dimanche 21 février 2010

l'espérance au désert...

Méditation pour le premier dimanche de Carême, année C

Et nous y voici, en carême. Mais pas avec des mines de carême, j’espère!
La prière d’ouverture du premier dimanche de carême nous a rappelé le but du carême : progresser dans la connaissance de Jésus Christ, et nous ouvrir à sa lumière par une vie de plus en plus fidèle... Alors c’est vrai, on peut laisser tomber les masques de Carnaval, pour laisser fleurir notre joie profonde de progresser en cette connaissance, comprenons : de progresser en l’amour de Jésus, du Dieu qu’il nous révèle.
Et pour nous le découvrir, trois textes sont proposés en la liturgie de ce même dimanche. Trois confessions de foi en acte, pourrions-nous dire.
Dans le Deutéronome (26,4-10), un Israélite confesse sa foi en offrant à Dieu les prémices de ses récoltes. Il relit son histoire, l’histoire de son peuple, et proclame que le Dieu créateur à qui il doit sa récolte, est aussi Dieu sauveur, Dieu qui a compassion des petits, des pauvres, des opprimés, des étrangers. Au Dieu qui libère et donne une terre, il vient offrir à son tour les prémices de sa terre en un geste qui le libère du "tout pour moi". En lisant les textes de la loi juive, nous découvrons que par ce geste d’offrande, le croyant juif entre dans la générosité et la compassion de Dieu. Les prémices qu’il offre vont être partagées : une part pour les lévites qui n’avaient pas de terre, une part pour la veuve, l’orphelin, le pauvre, l’étranger, une part pour célébrer en famille la bonté de Dieu. Ainsi le croyant devient membre d’un peuple attentif au pauvre.
Voilà pour nous faire progresser dans la connaissance de notre Dieu : Dieu sauveur, compatissant, bon et généreux, qui invite à devenir comme lui, communion ouverte ! Espérance du partage...
Dans la lettre aux Romains (10,8-13), Paul nous partage ce qui est l’essence même de toute sa vie : la foi au Christ mort et ressuscité. Une foi ni cérébrale, ni sentimentale : croire en son cœur, c’est laisser la foi diriger notre pensée et l’engagement de tout notre être. La foi au Christ ressuscité donne le salut, justifie... c'est-à-dire nous ajuste à Dieu, la foi nous travaille, nous transfigure à l’image du Fils ! En cette foi, nous dit saint Paul, il n’y a plus de distinction entre juifs et païens. Voici le peuple de la première alliance élargi à l’humanité entière, par la seule foi en Jésus. Impossible d’être chrétien sans un cœur universel ! Espérance de la fraternité...
Relisons maintenant l’évangile présentant Jésus au désert (Luc 4,1-13)... confession de foi de Jésus lui-même pourrions-nous dire !
Jésus, rempli de l’Esprit Saint quitta les bords du Jourdain. Ce texte fait suite au baptême de Jésus. Baptême où le Père a proclamé : Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui je t’ai engendré. Et voici Jésus conduit à travers le désert par l’Esprit ! A travers : le désert est un lieu de passage... vers la terre nouvelle ! Pendant 40 jours, il est mis à l’épreuve par le diable. 40 jours, c’est le rappel des 40 ans au désert du peuple d’Israël.
Est-il nécessaire de nous rappeler que le récit qui suit est symbolique ? N’essayons pas d’imaginer le diable inventant le téléférique pour emmener Jésus sur le faîte du Temple ! Mais comprenons combien Jésus, partageant notre condition humaine, a été tenté tout au long de son existence, aussi bien par ce qui touche à l’avoir (pierre/pain) qu’au pouvoir (tous les royaumes) et au savoir (mettre Dieu en poche). Jésus, humain… comme nous ! Espérance d'une humanité renouvelée...
Ce récit symbolique nous dit donc qu’après 40 jours au désert, Jésus a faim : on peut comprendre... Alors vient le tentateur : si tu es fils de Dieu... Bien sûr qu’il l’est, le Père vient de lui dire ! Ordonne à cette pierre de devenir du pain. - Oui, je suis fils, répond Jésus, c’est pourquoi je ne vis pas seulement de pain, ma relation au Père est plus vitale encore que le pain, et c’est de lui que je reçois le pain ! Je suis Fils pour servir, non pour me servir !
- Ta relation filiale est si importante ? Qu’à cela ne tienne, semble répondre le tentateur. Il emmène Jésus sur une hauteur pour qu’il embrasse du regard tout l’univers : si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela. Moi aussi je peux être père pour toi, et tout te donner, semble chuchoter le malin ! A quoi Jésus répond : - oui, ma relation filiale est vitale et je n’ai qu’un Père ! C’est devant lui, Dieu que je me prosterne, c’est de lui que je reçois la vie, le mouvement et l’être. Et Jésus de préférer la liberté des enfants de Dieu à la prison du pouvoir, à l’esclavage des richesses accaparées.
Alors le tentateur l’emmène à Jérusalem, sur le toit du Temple, lieu idéal pour un coup d’éclat. Il semble consentir au choix de Jésus : - Bien, tu es donc fils de Dieu. Tu es grand alors ! Tu sais que tu peux compter sur lui. Parfait, alors : vas-y, jette-toi en bas du Temple, fais l’expérience de ce souci qu’il a pour toi ! Goûte combien il est Père pour toi ! Faute d’avoir réussi à tenter Jésus, Dieu fait homme, le malin invite Jésus à tenter Dieu ! Et Jésus refuse encore ! Il semble dire : ma foi au Dieu Père de tendresse me donne de vivre avec l’Esprit au quotidien, ma vie humaine, sans chercher à en tirer profit personnel, pouvoir, gloire. Ma relation au Père me donne de vivre ajusté à lui, dans le respect : respect des choses (une pierre est une pierre), respect des autres (refus du pouvoir et de la domination, de l’accaparement des richesses), respect du Père (je ne le tenterai pas). Là où il n’y a que respect, il n’y a aussi que l’amour... et le malin de s’en aller : l’amour il ne connaît pas, ne veut pas connaître... et le malin de s’en aller avec une triste mine de carême, tandis qu’avec Jésus nous pouvons poursuivre heureux la voie qu’il nous a ouverte !
Espérance de la filiation divine...
Sr Thérèse-Marie