mardi 31 mai 2011

Joie de la rencontre

 partage pour la fête de la Visitation
Ah les femmes !!! voici une belle page biblique, où ce sont elles qui nous portent en la joie de Dieu, et reconnaissons-le, elles le font à merveille !
 
Le prophète Sophonie avait annoncé, combien le Seigneur Dieu, souhaitait demeurer en nous ! Combien il espérait y trouver sa joie ! Aurait-il pu imaginer que la plus belle réalisation de ce désir, serait l’incarnation du Seigneur, dans le sein d’une femme ?
 
Nous avons fêté l’Annonciation le 25 mars. Il y a déjà 2 mois de cela. Il semble donc assez clair que le calendrier liturgique n’est pas un calendrier à prétention strictement chronologique. A moins de supposer que Marie ait cheminé deux bons mois pour gagner la maison d’Élisabeth. Car selon saint Luc, les récits de l’Annonciation et de la Visitation se succèdent dans le temps de manière très rapide.
L’ange Gabriel vient de porter l’annonce à Marie, il vient de lui confier le projet de Dieu, de le soumettre à son adhésion pleine et libre. Et Marie a répondu : oui, je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. Alors l’ange la quitta, écrit Luc. Sur la pointe des ailes ajoute frère François. Mission accomplie, l’ange se retire, laissant toute la place à l’Esprit. L’Esprit vient couvrir Marie de son ombre, et commence dans le sein de Marie, la lente formation de l’enfant. On pourrait alors croire que la venue de l’Esprit va tenir Marie à l’écart, dans la méditation des paroles qui lui ont été dites. On aurait pu penser qu’elle allait dans le silence se consacrer au Seigneur dont elle se veutservante. On l’aurait aisément peinte toute recueillie, dans une chambre haute, laissant le Seigneur tisser en son sein un corps pour son fils, on l’aurait vue dans l’émerveillement de la découverte de cette vie qui prenait chair en sa chair. Mais ce serait là méconnaitre totalement les manières de l’Esprit-Saint.
Marie, sitôt habitée par l’Esprit, se lève dit le texte, usant ici d’un verbe typique de résurrection. Marie, habitée par une vie nouvelle, surgissant, ressuscitant se met en route, avec empressement, pour aller à la rencontre de sa vieille cousine.
Nous observons ce même mouvement, lorsque les apôtres enfermés en la chambre haute, ayant reçu l’Esprit s’élancent alors, porteurs d’une vie nouvelle, pour annoncer la résurrection à tous ceux qui voulaient bien les entendre !
Marie sitôt revêtue de l’Esprit, sitôt reçue sa mission, se met en route, vers les montagnes de Judée... on se surprend à chanter avec Isaïe : comme il est beau de voir courir sur la montagne, le messager de la Bonne Nouvelle, qui annonce la paix, qui annonce le salut[1].   
Et Marie, transmet à Élisabeth le souffle de l’Esprit, en une rencontre qui ne cesse de nous émerveiller. La visitation de Marie ouvre Élisabeth à la joie de la Bonne Nouvelle. Et les deux femmes laissent l’Esprit chanter en elles la joie de Dieu. Puisse l’Esprit habiter toutes nos rencontres. Puissent ainsi toutes nos rencontres être visitations ! 
 Sr Thérèse-Marie

[1] voir Is 52,7

dimanche 29 mai 2011

Rendre compte de notre espérance

Homélie pour le 6ème dimanche de Pâques A, 29 mai 2011
 
« Vous devez toujours être prêts à vous expliquer devant tous ceux qui vous demandent de rendre compte de l’espérance qui est en vous. »
Cette phrase de la première lettre de Pierre nous est aussi adressée à nous, aujourd’hui. Injonction claire et nette ; être chrétien, ce n’est pas qu’une affaire privée entre Dieu et moi ; être chrétien, c’est aussi témoigner, oser « rendre compte », « sortir du bois ».
Rendre compte de quoi ? De « l’espérance qui est en vous », c’est-à-dire de la foi en l’avenir, et donc de la joie qui, immanquablement, déborde de cette certitude que Dieu nous aime et que notre vie a un sens.
La joie est bien présente dans les lectures d’aujourd’hui. Le récit des Actes des apôtres nous en offre un bel échantillon. Philippe arrive dans une ville de Samarie. Il y proclame le Christ. Il y a des signes qui accompagnent sa prédication. Ces signes sont révélateurs d’une parole qui « libère », qui délie les liens (liens qui entravaient des « possédés », liens d’infirmité, de paralysie). Et le résultat ne trompe pas : « il y eut dans cette ville une grande joie ».
La même joie rebondit dans le psaume. Le psalmiste se souvient des hauts-faits de Dieu dans l’histoire, « ses exploits pour les fils des hommes… il changea la mer en terre ferme… ils passèrent le fleuve à pied sec ». Et il chante les hauts faits de Dieu dans sa propre histoire : cela déborde, comme la joie, il ne peut pas les garder pour lui : « venez, écoutez, je vous dirai ce qu’il a fait pour mon âme… d’où vient cette joie qu’il nous donne ».
Alors, sommes-nous prêts à en dire autant ? À rendre compte de l’espérance et de la joie qui est en nous ? N’est-ce pas risqué ? incongru ? déplacé même, dans ce monde qui souffre ? Tant d’objections se lèvent comme un vent froid pour rabattre l’élan de notre joie, de notre espérance… Objections qui nous viennent, d’abord, de l’extérieur, du monde qui nous entoure : comment expliquez-vous le mal ? les guerres ? et le mal en votre propre sein ?
Objections qui nous viennent aussi de l’intérieur, de notre propre cœur : doutes, inquiétude, sentiment de honte, peur de la joie…
Non, vraiment, il n’y a pas de quoi être « triomphaliste » dans notre témoignage d’espérance. C’est pourquoi nous sommes heureux d’entendre Pierre ajouter : « faites-le avec douceur et respect, et avec une conscience droite. »
Douceur et respect : vis-à-vis de Dieu d’abord. Pour parler de lui, mon discours se fera humble. Il ne s’agit pas de le « mettre en boîte » par des arguments tout ficelés, intangibles…
Douceur et respect vis-à-vis des autres : ma parole ne doit absolument pas être ne tentative de récupération, une mainmise sur la liberté de pensée de l’autre. Mais simple et authentique témoignage qui laisse à l’autre toute liberté de croire.
Douceur et respect, enfin, vis-à-vis de moi-même. Le respect de moi-même consistera à être fidèle à ma vérité la plus profonde. Ce n’est que dans la mesure où je suis « vraie » que je pourrai convaincre sans forcer.
Or, il y en a un, précisément, qui détient le secret de cette vérité. Celui que Jésus nomme « l’Esprit de vérité ». Dans l’évangile d’aujourd’hui, extrait du discours d’adieu, c’est la première fois que Jésus en parle. Il le décrit comme le « Défenseur, qui sera pour toujours avec vous ». Revoilà donc l’image du « tribunal » : nous avons à « rendre compte », mais nous avons un « défenseur, un « avocat », pour faire face à cet « autre », que Jean appelle par ailleurs « l’accusateur », celui qui ne cesse de dresser des obstacles devant notre foi, notre espérance, notre joie.
Au fil des dimanches à venir, nous aurons bien des occasions de découvrir ce beau cadeau qu’est l’Esprit Saint. Aujourd’hui, soyons donc comme ces Samaritains évangélisés par Philippe et confirmés dans leur foi par Pierre et Jean. Accueillons l’Esprit et laissons déborder notre joie !
Sr Marie-Raphaël 

dimanche 15 mai 2011

Le pâturage du Seigneur

4e dimanche du Temps Pascal Année A (2011)
 
 En ce quatrième dimanche du Temps pascal, Jésus parle de lui-même au moyen d’une image, d’un tableau symbolique : le pasteur.
 
« Amen, Amen, je vous le dis : celui qui entre dans la bergerie sans passer par la porte, mais qui escalade par un autre endroit, celui-là est un voleur et un bandit »
Mais aussi :
« Celui qui entre par la porte, c’est lui le pasteur, le berger des brebis »
 
Pour bien sentir la résonance de l’image choisie par Jésus, il est éclairant de se souvenir du Premier Testament.
Dans l’histoire d’Israël, la fonction de pasteur définissait la charge royale.
Il s’agissait de conduire le troupeau, c’est-à-dire le peuple d’Israël, selon la volonté de Dieu.
Le roi était l’intendant de Dieu, celui qu’il s’est choisi pour régner en son nom.
Si David fut un roi « selon le cœur de Dieu », d’innombrables autres pasteurs se sont succédé sur le trône d’Israël, en négligeant le troupeau qui leur était confié.
D’où les invectives des prophètes contre ces pasteurs « qui se paissent eux-mêmes au lieu des brebis ».
Pour suppléer à ces faux pasteurs, Dieu prendra lui-même en charge le troupeau :
« C’est moi qui ferai paître mes brebis et c’est moi qui les ferai reposer, oracle du Seigneur Dieu... Je les ferai paître avec justice ».
Et peu à peu émergera l’Espérance d’un berger qui mènera le troupeau à la manière de Dieu.
C’est ce rôle que Jésus assume lorsqu’il déclare : « Je suis le Bon Berger ».
 
En connaissant cet arrière-fond du Premier Testament, nous pouvons comprendre à bon escient ce que Jésus nous révèle de lui-même, par l’image des bergers de notre Evangile.
 
Le premier, qualifié de « voleur » et de « bandit », qui « entre dans la bergerie sans passer par la porte » et « escalade par un autre endroit » ; celui qui « ne vient que pour voler, égorger et détruire ». 
C’est le portrait du faux berger, que les brebis n’écoutent pas.
 
Mais il en existe un autre, que Jésus nomme « pasteur et berger des brebis ».
Celui qui entre par la porte et est connu des brebis.
Celui qui les appelle chacune par son nom et les fait sortir du bercail.
Celui qui marche à leur tête.
 
Ces fonctions du « bon berger », Jésus se les attribue dans la suite du récit.
Il parle alors à la première personne :
 
« Amen, amen, je vous le dis : je suis la porte des brebis… »
Ce double « Amen » solennel annonce des propos d’importance.
En effet, l’expression « Je suis » fait écho à la présentation de Dieu à Moïse dans le Premier Testament, lorsqu’il déclarait : « Je suis Celui qui est ».
En disant « Je suis », Jésus révèle l’identité de son être, sa vérité profonde.
 
« Je suis la porte », dit Jésus, la porte à travers laquelle passent les brebis.
 
 
Mais de quelle porte s’agit-il ? Et où mène-t-elle ?
« Si quelqu’un entre en passant par moi, dit Jésus, il sera sauvé ; il pourra aller et venir et il trouvera un pâturage »
 
Tout au long de son ministère terrestre, Jésus n’a cessé de parler du Père.
C’est vers Dieu qu’il veut mener les brebis ; c’est au Père qu’il veut nous conduire.
Comme il le dira ailleurs dans l’évangile de Jean : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne vient au Père que par moi ».
Jésus est médiateur.
 
« Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé » : c’est-à-dire « sauvé par Dieu ».
Celui qui est sauvé est aussi libéré.
Libéré de toutes les aliénations, celle de la peur et de l’épreuve, celle de la désespérance et du non-sens.
C’est pour cela que Jésus est venu parmi nous : il veut nous offrir le salut.
Comme il le disait à Nicodème :
« Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui ».
 
Bien plus, dit Jésus, « il pourra aller et venir ».
La liberté de chacun est préservée. Jésus n’enferme pas dans le bercail.
Il ne contraint personne, mais il propose sa Bonne Nouvelle, son message de salut et de bonheur.
 
Et aussi, « il trouvera un pâturage ».
C’est le symbole de la vie plantureuse.
Comme l’exprime le psaume 22, que nous venons de chanter :
« Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer »
 
Jésus ne nous laisse pas périr. Il nous offre les vivres dont nous avons besoin. 
Et le pâturage qu’il offre, c’est celui de sa Parole et de son Pain, celui de son Alliance et de son Amour.
En ce Temps pascal, c’est aussi le pâturage de sa Paix et de sa Joie, les dons du Ressuscité.
 
Enfin, Jésus révèle en ce récit ce qu’il rêve d’offrir à chacun et chacune de nous :
« Je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance ».
 
En déclarant « Je suis la Porte », Jésus se dit médiateur.
Médiateur de salut, de liberté, de bonheur et de vie.
 
Tel est en effet le cadeau que Dieu nous propose aujourd’hui...
Il veut nous offrir une vie pleine, heureuse, féconde et portant du fruit.
En ce jour, et chaque jour, chacun et chacune de nous peut ouvrir son cœur pour la recevoir.
Alléluia !
Sr Marie-Jean 

samedi 14 mai 2011

Témoin de la résurrection

(méditation pour la fête de st Matthias le 14 mai)
 
Saint Matthias, patron des remplaçants, a de l’avenir, il n’y a pas à en douter ! Dans notre Église, on aimerait pouvoir trouver des remplaçants pour tant de ministères laissés vacants.
Bien, demandons à saint Matthias d’intercéder pour que le Seigneur envoie des ouvriers pour la moisson. Mais au fait, quel type d’ouvrier ?
Saint Pierre dans le discours des Actes nous donne quelques traits simples mais très parlants, il cherche donc à remplacer Judas, pour que sa charge soit assumée. Car Judas était du groupe des apôtres, et avait à ce titre reçu sa part non point d’honneur, ne nous trompons pas, mais de ministère, de service (diaconie en grec). Et pour que ce service soit assumé, il faut un remplaçant.
Et quel est ce service ? Pierre nous le décrit en des mots très simples : être avec les apôtres, témoin de la résurrection de Jésus.
Avec les apôtres : on n’est pas chrétien seul, on n’est pas témoin seul. C’est dans et par la communauté chrétienne que le témoignage est donné.
Témoin de la résurrection de Jésus. Là on peut se dire : mission impossible. Oui, impossible, si on veut parler du moment même de la résurrection, il n’y a pas de témoin ! Les apôtres n’étaient pas présents, nul n’était présent ! Alors qu’est-ce qu’être témoin ? Pierre précise : il faut que ce soit quelqu’un qui a vécu avec le groupe des apôtres depuis le temps du baptême au Jourdain, jusqu’à l’Ascension.
Il ne s’agit pas pour porter la mission, d’être diplômé de l’institut pontifical de théologie, d’être bardé de diplômes prestigieux...
Il s’agit d’avoir vécu avec la communauté en présence de Jésus. C’est dans ce partage de vie, que l’on peut faire l’expérience de la présence du Ressuscité et en devenir témoin.
 
Et qu’est-ce que ce partage de vie ? Saint Jean nous le découvre : Demeurer en l’amour de Dieu, en gardant ses commandements. Commandements qui se résument à un seul en fait : nous aimer les uns les autres, comme nous avons été aimés, comme nous sommes aimés par Jésus, par Dieu, par celles et ceux qui ont été pour nous témoins de la résurrection. Demeurer dans l’amour, non point comme en une bulle de cocooning, mais en donnant sa vie. Là où nous sommes être témoins de la résurrection, c’est donner sa vie, pour que vivent nos frères et sœurs, tout particulièrement les plus démunis, les plus fragiles.
Alors nous partagerons la joie de Dieu.
 
Voilà les témoins que le Seigneur espère, voilà le programme de qui est choisi pour témoigner par le don de sa vie, pour témoigner de la puissance de Résurrection à l’œuvre aujourd’hui, en notre monde.
Belle mission à chacune et chacune !
 
Sr Thérèse-Marie

dimanche 8 mai 2011

Notre coeur n'était-il pas brûlant?

3ème dimanche de Pâques A
Merci à saint Luc pour ce magnifique texte que nous connaissons bien et que nous entendons toujours avec plaisir... sans doute parce que nous pressentons que ce chemin d'Emmaüs est aussi le nôtre, est le chemin de notre foi.
 
Les disciples d'Emmaüs avaient tout quitté pour suivre Jésus... Ils l'avaient accompagné sur les chemins de Palestine, ils avaient écouté sa Parole, vu ses miracles... Pourtant, au moment clé de sa vie, au moment que Jésus appelait son heure, où il touchait le sommet de l'oeuvre pour laquelle il avait été envoyé par le Père et où il révélait jusqu'où va l'amour de Dieu pour l'homme, ses disciples l'ont quitté, c'était trop fort !; ils se sont dispersés, rentrant chacun chez eux, le coeur lourd de tant de rêves déçus : « nous qui espérions qu'il serait le libérateur d'Israël ! »
Les voilà donc tristes, enfermés et noyés dans leur souffrance et leur incompréhension, dans leur honte peut-être aussi de s'être laissé duper.
 
C'est alors que Jésus les rejoint pour faire route avec eux. Merveilleuse délicatesse ! Ceux qui l'avaient laissé seul sur le chemin du Golgotha. il les rejoint sur leur propre chemin d'amertume et il marche à leurs côtés.
« Mais, nous dit st Luc, leurs yeux étaient aveuglés et ils ne le reconnurent pas »
Voilà qui nous étonne ! Ils ont vécu si longtemps avec Jésus et ils ne le reconnaissent pas ! C'est que la résurrection n'est pas simple réanimation du cadavre de Jésus, elle n'est pas retourà la vie mais entréedans une vie nouvelle. Dès lors, les yeux du corps ne suffisent pas pour percevoir la présence nouvelle du Ressuscité. Il faut, pour les disciples, comme pour nous aujourd'hui, les yeux de la foi. C'est ce regard nouveau que Jésus va éveiller en eux tout au long du chemin. Et la manière dont Jésus va s'y prendre est bien précieuse pour nous car elle met en évidence 3 piliers sur lesquels s’appuie notre foi au Ressuscité, 3 piliers qui sont aussi 3 éléments importants pour toute catéchèse,
 
1er pilier : l'Ecriture
Jésus va puiser dans l'Ecriture tout ce qui le concerne et vient l'appliquer comme un baume sur le questionnement, l'incompréhension des disciples.L'Ecriture, la Parole de Dieu n'est pas un livre qui distillerait un ensemble de connaissances, elle n'est pas enfermée dans un lieu ou une époque... Lorsque nous la lisons, elle s'écrit, si l'on peut dire, comme en surimpression sur le livre de notre vie. Et c'est la raison pour laquelle Jésus a d'abord invité les 2 hommes à mettre des mots sur leur vécu. « De quoi parliez-vous en chemin ? » Ainsi Jésus les rejoint non seulement sur le chemin qui les conduit à Emmaüs mais aussi et surtout sur le chemin de leur coeur pour leur rappeler les manières de Dieu qui transparaissent dans l'histoire du peuple d'Israël et qui nous disent encore et toujours sa manière d'aimer.
 
2ème pilier : le pain partagé
Arrivé à Emmaüs, « faisant semblant d'aller plus loin » Jésus ne s'impose pas. Il laisse un moment ses amis face à eux-mêmes... le temps de prendre conscience du chemin parcouru en leur coeur. Ils ne sont plus repliés sur eux-mêmes comme au début du récit, ils ne sont plus hypnotisés par leur désespérance mais ils se sont ouverts et sont maintenant capables d'inviter l'étranger à rester avec eux.
Jésus entre donc dans la maison et au moment de se mettre à table, il pose un geste qui le révèle : comme à la multiplication des pains (ou plutôt la division des pains car Jésus a simplement invité ses disciples à partager les pains qu'ils avaient, ce qui a permis à tous d'être rassasiés), comme à la dernière Cène, il prend le pain, dit la bénédiction, le rompt et le leur donne.
Alors leurs yeux s'ouvrirent mais Lui,disparut à leur regard, manifestant par là que l'essentiel n'est pas dans ce que leurs yeux ont vu mais dans ce que leur foi a reconnu.
 
3ème pilier : le témoignage
A l'instant même où ils reconnaissent Jésus les disciples se lèvent et retournent à Jérusalem. « Ils se lèvent »: le verbe grec, utilisé par saint Luc, est celui qui exprime la résurrection. En reconnaissant Jésus ressuscité, ils font eux-mêmes l'expérience d'une résurrection intérieure qui les relance a toute vitesse sur la route qu'ils venaient de parcourir si lourdement... et cela pour quoi ? Pour retrouver la communauté des disciples et leur partager ce qu'ils venaient de vivre. La foi ne se vit pas seul, la foi se nourrit, se construit, se transmet en communauté.
 
Ce n'est pas pour rien que dans nos célébrations eucharistiques, après avoir écouté la Parole et avoir communié au Corps et au Sang du Christ ressuscité, nous sommes envoyés sur un chemin de communion fraternelle.
La paix et la joie qui ont renouvelé nos coeurs, "notre cœur n'était-il pas tout brûlant ?…" il nous faut les partager et à l'exemple de Jésus lui-même, il nous faut déposer la parole entendue sur les plaies et les angoisses de nos frères et soeurs enfermés sur leur chemin de désespérance.
Oserons-nous, à l'issue de nos célébrations, nous transmettre le feu nouveau qui a fendu la nuit pascale et qui à présent brûle dans nos coeurs ? Oserons-nous, dans une joyeuse pagaille pour reprendre l'expression du père Poupart, nous annoncer les uns aux autres « Le Christ est ressuscité, Il nous a parlé, pour nous il a partagé le pain et nous l'avons reconnu. Oui, Il est vraiment ressuscité ! »
Sr Elisabeth 

mardi 3 mai 2011

Qui m'a vu a vu le Père

Partage pour la fête des apôtre saints Philippe et Jacques (1 Co 15,1-8 / Ps 18 / Jn 14, 6-14)
 
La liturgie a un génie particulier pour associer des êtres bien différents en une seule et même fête. En juin, elle nous offrira de fêter saint Pierre et saint Paul ensemble, mélange plutôt détonnant ! Aujourd’hui elle nous fait célébrer deux figures plus effacées sans doute, mais tout aussi disparates, pour ce que l’on peut en dire.
 
L’apôtre Jacques fêté aujourd’hui, est identifié dans l’église latine avec le fils d’Alphée[1] et en même temps avec le frère-cousin de Jésus, devenu plus tard le premier responsable de la communauté chrétienne de Jérusalem. L’exégèse moderne préfère séparer ces deux personnages, tout comme la liturgie byzantine du reste qui les célèbre respectivement le 9 et le 25 octobre[2].
 
Le fils d’Alphée est mentionné dans les listes d’apôtres, mais on ne sait rien de plus à son sujet dans l’évangile. Celui dont parle Paul dans sa lettre aux Corinthiens, a fait l’expérience personnelle du Ressuscité. Les Actes lui donnent visage d’un homme important, qui prend ses responsabilités au sein de la première communauté. Lors du tout premier concile, à Jérusalem, lorsque fut exposée la question des conditions imposées à l’accueil dans la communauté de chrétiens issus du paganisme, c’est lui Jacques et non Pierre, qui prend la parole pour trancher et décider que oui, ces nouveaux convertis sont bienvenus dans la communauté, et qu’ils ne doivent pas se soumettre à l’entièreté de la loi juive.[3] (ils doivent juste éviter certains dérapages et inconduites... dont la consommation de boudin rouge!)
 
Philippe lui est un disciple de la première heure, selon l’évangile de Jean. Il était de Bethsaïde[4], la même ville que Pierre et André. C’est un fonceur qui ne prend pas trop le temps pour calculer sa réaction. Jésus le rencontre et lui dit « suis-moi »[5]. Et voilà notre Philippe lancé. Et mieux, il s’empresse d’aller chercher Nathanaël... qui, lui, discute : « de Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ? » et Philippe de faire court dans la discussion : « Viens et vois »[6].
Lorsque Jésus voit la foule qui vient à lui, c’est à Philippe qu’il demande : « Où achèterons-nous des pains pour que mangent ces gens ? ». Philippe répond du tac au tac, il a vite fait d’évaluer la situation : Deux cents deniers de pain ne suffisent pas pour que chacun en reçoive un petit morceau.[7]
Des Grecs veulent voir Jésus, ils s’adressent à Philippe. Celui-ci va de suite trouver André : deux apôtres cela fait une bonne ambassade ; ensemble ils vont parler à Jésus.[8] Cela nous vaut les paroles sur le grain de blé tombé en terre qui porte du fruit.
Enfin, autour du dernier repas, Jésus parle aux siens, les enseigne une dernière fois, et c’est de cet échange que vient la page d’évangile d’aujourd’hui. Jésus indique comme doucement la voie que les apôtres auront à suivre : Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne va au Père sans passer par moi. Puisque vous me connaissez, vous connaissez aussi mon Père. Dès maintenant vous le connaissez, et vous l’avez vu. Et c’est là que notre primesautier d’apôtre, interrompt le maître, l’air de dire, assez de palabres, va un peu plus direct au but, s’il te plaît : Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit ! Intervention qui nous vaut cette phrase qui devrait rester gravée à jamais en nos cœurs, tandis que nous consacrons nos vies à chercher Dieu : Philippe celui qui m’a vu, a vu le Père. Pour se dire, Dieu ne veut pas d’autre image que l’homme ! Déjà les anciens l’avaient compris qui refusaient de peindre, sculpter une image de Dieu. La seule image autorisée : l’homme et la femme.
Jésus, Fils unique de Dieu, Dieu fait homme, nous a révélé le Père, et aujourd’hui ressuscité, il envoie ses apôtres, porter cette image au monde.
Et pour la dire, il a besoin non de copies conformes, mais de la multiplicité de visages d’apôtres si différents... la diversité en l’Église est nécessité, richesse.
A nous d’accueillir, de découvrir, de discerner en chacun et chacune la présence du Ressuscité.  
Sr Thérèse-Marie 


[1] Matthieu 10,2
[2] Communauté de Bose, Témoins de Dieu, Martyrologe universel, p 272
[3] Actes 15,13 sv
[4] Jn 1,44
[5] Jn 1,43
[6] Jn 1,45-46
[7] Jn 6,5-7
[8] Jn 12,21-22

dimanche 1 mai 2011

Les cadeaux du Ressuscité

2e dimanche du Temps Pascal Année A (2011)
 
En ce deuxième dimanche du Temps Pascal, l’Evangile de Jean nous parle des disciples.
Tout est nuit en ce récit : la mort de Jésus a anéanti toutes les espérances. C’est le soir. La peur tient les disciples enfermés : « ils avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient ».
 
Dans cette ambiance sombre, à première vue inéluctable et sans issue, l’inouï advient.
« Jésus vint, et il était là, au milieu d’eux. Il leur dit : ‘La paix soit avec vous’ ».
Celui que les disciples avaient suivi, aimé, mais abandonné par crainte, les rejoint là où ils sont, dans cette prison de la peur.
 
Et Jésus leur offre son premier cadeau de Ressuscité : le cadeau de la paix.
Cette paix, dont ils étaient privés à cause des événements passés, de la Passion et de la mort de leur maître, et de leur lâcheté, cette paix leur est donnée : « Paix à vous ! ».
 
Mais cette paix n’est pas passivité : elle est suivie d’un mandat, d’une mission :
« De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie ».
L’expression « de même que… moi aussi » est récurrente chez Jean. Elle signifie que cette mission des disciples s’enracine dans celle du Christ, qu’elle est reliée à l’envoi du Fils par le Père.
Les disciples ne sont donc pas seuls dans cet envoi, dans cette mission : le Christ les précède sur le chemin.
 
D’ailleurs, le don de Jésus va encore plus loin : il crée du neuf.
Jésus agit à la manière du Père, Dieu créateur : il « répand son souffle ».
C’est une nouvelle création, une nouvelle vie qui est donnée.
Tel est le deuxième cadeau du Ressuscité : ce cadeau qu’est l’Esprit-Saint, collaborateur de la mission.
 
Le récit aurait pu s’arrêter ici, mais l’évangéliste Jean ajoute un épisode inédit : lors de cette première apparition du Ressuscité, un des Apôtres, Thomas, était absent.
Thomas porte un nom qui signifie « jumeau » : il est celui auquel chacun de nous peut s’identifier, lui qui « n’était pas avec eux, quand Jésus était venu ».
L’expérience de Thomas est aussi la nôtre : nous n’étions pas présents lors de l’apparition de Jésus Ressuscité.
 
« Nous avons vu le Seigneur ! » disent les disciples à Thomas.
Mais, pour lui, c’est la nuit qui prévaut, et des conditions sont imposées à la foi :
« si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non je n’y croirai pas ».
Ces conditionnelles insistent sur le souvenir de la Passion : ce sont la marque des clous et l’endroit des clous qui importent au disciple.
 
Huit jours plus tard, « les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux ».
Remarquons que l’atmosphère est déjà changée : il n’est plus question de « nuit », ni de « peur ».
  
Comme la première fois, Jésus se donne à voir et réitère son don : « Paix à vous ».
Puis il s’adresse à Thomas, d’une façon personnelle et singulière et n’évoque pas les clous de la Passion :
« Avance ton doigt et vois mes mains… Cesse d’être incrédule, sois croyant ! ».
A Thomas, celui dont nous pouvons être le jumeau, Jésus offre son troisième cadeau de Ressuscité : la possibilité de croire.
 
Et, de fait, Thomas ne laisse pas passer l’opportunité, puisqu’il confesse résolument : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ».
Ce Jésus qu’il a aimé et suivi, puis abandonné par crainte, lui offre de nouveau son amitié.
Un nouveau compagnonnage lui est proposé, un nouveau chemin de foi s’ouvre devant lui.
 
 
Dans cet Evangile, Jésus Ressuscité voulait offrir trois cadeaux aux disciples.
Il nous les offre pareillement aujourd’hui.
 
Le don de la paix, d’abord, celle qui peut rejoindre chacun et chacune de nous dans les profondeurs de son cœur.
Pour faire obstacle à nos peurs, nos croix, nos morts et nos souffrances, le Ressuscité vient nous faire cadeau de sa Paix.
L’accueillerons-nous au creux de nos épreuves, dans nos désespérances et nos situations sans issue ?
 
Ensuite, le Ressuscité nous envoie l’Esprit-Saint, lui qui, selon Jean, « rappellera tout ce que Jésus… a dit » et « conduira dans la vérité tout entière ».
C’est-à-dire qu’il explicitera, il éclaircira, il dévoilera le sens des paroles de Jésus, ces paroles qui furent prononcées pour qu’on « ait la vie et qu’on l’ait surabondante ».
Accueillerons-nous l’Esprit-Saint en nous, ce compagnon de nos cœurs ?
 
Enfin, le Ressuscité nous invite à croire à l’inouï : une amitié, une Alliance qui ne s’achèvera jamais, que nos infidélités et nos péchés ne peuvent pas anéantir. Jésus est le Vivant et il veut nous donner sa Vie en partage.
Accueillerons-nous cette vie qui ne finit pas, cette vie plus forte que la mort ?
 
 En ce deuxième dimanche de Pâques, les biens les meilleurs sont mis à notre disposition…
Si nous les accueillons, si nous accordons notre foi au Ressuscité, la joie des disciples à la vue du Seigneur sera la nôtre, cette joie « que nul ne pourra nous ravir ».
Alléluia ! 
Sr Marie-Jean