouse infidèle qui symbolise le peuple (Osée). Si le désert évoque l'aridité, la parole de Jean-Baptiste ne l'est pas moins. Très vite elle présente une certaine violence qui semble en contradiction avec le désir de la venue du Royaume.
Les Pharisiens et le Sadducéens sont d'emblée présentés sous des traits peu sympathiques laissant pressentir non seulement que le Royaume annoncé ne fait pas l'unanimité mais bien plus que le baptême n'est pas un rite automatique, un passe-partout qui assure du salut. Le baptême de Jean est ouverture sur un chemin de repentir. Son authenticité sera évaluée au bon fruit produit.
Jean ne cite pas Jésus, il parle de celui qui vient derrière lui et il le présente comme un cultivateur intransigeant qui va nettoyer son aire et faire le tri dans sa production.
Méditation.
Plusieurs idées surgissent de notre échange. L'idée de l'imprévu de Dieu, rien ne va de soi. Jean-Baptiste apparaît tout à coup, on ne sait pas d'où il vient; on ne s'attendrait pas à voir quelqu'un se mettre à prêcher dans un désert et pourtant les foules viennent à lui et se font baptiser; le Royaume attendu et désiré est présenté avec violence.
Les versets 2 et 3 rendent les auditeurs de Jean-Baptiste participants de ce qui va arriver. La venue du Seigneur demande une préparation.
Deux types d'hommes sont présentés: ceux qui se font baptiser, motivés par le poids du péché ou par la peur de la colère et les prophètes, Isaïe, Elie, Jean-Baptiste, vus comme des veilleurs, des éveilleurs pour leurs frères. Il s'agit d'un même contexte d'infidélité, de pratiques religieuses qui manquent d'authenticité.
Le rite ne suffit pas pour échapper à la colère, il faut la disposition du coeur qui lui correspond; avoir Abraham pour père ne suffit pas. « On reconnaît l'arbre à ses fruits! »
On a l'impression d'une foule, entraînée par l'émulation, contrairement à Nicodème qui vient seul, de nuit, trouver Jésus.
Deux types de baptême sont aussi présentés: le baptême de Jean, baptême de repentir en vue de la production d'un bon fruit, c'est un baptême d'eau; eau qui lave, qui arrose, qui irrigue pour assurer la germination et le développement du fruit. Le baptême de Jésus, baptême d'Esprit Saint, qui fait entrer dans la relation du Père et du Fils; baptême de feu qui brûle tout ce qui ne peut trouver place dans le Royaume. Le feu n'est pas tant un châtiment que la chance d'une purification profonde que nous ne pouvons réaliser nous-mêmes. Le baptême de Jean concerne l'oeuvre humaine de repentir et de conversion, celui de Jésus nous ouvre à l'oeuvre de l'Esprit au plus profond de nos coeurs.
Prière
Donne-nous Seigneur, de reconnaître les Jean-Baptiste de notre temps, de les accueillir dans leur imprévisible, de nous mettre à leur écoute pour préparer ton chemin en nos coeurs.
Donne-nous d'oser la solitude et le silence du désert qui nous mettent à nu devant toi et devant nous.
Nous te rendons grâce pour notre baptême, donne-nous de voir dans les épreuves de la vie, des signes de ton oeuvre de purification qui nous préparent et nous façonnent pour le Royaume où tu nous as préparé une place pour vivre en ta présence pour l'éternité.

dimanche 28 novembre 2010

Ne vois-tu pas le jour venir?

1er Dimanche d'avent  A : Mt 24,37-44
 
Rien ne marque plus la mémoire des hommes que les séismes, les tsunamis, les tempêtes... L'histoire de Noé, du déluge, était passée de génération en génération.
En y faisant appel, Jésus ne pouvait manquer de se faire comprendre...
Ainsi sera l'avènement du fils de l'homme.
Manger, boire, se marier, travailler... n'est-ce pas aujourd'hui comme toujours ce qui fait le quotidien de la vie? Un quotidien qui risque de devenir habitude, routine... dont on a oublié le sens profond, la dynamique qui le porte.
Que surgisse un événement marquant et nous voilà surpris. Et voilà que montent les questions, les pourquoi? les comment?
Jésus nous avertit qu'un grand événement se prépare: la venue du fils de l'homme. Il nous invite dès lors: veillez – comprenez – tenez-vous prêts.
Jésus nous investit d'une mission, une mission prophétique exauçant ainsi le voeu de Moïse (Nb 11,29): « puisse tout le peuple du Seigneur être prophète... » Et qu'est-ce qu'un prophète? Le Seigneur le révèle à Ézéchiel: « Je t'ai fait guetteur pour la maison d'Israël. Lorsque tu entendras une parole de ma bouche, tu les avertiras de ma part... » (Ez 33,7). Être aux aguets d'une parole, comprendre les signes des temps, les paraboles, les leçons que nous livre la vie de tous les jours; être prêt et attendre.
Attendre quoi? La venue du fils de l'homme.
C'est le Christ lui-même, le fils de Dieu venu dans notre monde, le fils de Dieu devenu fils de l'homme qui nous invite à attendre sa venue. Oui, Jésus est né il y a 2000 ans, Messie attendu par le peuple pour inaugurer le Royaume. Mais justement il est venu l'inaugurer, le « mettre en route », pas le réaliser de force, contrairement au souhait de certains, il n'est pas venu avec char et cavalerie pour s'imposer comme Roi, il est venu comme un semeur... semeur de paix, d'amour, de justice, d'espérance... pour tous les hommes.
Ses adversaires avaient bien perçu que cela bouleverserait leurs habitudes, ils ont tué le semeur... mais pas la semence.
Cette semence nous est confiée, la terre nous est confiée pour faire germer la semence selon le projet de Dieu.
Voilà bien l'objet de notre vigilance, offrir à la semence du Royaume une terre riche, féconde, exposée au soleil et abreuvée. Et les cultivateurs savent que s'ils ne peuvent faire germer et croître une semence, un dur labeur de toute l'année, orienté vers la moisson, est pourtant bien nécessaire.
Le Christ est venu semer, il reviendra moissonner, Entre les deux, c'est le temps de l'Église sur le champ du monde. L'Évangile a été semé, à nous de multiplier la semence pour qu'il soit répandu partout où vivent les hommes. A nous d'être capteurs solaires et puisatiers. S'il nous faut veiller, ce n'est pas pour « sauver notre peau », s'il nous faut veiller c'est pour, dès le point du jour, capter les rayons du Soleil levant qu'est le Christ; être à l'affût des signes de la présence d'une source, d'une parole de vie,  et creuser un puits où tous viendront s'abreuver.
En célébrant l'Avent d'année en année, en faisant mémoire de la naissance du Christ parmi nous, le Seigneur nous invite à raviver notre attention, à lever les yeux et à guetter les signes annonciateurs de la moisson, de l'éclosion du monde nouveau, de la Vie nouvelle que le Christ nous a révélée par sa Résurrection.
Sr Elisabeth 

jeudi 25 novembre 2010

Ne pas se tromper de salut...

Méditation pour le jeudi de la 34ème semaine du Temps Ordinaire (année paire)

Parfois, la liturgie nous offre des textes un peu ardus... et pourtant la littérature apocalyptique se veut porteuse d'espérance. Aujourd'hui, l'Eglise nous proposait de lire l'Evangile selon saint Luc au chapitre 21, versets  20 à 28.
Quelle espérance s'en dégage?  
Bonne nouvelle de Jésus-Christ selon saint Luc
saint Luc que nous avons entendu tout au long de cette année liturgique, et en semaine depuis près de 3 mois. Saint Luc dont on nous dit qu'il est l'évangéliste de la miséricorde, du salut pour tous, de la grâce....
Jérusalem sera encerclée, il y a aura une grande misère, une grande colère.... ils tomberont sous l'épée, ils seront emmenés en captivité, les hommes mourront de peur...  Bonne nouvelle de Jésus-Christ selon saint Luc!
 
Je médite le texte et me demande en quoi il est une bonne nouvelle,
Pas le temps et pas l'envie d'aller bouquiner dans la bibliothèque... Alors j'ai lu, j'ai dormi, j'ai prié et heureusement pour moi, il y avait une manne de linge à repasser... Alors voilà, je vous partage simplement ce qui est monté en moi au rythme du va et vient du fer à repasser. 
On m'a appris que pour sauter, il fallait prendre son élan et pour cela reculer un peu pour affronter l'obstacle.
Revenons donc au début du chapitre de Luc dont est tiré ce texte. C'était l'Évangile de lundi,
Nous y voyons Jésus qui lève les yeux et regarde les uns et les autres déposer leur offrande dans le trésor du temple... et son regard s'arrête sur les 2 piécettes de la pauvre veuve...
Mardi, c'était au tour des disciples à lever les yeux et  leur regard s'arrête sur la beauté des pierres du temple...
Et Jésus leur dit: « Attention, ne vous trompez pas de beauté! Ce que vous contemplez, ce que vous admirez, tout sera détruit, il n'en restera rien! » Et dans quelques siècles, quand on voudra savoir à quoi ressemblait ce temple, on fera des fouilles, à la petite cuiller comme sur la place de la basilique... on pourra alors peut-être deviner un peu de sa beauté. Mais les 2 piécettes de la veuve, tout comme la cruche d'huile et le vase de farine de la veuve de Sarepta, elles ne seront pas oubliées et on pourra dire de ces pauvres veuves ce que Jésus a affirmé de la pécheresse qui lui versait le parfum sur les pieds: « partout où on proclamera cet Evangile, dans le monde entier on redira à sa mémoire ce qu'elle vient de faire ». Et pour retrouver cette beauté il nous suffira à notre tour de tendre la main dans un geste de partage et un don radical de nous-même, dans notre pauvreté.
Ne vous trompez pas de beauté.
Et Jésus continue: « Mais maintenant, prenez garde, ne vous effrayez pas, n'allez pas aussi vous tromper de catastrophe! Vous allez voir des choses effrayantes mais ce ne sera pas tout de suite la fin! »Isaïe n'a-t-il pas dit: « si tu traverses les eaux, je serai avec toi, et les rivières elles ne te submergeront pas. Si tu passes par le feu, tu ne souffriras pas et la flamme ne te brûlera pas? »(Is 43,2)
Les catastrophes n'ont-elles pas jalonné l'histoire du peuple d'Israël? Et nous pouvons penser que les oreilles des auditeurs  de Jésus, en bons connaisseurs de la Bible, étaient plus sensibles que nous à ce vocabulaire
Le feu, le vent, le tonnerre, la foudre... Le buisson qui se met à flamber tout seul, sans se consumer.... La mer qui se sépare et tout à coup reprend sa place... Rappelons-nous le psaume: « quand Israël sortit d'Egypte et Jacob de chez un peuple étranger... La mer voit et s'enfuit, le Jourdain retourne en arrière, les montagnes sautent comme des béliers... »(ps 113)
Et sur le mont Sinaï: « il y eut des coups de tonnerre, des éclairs et une épaisse nuée sur la montagne, ainsi qu'un très puissant son de trompe... tout le peuple trembla. Moïse parlait et Dieu répondait dans le tonnerre. »
Ces catastrophes, ces signes dont nous parle Jésus dans l'Evangile ne sont-ils pas annonciateurs d'une parole que Dieu va prononcer?
« Quand Dieu regarde la terre, elle tremble, il touche les montagnes elles fument »(ps 104) Nous chantons cela si souvent dans les psaumes, alors pourquoi nous effrayer? Tout cela n'est-il pas le signe que Dieu se fait proche? Qu'un événement va se produire?
Quand une femme enceinte commence à ressentir les contractions, quand elle sent quelque chose se déchirer en elle et son corps s'ouvrir... ne se dit-elle pas: le moment est venu? Quand le bébé dans le ventre de sa mère voit son univers s'ébranler, les eaux dans lesquelles il baignait tout à coup s'enfuir et lui-même être propulsé dans un espace inconnu et que pour comble on lui coupe le cordon qui lui assurait sa subsistance... c'est un véritable cataclysme et pourtant, ne dit-on pas que c'est un heureux événement?
N'est-ce pas une expérience de ce type que nous serons appelé à vivre au jour de notre mort? Expérience de rupture, d'éclatement, de déracinement pour nous ouvrir à un monde nouveau, à une vie nouvelle... N'est-ce pas déjà aussi une expérience de ce type que nous vivons dans les épreuves qui nous touchent personnellement ou qui touchent notre monde?
Ne vous trompez pas de catastrophe. La vraie catastrophe pour le nouveau-né n'est pas dans l'ébranlement qu'il subit tout à coup, la vraie catastrophe serait qu'il refuse ce monde nouveau dans lequel il est projeté, qu'il n'ouvre pas ses poumons pour les remplir d'air, qu'il ne reconnaisse pas les bras de sa mère et ne puisse pas se nourrir de son lait.
Et nous? Saurons-nous entrer dans le monde nouveau qui nous est promis et qui pointe déjà? Saurons-nous ouvrir nos oreilles et nos coeurs à la parole que Dieu est sur le point de proférer? Le Fils de l'homme quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre?
Ne vous trompez pas de beauté, nous dit Jésus; ne vous trompez pas de catastrophe; ne vous trompez pas de salut. Ne rentrez pas dans vos maisons, ne retournez pas à la ville, les murs ne vous protégeront pas, vos richesses ne vous serviront de rien. Ne vous appuyez pas non plus sur la faculté que vous avez reçue de transmettre la vie; vous n'avez pas de pouvoir sur elle,
Votre salut, Isaïe vous l'a dit, il est dans la confiance et la sérénité(Is 30,15). Dans la confiance paisible que ce que Dieu a promis il est capable de le réaliser. Dans la confiance du psalmiste qui au plus fort de sa détresse crie sa foi: « les eaux montent jusqu'à ma gorge... j'enfonce dans la vase du gouffre,... le flot m'engloutit....  mais je te prie Seigneur, c'est l'heure de ta grâce... » ps 68
« Alors on verra le Fils de l'homme venir dans la nuée... redressez-vous, relevez la tête, car votre rédemption est proche»
Oui c'est l'heure de la grâce, l'heure où Dieu va déchirer les cieux et descendre,  C'est l'heure des cieux nouveaux et de la terre nouvelle, c'est l'heure de la Jérusalem nouvelle... où il n'y aura plus de temple et où nous adorerons en esprit et en vérité, où nous adorerons à ciel ouvert, où nous adorerons à coeur ouvert.
Sr Elisabeth 

jeudi 30 septembre 2010

Espérer, grâce de la rencontre



Qui dit rencontre, dit découverte, partage,...
C'est bien ce qu'il nous a été donné de vivre au long de ces jours de symposium à Rome en septembre.
Imaginez la richesse des échanges, lorsqu'à votre table, se trouvent des bénédictines de pays aussi divers: Indes, USA, Espagne, Brésil, Suède, Italie,...
Bien sûr il faut franchir la barrière des langues, mais à force d'efforts et de rire, de mots et de gestes, on finit après quelques jours à pouvoir tant échanger, qu'il semble que l'on se connaît depuis si longtemps.
Il y a aussi ces moments magiques, où par groupe linguistique, il nous est donné de préparer un office pour toutes... voyez, un groupe francophone, cela ne veut vraiment pas dire, un groupe de françaises... cela donne quelques françaises accueillant à bras ouverts, non seulement les voisines belges, mais aussi le Vietnam, le Burkina, le Togo, le Canada,... Alors pour tel psaume, ce sera l'accompagnement à la kora, pour donner le rythme, ce sera le maracas,... Voyez sur la photo la découverte émerveillée de cet instrument...
Nous étions une bonne centaine, venant de tous horizons, toutes vivant selon la Règle de Benoît. Ne sens-tu pas monter en toi l'espérance quand de telles rencontres sont possibles, quand de telles rencontres te dilatent le coeur ?
La visitation de Marie à Elisabeth est souvent revenue en nos coeurs: quand deux femmes, porteuses de vie, s'accueillent, le Seigneur tressaille de joie ! 
Sr Thérèse-Marie

mardi 31 août 2010

Espérer face... au refus du temps




Un aspect de notre « monde sans limite » qu’il faut peut-être relever, c’est le problème du rapport au temps. « Je veux tout, tout de suite ! » Notre société semble avoir fait profession de ce slogan infantile. La difficulté de prendre un engagement, de le tenir appartient aussi à ce problème de relation au temps.
Comment notre vie remet-elle l’espérance au cœur même de cette situation ? N’est-ce pas en mettant notre vie en tension entre un déjà là et un pas encore ?
Silence, persévérance, patience, stabilité, voilà un vocabulaire bénédictin qui marche à rebours...
Il est bon d’espérer en silence le salut de Dieu[1]. Je vois dans l’humble persévérance de nos aînées, dans leur manière de poursuivre la route, dans un tranquille silence, une merveilleuse hymne à l’espérance.
Si vous connaissez le film « L’homme qui plantait des arbres »[2]... pour moi, il est parabole de nos vies. Ce pourrait être un beau partage que de nous dire quel arbre nous plantons par la persévérance de nos existences !
 
Mais nos vies courent aussi un terrible risque, dans sa manière d’habiter le temps de ses rythmes et horaire bien balancés de prière et travail : « l’habitude nous joue des tours »[3]. Dans nos vies, où 5 fois par jour nous célébrons l’office dans une stalle... le risque est grand de s’installer dans un train-train qui n’a plus rien de la marche du pèlerin !!! Et pourtant n’est-ce pas lui qui nous entraîne... étranger, pèlerin sur cette terre. Et la chanson de poursuivre : « La rouille aurait un charme fou si elle ne s’attaquait qu’aux grilles ». Et c’est une moniale qui ose reprendre ces mots !!! J’avoue prier que la rouille s’attaque non seulement à toutes nos grilles, mais aussi à nos habitudes, nos traditionalismes, nos ritualismes... tout ce qui affadit, dénature le sel de l’Evangile. Benoît veut nous conduire par l’Evangile ! Et Jésus n’a trouvé où reposer la tête si ce n’est sur la Croix. Pouvons-nous vivre « désinstallées » à sa suite ?
Sr Thérèse-Marie

[1] Lamentations 3,26 traduction TOB
[2] Film d'animation de Frédéric Back d'après L'homme qui plantait des arbres, de J. Giono. Narration de Philippe Noiret, 1987 (30 mn).
[3]cf. la chanson : LA ROUILLE; paroles: Jean-Pierre Kernoa; musique: Maxime LeForestier 

dimanche 21 février 2010

l'espérance au désert...

Méditation pour le premier dimanche de Carême, année C

Et nous y voici, en carême. Mais pas avec des mines de carême, j’espère!
La prière d’ouverture du premier dimanche de carême nous a rappelé le but du carême : progresser dans la connaissance de Jésus Christ, et nous ouvrir à sa lumière par une vie de plus en plus fidèle... Alors c’est vrai, on peut laisser tomber les masques de Carnaval, pour laisser fleurir notre joie profonde de progresser en cette connaissance, comprenons : de progresser en l’amour de Jésus, du Dieu qu’il nous révèle.
Et pour nous le découvrir, trois textes sont proposés en la liturgie de ce même dimanche. Trois confessions de foi en acte, pourrions-nous dire.
Dans le Deutéronome (26,4-10), un Israélite confesse sa foi en offrant à Dieu les prémices de ses récoltes. Il relit son histoire, l’histoire de son peuple, et proclame que le Dieu créateur à qui il doit sa récolte, est aussi Dieu sauveur, Dieu qui a compassion des petits, des pauvres, des opprimés, des étrangers. Au Dieu qui libère et donne une terre, il vient offrir à son tour les prémices de sa terre en un geste qui le libère du "tout pour moi". En lisant les textes de la loi juive, nous découvrons que par ce geste d’offrande, le croyant juif entre dans la générosité et la compassion de Dieu. Les prémices qu’il offre vont être partagées : une part pour les lévites qui n’avaient pas de terre, une part pour la veuve, l’orphelin, le pauvre, l’étranger, une part pour célébrer en famille la bonté de Dieu. Ainsi le croyant devient membre d’un peuple attentif au pauvre.
Voilà pour nous faire progresser dans la connaissance de notre Dieu : Dieu sauveur, compatissant, bon et généreux, qui invite à devenir comme lui, communion ouverte ! Espérance du partage...
Dans la lettre aux Romains (10,8-13), Paul nous partage ce qui est l’essence même de toute sa vie : la foi au Christ mort et ressuscité. Une foi ni cérébrale, ni sentimentale : croire en son cœur, c’est laisser la foi diriger notre pensée et l’engagement de tout notre être. La foi au Christ ressuscité donne le salut, justifie... c'est-à-dire nous ajuste à Dieu, la foi nous travaille, nous transfigure à l’image du Fils ! En cette foi, nous dit saint Paul, il n’y a plus de distinction entre juifs et païens. Voici le peuple de la première alliance élargi à l’humanité entière, par la seule foi en Jésus. Impossible d’être chrétien sans un cœur universel ! Espérance de la fraternité...
Relisons maintenant l’évangile présentant Jésus au désert (Luc 4,1-13)... confession de foi de Jésus lui-même pourrions-nous dire !
Jésus, rempli de l’Esprit Saint quitta les bords du Jourdain. Ce texte fait suite au baptême de Jésus. Baptême où le Père a proclamé : Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui je t’ai engendré. Et voici Jésus conduit à travers le désert par l’Esprit ! A travers : le désert est un lieu de passage... vers la terre nouvelle ! Pendant 40 jours, il est mis à l’épreuve par le diable. 40 jours, c’est le rappel des 40 ans au désert du peuple d’Israël.
Est-il nécessaire de nous rappeler que le récit qui suit est symbolique ? N’essayons pas d’imaginer le diable inventant le téléférique pour emmener Jésus sur le faîte du Temple ! Mais comprenons combien Jésus, partageant notre condition humaine, a été tenté tout au long de son existence, aussi bien par ce qui touche à l’avoir (pierre/pain) qu’au pouvoir (tous les royaumes) et au savoir (mettre Dieu en poche). Jésus, humain… comme nous ! Espérance d'une humanité renouvelée...
Ce récit symbolique nous dit donc qu’après 40 jours au désert, Jésus a faim : on peut comprendre... Alors vient le tentateur : si tu es fils de Dieu... Bien sûr qu’il l’est, le Père vient de lui dire ! Ordonne à cette pierre de devenir du pain. - Oui, je suis fils, répond Jésus, c’est pourquoi je ne vis pas seulement de pain, ma relation au Père est plus vitale encore que le pain, et c’est de lui que je reçois le pain ! Je suis Fils pour servir, non pour me servir !
- Ta relation filiale est si importante ? Qu’à cela ne tienne, semble répondre le tentateur. Il emmène Jésus sur une hauteur pour qu’il embrasse du regard tout l’univers : si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela. Moi aussi je peux être père pour toi, et tout te donner, semble chuchoter le malin ! A quoi Jésus répond : - oui, ma relation filiale est vitale et je n’ai qu’un Père ! C’est devant lui, Dieu que je me prosterne, c’est de lui que je reçois la vie, le mouvement et l’être. Et Jésus de préférer la liberté des enfants de Dieu à la prison du pouvoir, à l’esclavage des richesses accaparées.
Alors le tentateur l’emmène à Jérusalem, sur le toit du Temple, lieu idéal pour un coup d’éclat. Il semble consentir au choix de Jésus : - Bien, tu es donc fils de Dieu. Tu es grand alors ! Tu sais que tu peux compter sur lui. Parfait, alors : vas-y, jette-toi en bas du Temple, fais l’expérience de ce souci qu’il a pour toi ! Goûte combien il est Père pour toi ! Faute d’avoir réussi à tenter Jésus, Dieu fait homme, le malin invite Jésus à tenter Dieu ! Et Jésus refuse encore ! Il semble dire : ma foi au Dieu Père de tendresse me donne de vivre avec l’Esprit au quotidien, ma vie humaine, sans chercher à en tirer profit personnel, pouvoir, gloire. Ma relation au Père me donne de vivre ajusté à lui, dans le respect : respect des choses (une pierre est une pierre), respect des autres (refus du pouvoir et de la domination, de l’accaparement des richesses), respect du Père (je ne le tenterai pas). Là où il n’y a que respect, il n’y a aussi que l’amour... et le malin de s’en aller : l’amour il ne connaît pas, ne veut pas connaître... et le malin de s’en aller avec une triste mine de carême, tandis qu’avec Jésus nous pouvons poursuivre heureux la voie qu’il nous a ouverte !
Espérance de la filiation divine...
Sr Thérèse-Marie

dimanche 17 janvier 2010

Voici l'Epoux...




2ème dimanche du temps ordinaire : année C
Pour débuter le temps ordinaire, les lectures nous offrent du peu ordinaire ! C’est le moins que l’on puisse dire ! Des Noces, un Dieu fou d’amour. Un Dieu qui fait ruisseler le vin, un Esprit qui suscite une multitude de dons ! Qui donc est Dieu pour nous aimer ainsi ?
Le prophète Isaïe utilise l’image des épousailles pour dire l’amour de Dieu pour son peuple, pour dire l’alliance qu’il veut établir. Quoi de plus fort ? On t’appellera d’un nom nouveau. Et le nom dit l’être en son plus intime. Quel est ce nom ? Ma préférence, mon épouse. Voilà l’annonce faite à qui se sentait délaissé, exclu ! A un peuple qui se sentait délaissé, exclu ! Pouvons-nous dans le secret de notre prière, dans le secret de ce cœur à cœur avec Dieu, l’entendre nous appeler ainsi ? Pouvons-nous l’entendre appeler ainsi tous les groupes exclus aujourd’hui ? Tous les peuples aujourd’hui privés de nourriture, de ressources, d’accès à l’eau, aux technologies… Qui donc est Dieu pour vouloir entrer ainsi en une telle relation d’amour avec notre humanité ? En un amour, où il n’y a ni condescendance, ni domination, ni supériorité. Celui qui nous a construits, celui qui nous a crées, veut nous épouser ! Ferons-nous sa joie, comme la jeune mariée fait la joie de son mari ? Là est l’attente de notre Dieu, son grand désir !
Au long des ans, il a dû cependant constater nos infidélités, nos reniements. Mais il est un Dieu fidèle, sans cesse il renouvelle l’alliance lorsque nous la brisons. Sans cesse il restaure son peuple, en lui donnant son Esprit.
Saint Paul dans l’épître aux Corinthiens, nous découvre le secret du peuple de Dieu : un peuple constitué d’êtres si différents, revêtus chacun pour sa part de dons de l’Esprit. Lorsque Dieu nous constitue en peuple, il ne le fait pas au départ d’un moule créant des copies conformes d’un modèle unique, mais il nous rassemble en nous différenciant les uns des autres. Par les dons même de son Esprit, il nous revêt de charismes et de fonctions variés. Dieu constitue son peuple en l’unité de la diversité, à l’image de ce qu’il est en lui-même : Père, Fils et Esprit. Il nous est bon de méditer ce texte, alors que demain nous commencerons la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Paul nous découvre la beauté de la diversité, son importance. Les dons de l’Esprit aux uns et aux autres, sont faits pour la communauté, pour la communion, en vue du bien de tous. Ce pourrait être un beau chemin d’unité, si nous reconnaissions les dons de l’Esprit en chacun, chacune, et si nous mettions nos dons au service la communion ! Si les peuples se partageaient mutuellement leurs dons, sans volonté d’accaparement ou de puissance ! Ainsi nous construisons le véritable corps du Christ !
Le peuple, formé par les dons de l’Esprit, est celui-là même que Jésus est venu unir à lui en une nouvelle Alliance. Le premier signe que Jean met en ouverture de son Évangile en témoigne. Si nous nous attardons un peu à la lecture de ce texte, il apparaît assez rapidement, que le récit est étrange : on parle de noces, sans mentionner qui sont les époux. Seuls sont nommés quelques invités : Marie, Jésus et ses disciples ! Cela nous éveille au projet de l’évangéliste : il n’écrit pas la « petite gazette » du coin ou le carnet mondain.
À qui veut bien l’entendre, il annonce l’alliance nouvelle que Dieu, en Jésus, vient instaurer avec l’humanité.
On peut aussi s’étonner de la présence de ces 6 jarres destinées aux ablutions rituelles prescrites par la loi. Que font-elles là dans une salle de noces ? De plus, elles sont vides ! Marquent-elles que les rites d’ablutions qu’une hantise de pureté avait multipliés, que ces rites, détachés d’un projet d’amour, ont desséché les coeurs ? Les jarres sont vides. [J’en connais qui se seraient empressées d’y mettre des fleurs... mais non, elles sont vides.] Est-ce invitation à renoncer à chercher une pureté quelconque à travers des observances et des rites, pour se mettre en quête de l’Alliance Nouvelle ?
Marie est là, (de même elle sera présente au pied de la croix) figure féminine du peuple nouveau, symbole de l’Église. Elle dit le manque à son Fils. La réponse de Jésus peut étonner. Femme, que me veux-tu ? Littéralement : que t’importe à toi et à moi ! mon heure n’est pas encore venue. L’alliance ancienne est passée, il nous faut entrer dans la nouvelle, ne regarde pas en arrière... Et le message de Marie aux serviteurs semble faire advenir cette nouveauté : elle invite à se tourner non vers les responsables de l’organisation, mais vers celui qui vient inaugurer l’alliance nouvelle. Faites tout ce qu’il vous dira.
Dans la culture de l’époque, il revient à l’époux de fournir le vin de la Noce... Les jarres d’eau de l’ancienne alliance sont vides. Seul Jésus, la source, peut rendre aux cœurs une eau vive. Eau vive qui se change en vin, pour qui vient prendre part à sa table, pour qui entre en alliance avec lui !
Et voici que Jésus donne le vin en surabondance, le vin de l’amour, il est l’Époux véritable.
Et de l’abondance de ce vin, il nous est servi en chaque eucharistie, comme il peut nous être servi au cœur de nos vies personnelles et communautaires ! 
Sr Thérèse-Marie

dimanche 10 janvier 2010

Tu es mon Fils

Fête du Baptême du Seigneur (année C)


Les textes que nous offre cette liturgie sont denses ! Impossible de tout commenter.
Arrêtons-nous donc seulement sur quelques paroles, essayons d’y découvrir le visage de notre Dieu, s’il est bien vrai que toute page de l’Écriture nous dit d’abord et avant tout qui est notre Dieu, celui que les prophètes ont annoncé, celui que Jésus a manifesté, celui dont les apôtres témoignent.
Les prophètes, nous présentent Dieu sous divers visages, aucun ne suffisant à lui seul, pour tracer le portrait juste, parfait. Aujourd’hui Isaïe, nous le montre en un grand élan de tendresse : Consolez, consolez mon peuple, dit le Seigneur ! « Con-solez » : être avec celui qui est seul, enfermé dans la prison de son mal, de sa détresse. Oui, voilà la grande attente de notre Dieu, la consolation de ses enfants ! Pas de ses enfants innocents, opprimés uniquement, mais de tous ses enfants. Consolez en annonçant que le crime est pardonné. Cela dit bien, combien qui que nous soyons aujourd’hui, quel que soit notre palmarès à son égard, Dieu veut pour nous un chemin de bonheur. Et il espère qu’il se trouvera un prophète pour nous porter cette consolation ! Mieux, il espère qu’il se trouvera un prophète pour préparer sa venue. Car, Lui, le Très-Haut, le Tout-Puissant, espère venir à notre rencontre, espère venir lui-même rejoindre chacun, le consoler, et pour cela il espère que nous lui préparions un chemin !
Il veut venir, non comme un juge terrible, mais comme un berger de tendresse, qui rassemble les agneaux, les porte sur son cœur !
Les apôtres, aujourd’hui saint Paul dans sa lettre à Tite, nous annoncent la grâce de Dieu, manifestée pour notre salut. Paul est témoin du Christ, il est témoin de sa victoire sur la mort, sur le mal. Il sait que tout nous est déjà donné, et que dans l’espérance de l’accomplissement des promesses, nous pouvons travailler avec ardeur à faire le bien. Non pour obtenir, acheter le salut. Le salut est don gracieux de Dieu. Mais par notre ardeur à faire le bien, nous pouvons hâter le jour de la pleine manifestation de ce salut. Par notre ardeur à faire le bien, nous pouvons faire la joie de notre Dieu, lui dire notre reconnaissance. Lui dire en actes que nous cherchons tant bien que mal à devenir à son image, comme sa ressemblance.
Paul témoigne : Dieu notre sauveur, a manifesté sa bonté et sa tendresse pour les hommes. Il nous a sauvés, il l’a fait dans sa miséricorde !
Notre Dieu n’a d’autre mobile, n’a d’autre but, que celui d’aimer. Il a tout fait par amour, il est en lui-même amour, Trinité : Père, Fils et Esprit. Et il ne veut que se donner à nous, nous faire entrer en cette danse de l’amour. Par le bain du baptême, il nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint. Cet Esprit le Père l’a répandu sur nous avec abondance, par Jésus.
L’évangéliste Luc confirme cette révélation de notre Dieu.
Le peuple était en attente... Qu’attendait-il sinon la consolation annoncée ? Sinon le pardon, la communion rétablie avec Dieu, le bonheur de se laisser porter sur son cœur.
Le peuple était en attente... il attendait le messie qui allait réaliser une telle promesse. Le peuple voit Jean-Baptiste, et se dit : c’est peut-être lui... Mais Jean les détrompe... non, je ne le suis pas ! Moi je baptise dans l’eau, lui vous baptisera dans l’Esprit et le feu ! Le feu de l’amour !
Et révélation merveilleuse... dans cette foule du peuple, Luc nous découvre Dieu lui-même. Jésus est là, homme parmi les hommes, dans la foule du peuple qui dit son attente et son désir en recevant le baptême de Jean. Jésus est là, solidaire de cette foule en attente. Sa mission commence au cœur même de l’attente du peuple. Sa mission commence au cœur même de notre attente à nous tous aujourd’hui, comme au cœur de l’attente de Dieu ! Il vient, se fait proche du seul, il est la consolation attendue !
Et baptisé, dans la solidarité avec cette foule, Jésus prie. Luc est le seul à nous rapporter ce trait lors du baptême de Jésus. Cela vaut la peine de s’y arrêter. Le peuple attendait la consolation, le moment de grâce qui verrait le pardon de Dieu ruisseler, la communion restaurée. Et voici Jésus, baptisé, au milieu du peuple, prie ! Et c’est alors que le ciel s’ouvre. Jésus entré dans le temps humain prie, et en sa prière l’éternité de Dieu s’ouvre ! Le ciel s’ouvre. Ah, si tu déchirais les cieux, avait soupiré le prophète ! Mais la clé de ce déchirement n’était nulle part ailleurs, que dans la prière de Jésus, Dieu fait homme, solidaire du peuple. Jésus en sa prière voit se réaliser la communion du ciel et de la terre. Moment d’intimité, moment de grâce où se manifestent la bonté et la tendresse du Père pour les hommes.
A la prière de Jésus, le ciel s’ouvre, l’Esprit vient reposer sur lui, cet Esprit dont Paul nous dit qu’il vient prier en nos cœurs, qu’il vient dire en nous, le véritable nom de Dieu : Abba, papa ! Et du ciel une voix répond à la prière de Jésus : « C’est toi mon Fils, moi aujourd’hui je t’ai engendré ». La seule et unique réponse du Père. Le seul vrai visage de Dieu, nous est ainsi révélé... Au sein de la prière de Jésus, en cette parole du Père. Parole de reconnaissance, parole d’engendrement ! Dieu pour être avec nous, en la solitude de nos détresses, nous adopte, se fait Père de tendresse. « C’est toi mon Fils, moi aujourd’hui je t’ai engendré ».
Cette parole, c’est à chacun et chacune de nous de l’entendre à notre tour, de la recevoir dans le silence de notre cœur en attente, de notre cœur en prière, pourvu que nous nous glissions à notre tour dans la solidarité du Fils. 
Sr Thérèse-Marie