dimanche 27 mars 2011

Si tu savais le don de Dieu...

27 mars 2011 : 3ème dimanche du Carême A : la Samaritaine.
Commentaire des textes.
 
La lecture du livre de l’Exode s’achève sur une question : « Le Seigneur est-il vraiment au milieu de nous ou bien n’y est-il pas ? » Le peuple a mis Dieu au défi. Dieu aurait pu répondre par une juste colère, mais il préfère répondre en faisant jaillir l’eau du rocher. Il étanche la soif humaine, physique, comme un geste de bonté sur ce chemin du désert qui est une lente éducation à la liberté. Être libre, cela ne s’apprend pas du jour au lendemain.
 
Comme nous l’apprend la deuxième lecture, Dieu n’attend pas que nous soyons parfaits – parfaitement accordés à lui – pour nous offrir le salut.
Comme un père qui éduque ses enfants, il n’attend pas que l’enfant soit parfait pour lui donner de bonnes choses, mais il attend tout de même quelque chose. Ce quelque chose qui fera que nous pourrons accueillir sa grâce.
 
Le psaume nous en donne la clé :
« Aujourd’hui, écouterez-vous sa parole ? Ne fermez pas votre cœur comme au désert... »
Le « cœur fermé » : voilà l’obstacle.
Au désert, le peuple a soif et récrimine contre Dieu : cette récrimination, voilà le poison. Voilà l’attitude intérieure qui empêche l’homme de voir que le Seigneur est vraiment avec lui. Voilà l’attitude intérieure qui obstrue la source, qui empêche Dieu lui-même de se donner...
 
Voilà pourquoi le psaume nous invite, aujourd’hui, à ne pas fermer notre cœur, à ne pas avoir le cœur « bouché », endurci, blasé... Que faut-il faire alors ? Réponse dans le psaume : « aujourd’hui, écouterez-vous sa parole ? »... « écouter » : rien que ça, c’est déjà ouvrir son cœur.
 
Et dans la lettre aux Romains, cela devient : « avoir la foi ». Si nous avons la foi (même un tout petit peu, même simplement déjà le désir de la foi), nous avons « accès au monde de la grâce et nous y sommes établis ».
 
Qu’est-ce que cela donne pour la Samaritaine ?
Elle a soif, elle aussi : sinon, elle ne viendrait pas au puits.
Le puits, sociologiquement, c’est le lieu de la rencontre, mais elle y vient à l’heure la plus chaude du jour, pour être sûre de n’y rencontrer personne. Dans quel état est son cœur ?
 
Surprise : elle va rencontrer quelqu’un qui a soif, lui aussi, plus encore qu’elle, peut-être. Soif de lui donner de l’eau vive. Comment va-t-il s’y prendre ?
 
Très vite, dans la conversation, Jésus va lui donner la clé de ce qu’il voudrait qu’elle comprenne – que nous comprenions. Voici une parole extrêmement belle et importante, une phrase que nous devrions tous connaître par cœur et ruminer au long des jours :
 
« Si tu savais le don de Dieu, si tu connaissais celui qui te dit ‘donne-moi à boire’, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive ».
 
La Samaritaine n’a pas le cœur dur. Elle entre dans le jeu du dialogue. Peut-être par curiosité, d’abord, ou par un jeu un peu frivole, peut-être par opportunisme (« donne-la moi, cette eau, que je n’aie plus soif et que je n’aie plus à venir ici pour puiser ») : peu importe l’intention profonde du départ : elle n’a pas le cœur fermé – et cela permet à Jésus de l’entraîner peu à peu, à son rythme, vers une plus grande profondeur, une plus grande authenticité.
 
Authenticité, vérité, tel est le mot. Quand Jésus parvient à créer une confiance telle que la femme ose à son tour une parole vraie (et sa vérité à elle n’est pas si facile à dire, puisqu’il s’agit d’avouer une vie conjugale quelque peu bousculée), alors le terrain est préparé pour une révélation tout à fait inouïe : elle amène dans la conversation la question du Messie. Et Jésus lui dit tout de go : « je le suis, c’est moi, moi qui te parle ».
 
Merveilleuse pédagogie du Christ, respectant nos détours et nos raccourcis, nos lenteurs à comprendre, nos peurs de trop bien comprendre...
 
Oui, le cœur de la Samaritaine était ouvert. Et le résultat ne se fait pas attendre. Comme Jésus avait promis que celui qui boirait l’eau vive verrait naître en lui-même une source jaillissante, ainsi la Samaritaine devient source elle-même. Elle n’a plus besoin de sa cruche. L’eau vive qui l’habite retombe en cascade sur les habitants de sa ville : à leur tour, découvrant leur soif, ils se tournent vers Jésus et professent leur foi : « nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde ».
 
Nous voici donc, aujourd’hui, devant un beau défi : si nous ne fermons pas notre cœur, si nous ne nous enfermons pas dans notre soif égocentrique, si nous osons croire au don de Dieu, si nous accueillons cette grâce en laquelle nous sommes établis, si nous laissons jaillir l’eau vive jusqu’à éclabousser les autres, alors, notre soif ne sera pas vaine
Et nous rencontrerons Jésus à la table de son Eucharistie.
 
Sr Marie-Raphaël

vendredi 25 mars 2011

Voici...

25 mars : Annonciation du Seigneur
(Is 7,10-14.8,10; Héb. 10,4-10; Luc 1,26-38)
 
De toutes les lectures que la liturgie nous propose un petit mot a retenu mon attention. Je l'ai vu rebondir d'un texte à l'autre et il me semble qu'il suffit à notre méditation : VOICI.
Voici, c'est le mot de la disponibilité, le mot de l'offrande, le mot du don...
 
* Voici, dit Dieu à Achaz,... je vous donne un signe.
Dieu aime qu'on lui demande ce qu'il est prêt à nous donner. Il nous donne même les mots pour le prier... 'Invoque-moi, dit-il par Jérémie, et je te répondrai, je t'annoncerai des choses grandioses et cachées dont tu ne sais rien... »
Achaz refuse d'invoquer Dieu mais ces choses grandioses et cachées que Dieu veut annoncer sont tellement le rêve de Dieu pour l'humanité, Dieu brûle tellement du désir de sauver l'homme qu'il passe outre du scrupule d'Achaz.
'Mon cadeau, mon désir, le don que je vous ai préparé... le voici : « la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils et on l'appellera Emmanuël, c'est-à-dire, Dieu-avec-nous ».
Me Voici,dit Dieu, en ce Fils vous verrez que je suis au milieu de vous.
 
* Voici, je viens faire ta volonté
Ce cri du psaume, la lettre aux Hébreux le met sur les lèvres du Christ.
Le Christ acquiesce au désir du Père, au projet du Père. Il est partie prenante et Il s'y engage tout entier.
Voici, Père, dispose de moi comme il te plaira. Accomplis ton oeuvre en moi, par moi. Non pas ce que je veux mais ce que tu veux car c'est là ma nourriture, c'est là ce qui me fait vivre.
 
* Voici, tu vas concevoir et enfanter un fils car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.
Tel est le salut de l'ange Gabriel à Marie.
La jeune femme est enceinte, avait annoncé Isaïe... Mes paroles ne me reviennent pas sans avoir accompli leur mission, dit-il un peu plus loin.
Oui la promesse se réalisera mais pas sans le concours de l'humanité.
Aujourd'hui toute l'humanité se concentre en Marie et attend sa réponse car comme le dit si bien st Bernard, Dieu a voulu suspendre le salut du monde au consentement de Marie.
 
* Voici la servante du Seigneur
La prophétie prend fin, la réalisation de la promesse commence.
Marie s'offre corps et âme ; elle entre pleinement dans le projet de Dieu, dans son oeuvre de salut au point que ce salut prend chair en elle, qu'elle lui donne un nom et un visage : Jésus.
 
* Voici, mon retour est proche (Ap 22,7.12)
Ce sont là les derniers mots de l'Apocalypse et donc de toute la Bible...
 
* Voici.... ?
Mais le Fils de l'Homme quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? Trouvera-t-il l'accueil, la disponibilité, l'oblation d'un coeur qui n'a rien de plus cher que le Christ ? (RB 5,2)
La réponse est entre nos mains... 
Sr Elisabeth

lundi 21 mars 2011

Père, qu'ils soient un

(pour fêter saint Benoît, méditation sur l'évangile du jour: Jn 17, 1a. 20-26)
 
En ce temps de Carême, la liturgie monastique nous invite à fêter notre fondateur St Benoît.
L’Evangile de ce jour est un extrait des Discours d’Adieux que Jésus a prononcés entre la fin de son ministère terrestre et le début de sa Passion proprement dite.
Jésus y livre son testament, le cœur de son cœur.
Ce testament, il le destine à un double auditoire.
D’abord, à ses disciples, eux qui ont assisté au Lavement des pieds, que Jean raconte au chapitre 13 : Jésus y offre le témoignage de son amour en acte et le propose comme modèle à ses disciples.
Mais, au-delà de ce cercle restreint, les Discours d’Adieux de Jésus s’adressent à tous ceux qui « accueilleront » sa parole et « croiront » en lui, c’est-à-dire à chacune et chacun d’entre nous.
 
En cette prière, Jésus livre le secret de son cœur et le rêve de sa vie :
« Que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi »
 
Tel est le désir de Jésus : une communion, une unité.
Cette unité, c’est celle que partagent le Père et le Fils. On pourrait ajouter, celle de l’Esprit, si nous reprenons l’interprétation de Maurice Zundel, qui voyait en l’Esprit-Saint la manifestation de l’amour qui unit le Père et le Fils.
Unité de la Trinité, donc, parfaite circulation de l’amour.
 
Mais cette unité n’est pas close sur elle-même.
Chacun, chacune d’entre nous est invité à y entrer :
« Qu’ils soient un en nous, eux aussi »
 
Cette unité, cette communion est révélation d’un amour : « Tu les as aimés, comme tu m’as aimé… »
Telle est en effet la Bonne Nouvelle de Jésus.
Si l’on devait résumer le cœur du message chrétien, nous pourrions l’exprimer par ces mots un peu familiers, mais justes : « Dieu est amoureux ».
Oui, dit Jésus lors de l’entretien avec Nicodème : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique ».
Enraciné dans cet amour, consolidé par cet amour du Père, Jésus ne peut que le répandre autour de lui… et désirer que chacun de nous en vive pareillement.
 
Unité de la Trinité et avec chacun de nous.
Mais aussi, la perspective d’une communion qui n’a pas de fin :
« Je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire… »
Cette gloire de Jésus, c’est celle qu’il a reçue du Père.
Le mot « gloire » dans la Bible se rattache à ce qui a du poids.
C’est le fondement de l’être, le poids de l’amour du Père, puis de Jésus, qui cherche à se communiquer.
 
Cette révélation de l’amour de Dieu ne s’arrête pas à ceux qui croient.
Cette unité va encore plus loin, pour atteindre le monde :
« ainsi, le monde saura que tu m’as envoyé et que tu les as aimés… »
L’expression « le monde », chez Jean, est souvent péjoratif : il désigne ceux qui refusent de croire, ceux qui se ferment à Jésus, révélateur du Père.
Mais dans ce discours d’Adieux, le monde devient réceptacle de la révélation, disposé à l’accueillir.
 
Unité de la Trinité et avec chacun de nous, dans une communion sans fin.
Cette unité est révélation du nom du Père :
« Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître encore »
La révélation de Jésus ne s’arrête pas tandis que prend fin son ministère terrestre. Le futur « je le ferai connaître » se poursuit dans l’avenir, grâce au Paraclet, à l’Esprit qu’il nous a promis et envoyé.
 
Ces quelques traits montrent la pertinence de cette prière de Jésus comme Evangile en cette fête de St Benoît.
En effet, le projet monastique répond à ce rêve d’unité de Jésus.
 
D’abord, l’unité définit la voie monastique.
Qu’il nous suffise de rappeler la signification du terme « moine », « moniale » : l’adjectif monos, qui signifie « seul ». Il rappelle le choix du célibat, certes, mais il révèle surtout l’unité que le moine cherche à établir avec le Christ. Dans une extension plus large, on peut y ajouter l’unité avec les hommes et femmes de notre temps, ceux que le moine rejoint en sa prière.
Ensuite, le projet monastique, qui est communautaire, implique l’unité : de l’Office chanté en commun, au travail, en passant par les rencontres interpersonnelles, la vie monastique est fondée en cette unité. Bien plus, Benoît demande dans sa Règle « que nous parvenions tous ensemble à la vie éternelle ».
Enfin, certaines supérieures de communauté optent plus spécifiquement pour cette devise lors de leur élection. C’est béni !
 
Il en va de même pour le témoignage d’amour que rapporte cet extrait du Discours d’Adieux.
Le choix de la voie monastique répond à une déclaration d’amour.
C’est pour répondre à une invitation de Dieu que le moine frappe à la porte du monastère.
La question du discernement est précisément celle-ci : « cherche-t-il vraiment Dieu ? », c’est-à-dire « ne préfère-t-il rien à son amour ? ».
 
 
En ce jour de fête, rendons grâces au Christ pour le rêve de son cœur qu’il nous confie…
Et, pour le réaliser,  demandons à St Benoît de nous montrer le chemin.
Alors, « confiants dans le secours de Dieu », nous courrons « sous la conduite de l’Evangile » !
Amen 
Sr Marie-Jean
 

dimanche 20 mars 2011

Pour que l'homme devienne Dieu

(méditation pour le 2ème dimanche de Carême année A:  Genèse 12, 1-4a ; Psaume 32 ; 2 Timothée 1, 8b-10 ; Matthieu 17, 1-9)
 
Pars... quitte ton pays, va vers le pays que je te montrerai. Et Abraham partit... Il partit sans savoir où il allait, précise la lettre aux Hébreux[1]. Je me demande combien d’entre nous, auraient fait de même. Partir sans savoir où on va ! Bien sûr nous sommes ici dans le contexte de civilisations nomades ou semi-nomades. Mais quand même ! Partir sans savoir où on va, sur un simple appel du Seigneur ! Et pourtant, profondément, ne sommes-nous pas tous en cette situation ? Tous nous avons été appelés à l’existence, tous nous sommes nés un jour, et depuis nous faisons route sur cette terre, comme à tâtons. Les images du séisme au Japon ou des violences en Lybie et ailleurs, nous ont bouleversés. Où allons-nous ? Abraham partit sans savoir où il allait... si ce n’est qu’il répondait à un appel du Seigneur. Et nous sommes embarqués avec lui !
 
Abraham partit, comme le Seigneur le lui avait dit. A cet ordre de départ, le Seigneur joint une promesse : Je ferai de toi une grande nation : promesse incroyable quand on sait que Abraham a alors 75 ans, qu’il n’a pas d’enfant, que son épouse est stérile et âgée comme lui. Je te bénirai continue le Seigneur, tu deviendras une bénédiction,... en toi seront bénies toutes les familles de la terre. Avec notre Dieu, une élection est une mission. Les dons que le Seigneur fait aux hommes sont toujours en vue du partage. Tu seras bénédiction. Et qu’est-ce que la bénédiction divine ? Il ne faut pas comme l’indique l’étymologie latine la réduire à un « dire bien », un « dire du bien ». La bénédiction, beraka en hébreu, est un don de Dieu par lequel il partage son pouvoir de donner la vie, et sa seigneurie sur la création. Relisez si vous le voulez les récits de création dans le livre de la Genèse.
La bénédiction offerte par Dieu est véritablement un partage de sa vie divine. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Abraham devait bien se le demander, mais il fait confiance. C’est pourquoi il est notre père dans la foi. Il est parti sur la simple invitation du Seigneur vers ce partage de vie divine. Quitterons-nous à notre tour nos sécurités, pour mettre nos pas dans ceux du Seigneur ?
 
Oui, nous le ferons en redisant notre confiance avec les versets du psaume : Seigneur, ton amour soit sur nous, comme notre espoir est en toi ! Nous attendons notre vie du Seigneur. Il est fidèle en tout ce qu’il fait.
 
Et comment vivre cette vie humaine ? Dimanche dernier, nous avions suivi Jésus au désert. Nous l’avions contemplé partageant notre condition humaine, dans la lutte contre le tentateur, celui qui veut semer la division entre nous, entre Dieu et nous. Dans ce rude combat, Jésus, pleinement homme nous a ouvert la voie de la résistance. Prenant appui sur la parole de Dieu, il a remporté pour nous la victoire.
Aujourd’hui, c’est le Père, et non plus le tentateur qui nous entraîne sur la montagne. Jésus a déjà longuement parcouru les routes de Galilée, s’il a quelques fois rencontré l’enthousiasme des foules, il a tout autant connu l’opposition des responsables religieux de son époque. Et peu à peu, il a vu l’inéluctable devant lui. Il a compris que son message, le message d’amour du Père, cette lettre d’amour qu’il est lui-même, n’était pas reçu. Il a compris que s’il demeurait fidèle à sa mission, il allait le payer de sa vie. Il l’a annoncé à ses disciples, qui en ont été choqués, bouleversés. Le fils de l’homme va être livré, crucifié, et le troisième jour il ressuscitera. Et comme si cela ne suffisait pas, il a annoncé que ses disciples connaîtraient eux aussi un chemin difficile. Il les a par avance exhorté à prendre leur croix. C’est à ce moment que se situe l’épisode de la transfiguration qui vient de nous être proclamé. Que voyons-nous ? un instant de grâce ! un moment de lumière. Sur la face de Jésus, rayonne l’amour du Père. Il est transfiguré. Et la voix du Père, confirme la parole donnée au baptême : celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour, et la voix poursuit à l’intention des disciples : écoutez-le !
En Jésus transfiguré, nous découvrons, le Fils de Dieu. Alors que dimanche dernier nous l’avions contemplé, vrai homme, aujourd’hui, il nous est révélé vrai Dieu. Les disciples reçoivent là un avant-goût du Ressuscité. Ils sont effrayés devant cette révélation. Mais Jésus s’approche, les touche, et leur dit : « relevez-vous » (un verbe de résurrection) ! Il les entraîne par avance en sa résurrection. Relevez-vous. Voilà où ils vont. Voilà où nous allons. Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu[2].
Pour les aider à traverser l’épreuve de la passion et de la mort, celle de Jésus et la leur propre, les disciples ont reçu ce moment de lumière, de grâce. Ce moment nous est offert à nous aujourd’hui, pour nous fortifier sur le chemin, comme il était offert aussi à Timothée.
 
Le chemin est parfois empli d’obstacles. St Paul lorsqu’il écrit à Timothée veut l’encourager. Il l’invite à traverser courageusement les épreuves du chemin les yeux fixés sur Jésus. La grâce donnée dans le Christ Jésus avant tous les siècles, est devenue visible à nos yeux, dit-il, car notre Sauveur, le Christ Jésus, s’est manifesté en détruisant la mort, et en faisant resplendir la vie et l’immortalité par l’annonce de l’Évangile !
 
Cette annonce c’est à nous qu’elle est faite aujourd’hui. Et en participant à cette eucharistie, nous participons déjà à la résurrection de Jésus. Que cette communion nous entraîne plus avant en la vie divine à laquelle nous sommes appelés tous et toutes.
Sr Thérèse-Marie 


[1] 11,8
[2] " Car telle est la raison pour laquelle le Verbe s’est fait homme, et le Fils de Dieu, Fils de l’homme : c’est pour que l’homme, en entrant en communion avec le Verbe et en recevant ainsi la filiation divine, devienne fils de Dieu " (S. Irénée, hær. 3, 19, 1). " Car le Fils de Dieu s’est fait homme pour nous faire Dieu " (S. Athanase, inc. 54, 3 : PG 25, 192B).
 

samedi 19 mars 2011

Quand Dieu prend le chemin de l'homme

méditation pour la fête de st Joseph (2 Sam 7, 4...16 / Ps 88 / Rm 4, 13...22 / M 1, 16...24a)
 
La liturgie nous joue parfois de sérieux tours. Aujourd’hui, le calendrier des saints l’emporte sur le carême, pour mettre au centre saint Joseph : disons, elle essaye de nous faire mettre au centre, en pleine lumière, un homme de l’ombre ! Un homme dont on ne sait quasi rien, et qui n’a eu de cesse de s’effacer devant un mystère qui le dépassait !
Si vous voulez consacrer le reste de la journée à méditer sur les paroles de saint Joseph,... vous aurez vite fait ! On ne trouve pas une parole, pas un seul mot prononcé par lui au long des évangiles, évangiles dont il disparaît d’ailleurs très rapidement. Rien, pas même un fiat à l’ange qui vient en songe lui demander de prendre chez lui Marie. Dieu lui parle par la voix d’un ange et lui se tait. Plus justement, il répond mais par des actes : quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange lui avait prescrit. Voilà notre homme ! (mari idéal ?)
 
Il ne nous reste donc qu’à guetter ce que nous dit cet homme par son être, par ses actes. A regarder devant quel mystère il s’efface résolument.
 
Joseph est fils de David ! Et la première lecture nous parle de ce David : le roi, élu de Dieu. David s’était installé à Jérusalem et se reposait de ses victoires... Il a pensé bâtir un temple, pour que Dieu puisse aussi s’installer, se reposer au milieu de son peuple. Et Nathan vient lui dire : non, pour le Seigneur, l’aventure est loin de s’achever. Son œuvre de salut est en route, avec une visée bien plus large que la paix qui règne autour de David à ce moment. Le Seigneur promet alors une descendance à David, une descendance à laquelle, lui, Dieu se lie pour toujours : je serai pour lui un père, il sera pour moi un fils. Joseph est fils de David. Il est de la lignée qui au travers des ans est restée dépositaire de cette promesse d’un messie.
 
Joseph est un homme juste, nous dit encore Matthieu. Qu’est-ce à dire ? Saint Paul écrit, au sujet d’Abraham, le père des croyants, que l’on devient juste par la foi. Abraham a vécu bien avant Moïse et le don de la loi au Sinaï. Abraham n’a pas connu cette loi. S’il était juste, c’est par grâce, par don de Dieu, non pour avoir bien suivi la loi. Et, nous dit saint Paul, Abraham est dépositaire de la promesse de Dieu : celle de recevoir le monde en héritage. Promesse faite à Abraham et à sa descendance, c'est-à-dire à tous ceux qui par la foi sont devenus des justes. Abraham a espéré contre toute espérance, il a mis sa confiance en Dieu. En raison de sa foi, Dieu a estimé qu’il était juste.
 
Joseph, homme juste, est donc non seulement fils de David mais aussi fils d’Abraham. Enfin, dernière filiation mentionnée par Matthieu : Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ.
 
C’est à cet homme, fils de Jacob, fiancé à Marie, que Dieu vient parler en songe pour annoncer l’inouï, pour lui confier l’inouï. Ne crains pas de prendre chez toi, Marie, ton épouse. L’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint. Elle mettra au monde un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus (c'est-à-dire Dieu sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.
En accueillant l’enfant, en lui donnant son nom, Joseph adopte cet enfant, et par là, le fait entrer dans la lignée davidique. Joseph permet à Dieu d’accomplir en Jésus la promesse faite à David. Il accueille le messie en ce petit enfant.
 
Homme juste, il donne sa foi à la parole de Dieu. Et par sa foi, il dépasse la loi selon laquelle il aurait dû répudier Marie et il obéit à Dieu : Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange lui avait prescrit.
Par sa foi, il accueille Jésus au sein de la descendance d’Abraham, Père des croyants. L’accomplissement de la promesse faite à David, dépasse la lignée de David. Le Sauveur qui vient est donné au peuple des croyants.
 
Joseph, fils d’Abraham, fils de David, disparaît alors aussi vite de la scène, en nous présentant l’enfant, Jésus, dépositaire de toute promesse. Cette page d’évangile nous invite à contempler les méthodes de notre Dieu. Quand il décide de s’incarner, il le fait vraiment. Aussi, Dieu le Père demande à un homme, Joseph, fils d’Abraham, fils de David, fils de Jacob d’adopter son fils, de lui apprendre le chemin de l’humanité.
 
Voici notre Dieu, enfant fragile né de Marie, confié à la garde d’un homme juste.
 
Joseph aujourd’hui, nous invite à contempler son fils adoptif : le Fils de Dieu.
Le cœur de notre foi nous est proposé : quand Dieu s’incarne, il partage vraiment notre humanité. N’espérons pas qu’il intervienne en notre monde, comme un magicien, ou qu’il débarque comme un martien... C’est en prenant visage d’homme qu’il vient Sauveur, Dieu avec nous. 
Sr Thérèse-Marie

samedi 12 mars 2011

La rude liberté

1er Dimanche de carême A
 
Nous voici donc entrés dans le Carême, dans la quarantaine pascale. Nous voici sur la route de Pâques.
 
Les lectures que nous propose la liturgie, comme celles de dimanche dernier, appel à notre liberté  d'orienter nos vies soit  vers ce qui ne peut que mourir, soit  vers ce qui demeure en vie éternelle. Et cette liberté semble bien difficile à manier.
 
En effet, à peine Adam et Eve ont-ils reçu le souffle de vie qu'ils se trouvent devant un choix radical: faire confiance au Dieu qui les a créés ou s'en affranchir, ne pas croire en Sa parole, le regarder comme un rival..
Et ils tombent dans le piège de la séduction de leurs désirs... mais au lieu de se voir revêtus de la divinité, du pouvoir et de la gloire convoités, ils se découvrent nus et se cachent.
 
A peine sortis du pays d'Egypte, les Hébreux sont prêts à renoncer à leur liberté et à préférer les marmites de nourriture au pays de l'esclavage. Ils oublient leur vocation de fils et le désert devient le lieu des murmures incessants et des révoltes contre Dieu et contre Moïse.
 
A peine Jésus est-il baptisé, qu'il est confronté lui aussi à un choix radical.
Rappelons-nous la voix du Père qui s'est fait entendre au baptême: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu'il m'a plu de choisir ». C'est bien sur ce point que le tentateur le provoque: « Si tu es Fils de Dieu... » Mais Jésus résiste à la tentation d'accaparer ce titre à son profit et il choisit d'être vraiment Fils en s'en remettant totalement entre les mains du Père.
Les récits du baptême et de la tentation sont comme un dialogue initial entre le Père et le Fils au seuil de la vie publique de Jésus; dialogue qui nous révèle la relation profonde de Jésus à son Père et qui va éclairer toute sa vie d'une clarté divine, source de son assurance.
 
Les tentations de Jésus sont celles du peuple hébreu au désert... Mais, pour les surmonter, il s'appuie sur la Parole de Dieu.
 
Matthieu rapporte 3 tentations -le chiffre 3 est symbole de plénitude et suggère la tentation permanente à laquelle Jésus sera confronté jusqu'à son dernier souffle. C'est tout au long de sa vie que Jésus sera tenté, c'est tout au long de sa vie qu'il choisira de répondre en Fils.
 
Au désert, comme les Hébreux, Jésus est tenaillé par la faim mais il refuse de céder à la tentation de l'assouvir en détournant à son profit sa qualité de Fils. Aujourd'hui nous dirions: il refuse de céder à la tentation de la facilité et du tout, tout de suite. Un jour, pourtant, Jésus multipliera les pains dans le désert mais ce sera pour une foule affamée et ce sont les disciples qui les distribueront à partir de leurs 5 pauvres petits pains montrant ainsi que dans le partage il y a assez pour chacun. « L'homme ne vit pas seulement de pain, dit Jésus, mais de toute parole venant de la bouche de Dieu », de cette loi d'amour qui nous décentre de nous-mêmes et tourne nos regards vers les besoins de nos frères et sœurs... Plus tard, Jésus, le Verbe, la Parole de Dieu faite chair, se fera lui-même nourriture, pain de vie pour nous tous.
 
Le diable n'a pas réussi dans le désert, il emmène Jésus sur le sommet du temple, lieu de la présence de Dieu, de la prière. Or déjà les prophètes avaient dénoncé le culte inutile qui s'y pratiquait: « ce peuple m'honore des lèvres mais son coeur est loin de moi, disait Dieu par le prophète Isaïe »(Is 29,13) Au lieu de servir Dieu on se servait de Lui pour s'enrichir, pour se glorifier. Jésus refuse ce marchandage. Il refuse de mettre Dieu au défi de manifester sa présence par un signe grandiose: « tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu » Il sait que sa mission est, au contraire, de purifier ce temple pour en faire une maison de prière pour tous les peuples.
 
Après le temple, c'est sur la montagne que Jésus est emmené. C'est là que Dieu avait donné la Loi à Moïse: « Ecoute Israël, c'est moi le Seigneur ton Dieu... Tu n'auras pas d'autre Dieu que moi... Tu ne te prosterneras pas devant des dieux étrangers, tu ne les serviras pas... » (Dt 5) Pourtant au pied de cette montagne, le peuple a eu tôt fait de se fabriquer un veau d'or, d'en faire son dieu pour qu'il marche à sa tête et de se prosterner devant lui.
Jésus résiste à la tentation de l'idolâtrie, la tentation d'un messianisme à la mesure des attentes et des ambitions humaines tout comme il s'éclipsera le jour où on voudra le faire roi ou qu'il tancera Pierre qui veut le détourner du chemin de souffrance.
 
Ancré dans le mystère de son baptême, de sa conscience d'être Fils, Jésus trouve la force de résister aux multiples sollicitations de la facilité, de la domination, du pouvoir, de la gloire. En tant que Fils il se sait appelé à la mission de ramener vers son Père, ce peuple toujours enclin à prendre son autonomie et à refuser la confiance.
Sa victoire sur les tentations n'est pas seulement pour nous un modèle mais elle nous donne l'assurance de notre propre victoire . C'est ce que nous dit saint Paul: à cause de Jésus, tous ceux qui reçoivent le don de la grâce, cette grâce qui nous ajuste au projet de Dieu, entreront dans la Vie. Cette grâce, nous l'avons reçue par le baptême.
Que ce carême soit chacun de nous un temps privilégié pour revenir à la grâce de notre baptême, pour renouveler notre confiance en Dieu, en son amour et la manifester en refusant résolument tout ce qui nous en détourne...
Alors, en toute vérité, nous pourrons lors de la veillée pascale, renouveler notre profession de foi et par 3 fois, c'est-à-dire en y engageant toute notre vie, nous renoncerons à Satan et au péché pour accueillir dans une fraîcheur nouvelle, avec tous les nouveaux baptisés de Pâques, la Loi d'Amour, ce chemin de vie que nous ouvre la Résurrection du Christ. 
Sr Elisabeth

mercredi 9 mars 2011

La joie du désir spirituel

(partage sur la liturgie du mercredi des Cendres: (Joël 2,12-18 ; Ps 50 ; 2 Co 5,20-6,2 ; Mt 6,1-6.16-18)
Nous avons donc quitté le temps ordinaire pour entrer en Carême. Saint Benoît nous dit qu’en tout temps, notre vie devrait être aussi observante qu’en Carême[1]. Alors rassurez-vous, ne nous plaignez pas, car Benoît présente aussi vite le carême non comme un temps de peine, mais comme l’attente de Pâque dans la joie du désir spirituel. Une attente active, durant laquelle il nous invite à réparer toutes les négligences des autres temps. Négligences... c'est-à-dire ? Je ne vais pas ici entamer le débat sur l’étymologie des mots religion et négligence, mais j’aime cette lecture des deux termes en opposition, telle que la propose Michel Serres[2] : religion, ce qui relie et négligence, ce qui casse le lien.
Réparer les négligences, c’est donc recréer le lien...
Entrer en carême, c’est alors retisser nos relations, avec Dieu et donc forcément avec les autres, en qui nous pouvons rencontrer le visage de Jésus ressuscité.
 
La lecture du livre de Joël nous invite effectivement à revenir au Seigneur, pour qu’il revienne à nous. Oui, il ne s’impose pas à nous. Il viendra à notre rencontre si nous l’invitons, si nous ôtons de nos vies tout ce qui s’oppose à sa venue. Joël nous dit que le Seigneur notre Dieu est tendresse et miséricorde, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment. Comment revenir à un tel Dieu ? Sinon en choisissant de vivre comme lui, au niveau du cœur : déchirez votre cœur,  nous dit le prophète, c'est-à-dire : permettez lui de vivre, de s’épancher, ne l’enfermez pas ! Changez votre cœur de pierre en cœur de chair. Qu’il soit vraiment tout ouverture, amour, tendresse et miséricorde.
Impossible par nous-même ? Alors nous demandons avec le psaume: Pitié pour moi, Seigneur : appel à une relation restaurée. Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis mon esprit.  Une relation cordiale !
 
Saint Paul, nous supplie : laissez-vous réconcilier avec Dieu. C’est bien de relation qu’il s’agit, se laisser réconcilier avec Dieu.
 
Et l’Évangile, comment nous propose-t-il de réparer ce qui serait négligence ? Il nous presse d’enlever nos masques, nos vanités, nos glorioles : évitez d’agir pour vous faire remarquer. Tu fais l’aumône ? Surtout continue, mais que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite. Sois préoccupé de celui à la rencontre de qui tu vas, ne te regarde pas allant à la rencontre, car alors il n’y a pas rencontre, mais fermeture sur toi, il n’y a pas reliance, mais déliance, négligence. Le mot grec qui signifie aumône signifie d’abord et avant tout : compassion et miséricorde. Il est a rattaché à la compassion même de Dieu. C’est la même qualité de relation que t’a offerte le Seigneur, que tu offres à ton tour, à ton frère. Et si la gloire te tente... rappelle-toi, ce mot aumône traduit l’hébreu tsedâqâ... c'est-à-dire justice ! En faisant l’aumône tu rétablis la justice sur terre, tu rends au pauvre ce qui lui appartient et qui se trouvait par erreur en ta possession. L’aumône : une relation nouvelle en lieu et place de la négligence.
 
Quand tu pries, ne sois pas comme ceux qui se donnent en spectacle : tu pries, très bien, surtout continue, mais prie vraiment c'est-à-dire, sois tout attention à Dieu, sois vraiment religieux et non négligeant.
 
Tu jeûnes ? bien ! Mais ne prends pas un air abattu, comme ceux qui se donnent en spectacle. Pourquoi jeûner ? Ce n’est pas par souci de ta ligne ou de la performance, ni pour être reconnu comme super ascète. Tu jeûnes, pour ouvrir en toi le désir, et faire participer tout ton être à ce désir. Attendre la Pâque dans la joie du désir spirituel proposait Benoît. Hâter le jour de la rencontre, le jour du salut, par ton désir... alors parfume-toi la tête ! Tu vas à la rencontre de ton bien-aimé, alors fais-le accourir : parfume-toi la tête, que le Père en te voyant, respire en toi la bonne odeur du Christ[3]. Il court à ta rencontre, pour t’embrasser, et de te revêtir de son salut[4].
 
Tu vas maintenant recevoir les cendres, qu’elles disent ton désir de réduire en poussière tes négligences, pour t’élancer à la rencontre du Seigneur Ressuscité qui se donne à toi aujourd’hui déjà en cette table eucharistique.
 Sr Thérèse-Marie


[1] toutes les citations de la RB viennent du chapitre 49
[2] Voir par exemple : Michel Serres, Statues, Flammarion, Champs, p. 47. : Le religieux [est] ce qui nous rassemble ou relie en exigeant de nous une attention collective sans relâche telle que la première négligence de notre part nous menace de disparition. (...) Cette définition mélange les deux origines probables du mot religion, la racine positive de l'acte de relier avec la négative, par l'inverse de négliger.
[3] 2 Co 2,15
[4] cf Lc 15

dimanche 6 mars 2011

Sur le roc

partage pour la liturgie du 9ème dimanche du Temps Ordinaire A
(Dt 11,18.26-28.32; Ps 30,2-3a.3bc-4.17.25; Rm 3,21-25a.28; Mt 7,21-27)
 
Vous vous êtes courageusement levés, vous êtes venus à l’eucharistie dominicale, ou vous avez ouvert votre missel à la page du jour... j’ai envie de vous dire : tant pis pour vous ! Oui, tant pis pour nous, car nous voilà confrontés à la Parole de Dieu, et conviés non seulement à l’écouter, mais encore à la mettre en pratique ! Il y a grand risque que ce jour du Seigneur, jour de « repos » dominical ne nous laisse pas vraiment tranquilles !
 
Nous sommes devant quelques extraits de la Bible. Ils nous parlent de la loi et de la foi. Si le Deutéronome et l’Évangile semblent d’avis de nous inviter à mettre en pratique la Parole entendue afin de vivre ; st Paul (encore lui !) vient nous servir le grain de sable qui va faire grincer toute la mécanique : il nous dit « attention, les œuvres ne vont pas vous sauver : ce qui vous sauve du péché, de la mort, ce n’est pas la loi, c’est la foi !!! »
 
Ces textes sont-ils à jamais irréconciliables ? Reprenons doucement la lecture !
 
Le Deutéronome nous présente la loi de Dieu comme une proposition, un chemin que le Seigneur place devant nous en disant : « voilà, je t’ai choisi, je t’ai délivré de la servitude, j’ai fait alliance avec toi, je t’aime, si tu veux, je te propose le bonheur. Je ne vais pas te l’imposer, car l’amour n’impose rien. Je mets devant toi vie et mort, bonheur et malheur, choisis donc la vie, choisis le bonheur... » Ainsi, la loi est offerte non comme un carcan, mais comme un chemin, comme des balises sur le chemin, comme les berges d’un fleuve, elles aident le fleuve à s’élancer vers la mer, plutôt que de s’enliser en marécage... Choisis le fleuve ou le marécage...
 
St Paul, vrai juif, formé merveilleusement à l’école des rabbins de son temps, s’est élancé fougueusement comme un fleuve torrentueux. Il voulait la vie, non seulement pour lui, mais pour tout son peuple, il s’est posé en ardent défenseur de la loi, il a tenté de la mettre en pratique de tout son zèle. Il s’est heurté à ses propres limites... il a fait l’expérience de blessures en son être, qu’il n’a pu enlever par son observance. Surtout, il a rencontré le Ressuscité, et cela a bouleversé sa vie. Il a découvert combien ce qui importe : c’est la foi qui anime la vie de l’intérieur. Il a expérimenté en son être combien « la grâce de Dieu lui suffit, car la puissance de Dieu s’accomplit en sa faiblesse ». Il est devenu chantre du don de Dieu : de la grâce, du salut. La foi nous justifie, c'est-à-dire, nous ajuste au projet de Dieu, à son amour. « Si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien... » écrira-t-il aux Corinthiens.
 
Vient alors l’Évangile d’aujourd’hui : la fin du sermon sur la montagne, tel que l’a rapporté st Matthieu. Nous en avons lu des extraits au long des dimanches précédents. Si vous avez du loisir, offrez-vous cette grâce de le relire d’un trait. Cela fait trois chapitres seulement.
 
Les disciples sont autour de Jésus. Ils l’entourent peut-être de toute leur révérence. Ils applaudissent : « Seigneur, c’est magnifique ce que tu as dit ! » Et Jésus répond : « Il ne suffit pas de me dire : Seigneur, Seigneur pour entrer dans le Royaume des cieux, mais il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux ».
Quand je vous disais que la liturgie n’est pas de tout repos ! Nous avons bien prié, nous avons chanté « Seigneur prends pitié, gloire à Dieu ! » Ces prières, ces chants n’expriment-ils pas notre foi, comme y invite st Paul ? Jésus nous répond : La vie du Royaume ce n’est pas cela !
- Cela ne suffit pas ? Bon alors, écoute Seigneur, en ton nom durant la semaine, nous avons chassé les démons, en ton nom nous avons été prophètes, et puis ah oui, moi j’ai fait un miracle, moi aussi...
Et Jésus continue : je ne vous connais pas, écartez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité... « vous qui pratiquez la non-loi » pourrions-nous traduire...
 
N’est-ce pas rude à entendre ? Et dire que c’est la fin du discours sur la montagne. Allons-nous rester définitivement perplexes ? Jésus continue alors avec la petite image des deux hommes qui construisent leur maison. Ils œuvrent apparemment de la même manière. Un sur le roc, l’autre sur le sable. Les deux connaissent la tempête. Nul en cette vie n’est épargné, nul ne connaît une vie sans épreuve, sans nuage, sans tempête. Une maison s’écroule, l’autre tient... Et cette image illustre la différence entre celui qui écoute la parole et la met en pratique et celui qui écoute et ne met pas en pratique...
 
Les deux ont bâti une maison. On pensait : alors, les deux ont mis en pratique. Et bien non, celui qui met en pratique, c’est celui qui bâtit sur le roc. Tandis que celui qui bâtit sur le sable, même s’il bâtit une superbe maison, ne met pas en pratique.
 
Ici Paul rejoint Jésus... c’est la foi qui distingue les deux hommes, leur agir extérieur est identique, mais il est vécu différemment.
Bâtir sur le sable, c’est bâtir sur la Loi, sur les « œuvres de la Loi » qui « nous justifient ». Bâtir sur le roc, c’est peut-être faire les mêmes « œuvres », mais fondées sur la foi au Dieu de Jésus-Christ, en suivant la loi nouvelle : aimer Dieu et le prochain, avec une préférence pour les petits, les marginalisés, les oubliés,… N’être qu’amour.
 
Jésus nous invite à une cohérence de vie, que notre prière et nos actes soient emplis du même amour, de la même foi. Il s’agit de faire la volonté du Père des cieux : bâtir le royaume de justice et de paix, dans la fraternité et la solidarité, tel que Jésus a tenté de nous l’enseigner au long de ce discours sur la montagne. Laisser l’Esprit inspirer notre prière comme notre action pour être vraiment les enfants de notre Père des cieux.
Sr Thérèse-Marie