dimanche 17 juillet 2011

L'Esprit vient au secours de notre faiblesse

Méditation pour le 16ème dimanche de l’année A
 
Aujourd’hui, la brièveté de la 2ème lecture semble être là pour compenser la longueur de l’Évangile.
Brièveté ? Mais attention : cette lecture vaut son pesant d’or ! Écoutez : « frères et sœurs, l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. » Qui d’entre nous pourrait prétendre savoir prier parfaitement sans l’aide de l’Esprit Saint ? Mais quelle consolation, quelle tranquille assurance quand nous entendons saint Paul lui-même nous affirmer : « l’Esprit s’en occupe ». Et cela ne nous dispense certes pas de prier ! Mais cela nous invite à prier sans inquiétude, à faire de notre prière avant tout une disposition intérieure d’ouverture à l’Esprit, dans l’assurance que l’Esprit fera le reste, et le fera bien, puisque, connaissant la volonté de Dieu, il ne peut se tromper par rapport à elle, il ne peut nous fourvoyer…
Cette assurance nous permet d’aborder l’évangile : trois paraboles suivies de l’explication de la 1ère des trois. Et en cours de route cette affirmation de l’évangéliste que « Jésus ne leur disait rien sans employer de paraboles ». Nous l’avons déjà constaté dimanche dernier : quand Jésus enseigne – et surtout quand il veut faire comprendre des choses difficiles – il raconte des histoires. D’emblée, quand quelqu’un nous raconte des histoires, nous dressons l’oreille : c’est agréable à écouter, cela fait marcher l’imagination et cela s’imprime beaucoup mieux dans la mémoire… Mais c’est une histoire, pas une vérité dogmatique à l’état brut : cela demande à être interprété, prolongé dans une expérience de vie.
Les trois paraboles d’aujourd’hui ont certainement ceci en commun : il ne faut pas se fier aux apparences.
Le levain, c’est peu de chose par rapport à la masse de la pâte. Mais celles et ceux d’entre nous qui font du pain le savent bien : le levain, ça change tout. Grâce à lui, il y a tout un travail de mûrissement qui se fait et qui transforme le tout. Pour faire le lien avec la lettre aux Romains, le travail du levain dans la pâte, c’est comme le travail de l’Esprit dans notre âme quand nous prions.
Même travail de mûrissement pour la graine de moutarde. Ne vous fiez pas aux apparences : sa petitesse n’augure rien de la grandeur de l’arbre qui en sortira. Et la moutarde, en plus, donne du piquant : elle est capable de relever le goût de tout un plat. Ne nous fions pas aux apparences : si petite, si pauvre soit notre prière, si l’Esprit l’anime, elle peut soulever le monde.
La parabole de l’ivraie dans le champ, quant à elle, nous enseigne qu’il y a d’autres circonstances où il ne faut pas se fier aux apparences. Quand nous voyons mûrir un champ de blé, au début, nous n’y voyons rien d’indistinct. Mais au fur et à mesure du mûrissement, nous découvrons que le bon blé est mêlé d’autre chose : notre champ n’est pas aussi pur que nous le croyions. Qui n’a pas fait cette expérience pour lui-même dans le jeu des relations humaines ? Au début, tout baigne… À mesure que la relation s’approfondit, on découvre en son propre cœur que tout n’est pas « pur » dans nos intentions, que nous avons des idées derrière la tête, peut-être des jalousies, des colères. D’où viennent-elles ? D’où viennent, en fin de compte, les rivalités, les tensions, les violences… oui, même les guerres ?
Dans la parabole, les serviteurs disent au maître : « Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ? » (signalons, au passage, que le mot grec que l’on traduit par ivraie, c’est la « zizanie »). Le maître de la parabole donne une réponse évasive : « c’est un ennemi qui a fait cela ». Dans l’explication qui vient après, Matthieu fait dire à Jésus : « l’ennemi, c’est le démon ».
Cette réponse nous semble un peu brève… Mais nous sommes comme les disciples : nous aimons avoir des réponses à nos questions, cela nous rassure, nous voulons savoir d’où vient le mal. En disant « c’est le démon », Jésus veut peut-être dire deux choses : la cause du mal n’est pas en Dieu… mais comme telle, elle n’est pas en nous non plus… Aujourd’hui, les sciences humaines nous ont appris que tout cela est assez complexe. Que les rivalités, les jalousies, les petites et grandes tensions de nos vies, bref, la zizanie, qu’elle soit à l’intérieur de nous ou dans nos relations avec les autres, a presque toujours son origine dans des blessures, parfois très anciennes, parfois vieilles de plusieurs générations. Et souvent, cela nous échappe. Souvent, nous ne pouvons pas agir sur la cause du mal. Dans la parabole, l’ivraie est semée dans le champ alors que tout le monde dort.
Mais alors, comme dans la parabole, nous avons envie d’agir sur le mal quand il se fait jour, arracher l’ivraie. Le maître voit plus loin : il nous arrête dans notre zèle mal éclairé : si l’ivraie est inextricablement liée au bon grain, ne faites pas le tri vous-mêmes, vous risqueriez de jeter le bébé avec l’eau du bain…
Que faire alors ? Baisser les bras ? Se soumettre à la fatalité ? La réponse proposée par la parabole déplace la perspective : elle ne dit pas ce que nous devons faire devant le problème de la zizanie (elle ne nous donne pas un cours de morale), mais elle nous montre quelque chose de Dieu, de sa façon d’agir avec nous, avec le cœur de l’homme où se mélangent le bien et le mal. Et la clé de tout, c’est la patience.
Ici encore, osons un lien avec la lettre aux Romains : permettez-moi un jeu de mots : nous ne savons pas « trier comme il faut », nous ne savons pas, par nous-mêmes, faire le tri entre le bon grain et l’ivraie. Mais si nous laissons venir l’Esprit, nous ne serons pas écrasés par le découragement. Nous savons que l’Esprit connaît les intentions de Dieu. Patiemment, il travaille…
Patience donc ! Voilà le mot du maître de la parabole. Voilà le bel attribut de Dieu que nous présente la 1ère lecture, du livre de la Sagesse. C’est parce qu’il « domine toute chose » que Dieu – à la différence des tyrans humains – peut se montrer patient. « Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, plein d’amour et de vérité », nous dit le psaume 85. Et cette patience de Dieu devant nos cœurs mélangés (devant nos champs mêlés de bon grain et d’ivraie) opère un miracle inattendu. Un miracle qui n’attend pas le dernier jour, le jour du jugement, de la moisson, du tri définitif, un miracle qui commence dès maintenant, dès l’instant où nous laissons entrer l’Esprit : avez-vous jamais vu l’ivraie devenir du bon blé ? Eh bien, en Dieu, c’est possible. C’est ce que dit la dernière phrase de la 1ère lecture : « tu as pénétré tes fils d’une belle espérance : à ceux qui ont péché, tu accordes la conversion. » Ainsi, l’ivraie elle-même trouve sa place dans le plan de Dieu. Comme lui, ayons de la patience : laissons-nous « travailler » par l’Esprit !
Sr Marie-Raphaël 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire