dimanche 28 août 2011

Qu'il m'accompagne

Méditation pour le 22ème dimanche du temps ordinaire Année A
Jérémie 20, 7-9 ; Ps 62 ; Rm 12,1-2 ; Mt 16, 21-27 
 
Dieu t’en garde, Seigneur, cela ne t’arrivera pas !
Cela ne vous est-il jamais arrivé de parler ainsi ? de prier ainsi ? N’est-ce pas témoigner d’un grand cœur pour notre Dieu, que de souhaiter que lui soit épargnée la souffrance, la croix ! Il m’arrive de prier ainsi, de dire au Seigneur, qu’il se prenne un peu en pitié, qu’il s’épargne, face à notre monde de souffrance et de peine... Seigneur agis, pour toi-même d’abord ! Pour que ton cœur qui n’est qu’amour n’ait plus à souffrir de voir tant de tes enfants écrasés de maux et de peines.
N’est-ce pas là le sens de la parole de Pierre dans l’évangile : il vient de dire toute sa foi, en reconnaissant Jésus, Messie, Fils du Dieu vivant. Et à partir de ce moment, nous dit l’Évangile, Jésus commence à annoncer aux disciples, ses souffrances, sa passion et sa résurrection. Pierre qui ne doit pas trop comprendre ce que signifie ressusciter, cale sur les souffrances et la mort ; il aime trop Jésus que pour accepter une telle perspective, il se hérisse à l’idée de voir Jésus souffrir beaucoup et mourir, et spontanément réagit : Dieu t’en garde, Seigneur ! Cela ne t’arrivera pas.  Tu es le Messie, et un messie cela réussit, cela triomphe ! Qu’est-ce que tu dis là !  Tu fais des miracles pour les autres, pour tous les malades et les infirmes que tu croises sur le chemin, tu peux bien faire de même pour toi ! Dieu peut te sauver de l’impasse !
Et Jésus lui répond : Passe derrière moi, Satan ; tu es un obstacle sur ma route. Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. Autrement dit : ne me tente pas, ne m’invite pas à dévier de ma mission, pour m’épargner. Si tu m’aimes ne cherche pas à m’épargner, cherche à m’accompagner, à soutenir ma mission.
Et Jésus de poursuivre : Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il m’accompagne.  
Est-ce invitation à chercher la souffrance, la difficulté ? Non, certainement pas. Mais invitation à choisir comme lui le Royaume ! Alors si le chemin passe par la croix, prenons la croix, ne la trainons pas, prenons-la et marchons avec Jésus, à ses cotés. Si Jésus rabroue Pierre, c’est que Pierre veut le détourner de son chemin, pour lui épargner la souffrance. C’est que Pierre veut l’entraîner vers une autre conception de sa mission. Et Jésus lui dit : non, je suis venu pour annoncer le Royaume, pour vous partager l’amour du Père. Si cela doit me mener à la souffrance et à la croix, soit ! Je ne dévierai pas de mon but pour autant.
Il ne cherche pas la souffrance pour elle-même, mais là où elle est inévitable, il consent, et traverse. Il nous invite à la même fidélité.
 
Jérémie avait déjà fait l’expérience de ce combat, il avait éprouvé combien, une fois qu’on a gouté à la Parole de Dieu, c’est comme un feu dévorant, irrésistible. Qui pourrait nous séparer de l’amour de Dieu ? Qui pourrait nous faire dévier de notre foi en ce Dieu d’amour ? Tous et toutes nous en sommes témoins, lorsque l’amour nous saisit, nous sommes prêts à tous les renoncements plutôt qu’à trahir cet amour.
 
Voilà pourquoi st Paul nous invite : je vous exhorte par la tendresse de Dieu à lui offrir votre personne et votre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu... Transformez vous en renouvelant votre manière de penser...
 
Ce dimanche nous encourage à vivre dans la fidélité à notre vie chrétienne, quoi qu’il puisse en coûter. Car l’amour de Dieu nous a saisis.
Ton amour vaut mieux que la vie chante le psaume. Puissions-nous garder cette prière au cœur, lorsque l’épreuve nous saisit.
Oui, ton amour vaut mieux que la vie, tu seras la louange de mes lèvres. Toute ma vie je vais te bénir. Mon âme s’attache à toi, ta main droite me soutient.
Sr Thérèse-Marie 
 

lundi 15 août 2011

Marie, modèle du croyant

15 août: Assomption de la Vierge Marie
 
Tout le monde sait que le 15 août est un jour férié et peut-être que c'est un jour de fête pour les chrétiens. Du moins chez nous. Mais que célébrons-nous dans cette solennité de l'Assomption de Marie ? Qu'est-ce que cela apporte à notre foi ? Qu'est-ce que cela change dans notre vie que Marie soit "montée au ciel dans la gloire" ?
Je ne fais que vous partager les questions que je me suis posées en préparant cette célébration.
 
Et si Marie était comme le prototype de la croyante, du croyant, le modèle de ce que Dieu veut réaliser en tout homme, en toute femme ? Et si l'Assomption de Marie nous dévoilait l'aboutissement final qui nous est promis ? Je vous invite à nous attarder un instant sur le peu que nous en disent les Evangiles.
 
« Heureuse celle qui a cru... » proclame Elisabeth. Voilà ce qui fait la grandeur de Marie : avoir cru, avoir fait confiance en l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur.
Le visage de Marie que nous présente l'Evangile est celui d'une femme toute simple qui s'en remet à Dieu sans réserve, sans calcul, qui laisse la Parole de Dieu la pénétrer, la combler, la façonner... N'est-ce pas ce à quoi chacun et chacune de nous est appelé ?
 
Regarder Marie, c'est découvrir l'oeuvre de Dieu dans un coeur qui accueille Sa Parole et lui fait confiance.
Regarder Marie c'est voir comment le mystère de Dieu, le projet de Dieu se réalise en ceux qui croient en Lui, comment l'accueil de Dieu au creux du quotidien peut transformer une vie, transformer une vision du monde.
 
Marie, visitant Elisabeth, lève le voile sur la connaissance qu'elle a de son Dieu. Elle nous montre un Dieu qui va à la rencontre des hommes, à la recherche des hommes. A la salutation de Marie, l'enfant d'Elisabeth tressaille de joie en elle. En Marie, le Verbe, la Parole de Dieu a pris chair... Par Marie, Dieu vient apporter la joie au monde et Jean-Baptiste est le premier à la goûter.
 
En Marie, nous voyons un Dieu qui se met lui-même en route. Quand il s'agit d'aimer, Dieu est toujours le premier, Dieu fait toujours le premier pas.
C'est cela que Marie chante dans son Magnificat, ce chant qui reprend tant et tant de citations à l'Ancien Testament et qui exalte l'amour gratuit de Dieu, qui nous révèle le désir de Dieu pour l'humain, son projet qui bouleverse l'idéal que le monde propose.
 
Si tous les âges diront Marie « bienheureuse », elle sait que ce n'est pas à cause d'elle, à cause de ses mérites mais parce que Dieu s'est penché sur elle et qu'elle s'est simplement offerte à sa tendresse; parce que le Puissant a réalisé en elle des merveilles et qu'elle y a pleinement collaboré. C'est Son nom qui est saint !
 
C'est bien le Dieu proclamé par les prophètes... le Dieu qui révèle son Amour à ceux qui le craignent -non pas à ceux qui ont peur mais à ceux qui sont tendus de tout leur être, dans une écoute attentive, dans le désir et le souci de répondre au premier appel. Dieu révèle son amour à ceux qui comme Marie, se savent petits, à ceux qui ont faim et soif du monde nouveau annoncé par les prophètes, à ceux qui attendent la réalisation des promesses.
 
Un amour qui se moque des puissants qu'il renverse, des riches qu'il renvoie les mains vides, des superbes qu'il dispersent.... pourquoi ? Parce que convaincus de se suffire à eux-mêmes, ils n'attendent rien de Dieu et écrasent les autres. Si Dieu est à l'affût de notre désir, s'il est prêt à répondre à toute détresse, il ne s'impose pas... On ne peut remplir un verre déjà plein, La source n'apporte rien à celui qui n'a pas soif.
 
En ce sens notre foi va à l’encontre de l'idéal que le monde propose, à l'encontre du bonheur que les publicités ne cessent d'exalter devant nous.
Marie, modèle de notre foi, Marie dans son humilité, totalement ouverte et accueillante, a reçu en plénitude le don de Dieu.
Dans la fête de l'Assomption, nous célébrons l'accomplissement de ce don que Marie n'a cessé d'accueillir tout au long de sa vie, la participation de Marie à la gloire de son fils dans sa résurrection.
 
C'est ce que nous dit st Paul: «le dernier ennemi que le Christ détruira c'est la mort... » Pour nourrir notre foi, pour fortifier notre espérance, Dieu réalise en Marie cette victoire sur la mort, qui sera aussi la nôtre. 
Sr Elisabeth

dimanche 14 août 2011

Faire sauter les frontières

Méditation pour le 20ème dimanche de l'année, A
Isaïe 56, 1.6-7 ;  Ps 66 ; Rom 11, 13-15.29-32; Matth. 15,21-28
 
Que se passe-t-il ? Oui, dites-moi : vous le reconnaissez Jésus ? que se passe-t-il ? N’est-elle pas révoltante cette attitude de Jésus ? A-t-il besoin de se faire ainsi prier pour avoir un peu de considération pour une femme en détresse ?
 
Nous voici plongés en plein mystère d’incarnation ! L’évangile de l’enfance avait noté que Jésus grandissait en âge et en sagesse. L’évangile d’aujourd’hui nous le montre grandissant en la compréhension de sa mission, et ce, grâce à l’intervention vigoureuse d’une femme, païenne de surcroît ! Si vous ne connaissez pas l’origine du dicton : ce que femme veut, Dieu le veut... elle est peut-être dans cette page de l’évangile.
 
Relisons le texte : Jésus s’était retiré dans le territoire de Tyr et de Sidon... Il vient en fait d’essuyer un sérieux conflit avec les gens de sa religion, concernant les questions de pur et d’impur, Jésus a pris résolument parti pour la vie, contre une observance étouffante. Et Jésus s’est retiré loin de ces querelles, dans une terre païenne. Il peut espérer que là, on ne va pas l’ennuyer avec ce genre de tracasseries !
Et voici qu’une femme cananéenne, venue de ces territoires, criait : « Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est tourmentée par un démon. »   
Si c’est la paix que Jésus cherchait, c’est raté ! Voici, qu’une femme s’adresse à lui, avec toute la violence de sa détresse.
Mais il ne lui répondit pas une parole. Silence radio !!! Que se passe-t-il ? Est-il à ce point épuisé pour ne pouvoir donner ne fut-ce qu’une parole ? Lui le Verbe, parole de Dieu ? Est-il pris dans la rumination de ce dernier conflit avec ses coreligionnaires qu’il est sourd au monde qui l’environne ? Ses disciples s’approchèrent pour lui demander : « Donne-lui satisfaction car elle nous poursuit de ses cris ! » Ils n’apprécient pas d’être ainsi suivis par cette femme et poursuivis de ses cris ! Imaginez-vous à leur place : vous êtes en chemin, et une femme vous poursuit à grands cris... ne feriez-vous pas tout pour qu’elle arrête, pour qu’elle se taise ! Et ils sont réalistes, à voir la véhémence du cri, ils savent que cette femme ne lâchera pas tant qu’elle n’aura pas été exaucée ! Ce que femme veut...
Et Jésus qui n’a pas répondu à la femme répond à ses disciples : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. »
Que comprenons-nous en ces mots ? Sur quel ton Jésus les prononce-t-il ? J’aurais aimé l’entendre. Est-ce réponse aux disciples ? Jésus serait-il en train de leur partager ce qui fait sa douleur ? Il n’a reçu mission que pour les brebis perdues d’Israël... Remarquez qu’il vient de fuir royalement quelques-unes de ces brebis perdues: ces pharisiens guides aveugles qui trahissent la loi ! Jésus serait-il dans un terrible problème d’obéissance, un cas de conscience ? Il ne fait que la volonté du Père, telle est sa nourriture. Et il a reçu mission pour la maison d’Israël ! Ce n’est déjà pas mal ! Alors doit-il se mêler du territoire d’évangélisation qui ne lui a pas été assigné ? On devine sa prière : « Père, que veux-tu que je fasse ? » Mais le Père n’a pas l’habitude des révélations directes, à coups de trompette et tonnerre. Jésus dans son silence s’est mis à l’écoute de l’Esprit, s’est ouvert à la question. Le simple motif des disciples : qu’elle cesse ses cris, ne lui suffit pas. Il n’y reconnaît pas la voix de l’Esprit. Dans le silence, il écoute, et voilà que le Père se révèle non à travers des propos des disciples, de bons juifs, mais à travers l’insistance de la femme, une païenne...
Elle vint se prosterner devant lui en disant : « Seigneur, viens à mon secours ! » Autant dire, elle lui barre la route, se rend incontournable. Alors Jésus, enfin prend la parole, et que dit-il ? Il n’est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. Cette parole nous choque. Jésus parle dans les catégories de son temps, qui aujourd’hui nous sont insupportables. Cela aussi fait partie de l’incarnation. Jésus s’est fait homme dans un pays, dans une nation précise, à une époque précise! Les païens, de son temps, étaient appelés chiens ! Jésus y ajoute tout de même une note de tendresse, il parle de petits chiens. N’empêche... cette parole fait mal : Il n’est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. 
Jésus s’ouvre à la femme de son débat intérieur. Et la femme s’y engouffre : « Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. »   
Et Jésus de reconnaître : Femme, ta foi est grande, que tout se fasse pour toi comme tu le veux ! Et à l’heure même sa fille fut guérie.
Que s’est-il passé ? Une femme, une païenne, vient de mettre Jésus au monde païen, elle vient de lui faire passer une frontière qu’il hésitait à franchir. Elle a ouvert à sa mission le monde non-juif. Elle a véritablement enfanté Jésus au monde païen, lui faisant prendre conscience de l’universalité de sa mission. Ce franchissement des frontières avait déjà été annoncé par les prophètes, Isaïe en témoignait qui annonçait que le temple allait devenir maison de prière pour tous les peuples. Le psalmiste l’appelait de tous ces vœux : Dieu que les peuples t’acclament, qu’ils t’acclament tous ensemble.  Et si Saint Paul a pu s’ouvrir à la mission auprès des païens, c’est bien parce qu’un jour une femme, une païenne, s’est mise en travers de la route de Jésus, l’a contraint à réaliser cette ouverture. Comme Marie à Cana a hâté l’heure pour le peuple juif, la cananéenne a fait advenir l’heure pour les nations.
Aurons-nous cette même audace, de nous ouvrir à l’autre, à l’étranger, de découvrir en son appel, la mission que le Père nous invite à recevoir ! Laisserons-nous l’étranger faire sauter les frontières que nous avons placées en nos cœurs, pour devenir enfin frères et sœurs universels ?
Sainte Cananéenne, priez pour nous !
 
  Sr Thérèse-Marie
 

mercredi 10 août 2011

Lumineuse joie

Méditation pour la fête de Saint Laurent
2 Co 9, 6-10 ; Ps 111, Jn 12, 24-26
 
Voici la fête d’un personnage bien sympathique. Les Actes de sa Passion, nous disent que ce brave diacre a placé en sureté les biens de l’Église de Rome dont il avait la charge, en les donnant aux pauvres. Et lorsque l’empereur Valérien l’a sommé de livrer les trésors de l’Église, il s’est présenté avec des pauvres et des infirmes ! Voilà les trésors de l’Église ! Il pouvait dire avec st Cyprien : Celui qui a la crainte de Dieu découvre Dieu sous les haillons des pauvres.[1]
 
Oui, voilà le bonheur de Laurent : lumineuse joie qui découvre le visage de Dieu dans le pauvre, le petit, et se donne à son service.
 
On comprend alors le choix de lectures que nous offre le lectionnaire du jour.
Le psaume que reprend st Paul chante : De grand cœur il donne au pauvre, sa justice, demeure à jamais.  Oui, donner au pauvre, ce n’est pas œuvre de luxe, œuvre méritoire ; c’est justice ! C’est simple justice dont il n’y a pas à se glorifier.
Le passage de la lettre aux Corinthiens que nous avons reçu est véritable hymne au partage. Il y a joie à considérer cette terre comme bien commun, et à y vivre le partage. Saint Paul reconnaît que tout bien vient de Dieu, et qu’il nous est confié non point pour se replier dessus, mais pour vivre en communion, en communauté de partage.
Les biens qui doivent assurer notre subsistance, tissent des liens entre humains.
Lors donc que tu mets en œuvre la miséricorde, si tu tends un pain, souffre avec celui qui a faim ; si tu donnes à boire, souffre avec celui qui a soif ; si tu offres un vêtement, souffre avec celui qui est nu, si tu reçois un hôte, souffre avec celui qui est étranger, nous dit st Augustin[2]
Là nous devenons véritablement humain, à l’image de Dieu, en effet, nous dit Grégoire de Nazianze : L’homme n’a rien de plus commun avec Dieu, que la faculté de faire le bien[3].
 
Voilà qui doucement nous fait basculer vers la lecture de l’Évangile de ce jour. En effet, il ne faudrait pas que la méditation de la Parole s’arrête simplement en une invitation à une pratique morale aussi vertueuse soit elle, détachée de son fondement intérieur. S’il nous faut entrer en la danse du partage, c’est bien plus profondément, parce que nous sommes invités à entrer dans la danse de l’amour, qui est don non plus de ce que l’on possède, mais bien de ce que l’on est !
 
N’est-ce pas au don total et absolu de soi, que nous convie Jésus ? Comme le grain de blé qui meurt en terre, pour donner vie à un bel épi, nos vies données totalement dans l’obscurité de la terre, liées à la vie donnée de Jésus en l’incarnation, porteront fruit pour le Royaume.
Se donner, servir, trouve tout son sens, en la présence de Dieu qui s’y vit.
 
Joignons nos vies au pain et au vin offert en cette eucharistie, et Jésus en fera son corps,  les prendra, il les rompra, et les donnera : pain rompu pour la vie du monde. 


[1] Cyprien, De la bienfaisance et de l’aumône, n° 8
[2] Augustin, Sermon 6, (Morin)
[3] Grégoire de Nazianze, De l’amour des pauvres, n° 27
 

dimanche 7 août 2011

Confiance

19e dimanche du Temps Ordinaire Année A (2011)
( 1 R 19, 9... 13 ; Ps 84 ; Rm 9, 1-5 ; Mt 14, 22-33)
 
 Nous fêtions hier, chers sœurs et frères, la fête de la Transfiguration du Seigneur, manifestation par excellence de Jésus aux disciples qu’il avait choisis.
En ce dimanche, la liturgie nous présente une autre manifestation de notre Dieu et nous découvre quelques traits de son visage.
Oui, nous chante le psalmiste :
« Son salut est proche de ceux qui le craignent
et la gloire habitera notre terre »
 
Dieu ne se tient pas loin de nous ; au contraire, il nous assure de sa proximité.
Il s’est révélé dans l’Ancienne et la Nouvelle Alliance… et il se révèle aujourd’hui encore.
Voyons ces trois temps de la révélation.
 
Dans la Première Alliance, le Premier Livre des Rois raconte la manifestation du Seigneur à son prophète Elie.
Elie, homme passionné de son Dieu, « rempli d’un zèle jaloux pour le Seigneur Sabaot »[1].
Cette manifestation de Dieu, cette théophanie, se présente sous plusieurs aspects dans le récit.
Au négatif d’abord, lorsque Dieu n’est ni dans « l’ouragan, fort et violent », ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu.
Ces différents vecteurs de révélation étaient attestés dans la tradition.
En effet, Dieu s’est manifesté à son peuple sous ces formes spectaculaires, par des déchaînements de la force de la nature.
Mais Dieu se manifeste aussi au positif à Elie.
Le texte dit : dans « le murmure d’une brise légère », que l’on pourrait aussi traduire « dans la voix d’un silence ténu ».
Face à cette expression inédite de Dieu (« la voix… d’un silence »), le prophète « se couvrit le visage avec son manteau », car, selon la pensée juive, nul ne peut voir Dieu sans mourir[2].
Avec Elie, une étape est franchie.
Dieu renonce à exprimer sa présence par le déchaînement de la nature : il lui préfère une manifestation discrète.
Dieu choisit une autre façon de parler à son peuple.
Tout en témoignant de sa maîtrise des forces de la nature, Dieu confirme son Alliance en ouvrant un espace de silence où son prophète et lui-même peuvent se dire.
Dans ce silence qui est ouverture au dialogue, Dieu exprime sa proximité…
 
Dans la Nouvelle Alliance, que Jésus scelle dans l’Evangile, les forces de la nature se déchaînent également.
La nuit, un vent contraire, une barque sur la mer, battue par les vagues.
Dans la culture biblique, la mer symbolisait les forces du mal, elle qui fut maîtrisée jadis par Dieu lors de la création :
« Ici se brisera l’orgueil de tes flots »[3], disait le Seigneur dans le livre de Job.
Et, dans le sillage du Dieu créateur, Jésus vint vers ses disciples « en marchant sur la mer ».
Peur et bouleversement des disciples, qui s’exclament : « C’est un fantôme ! »
 
Jésus peut alors se révéler à eux : « Confiance ! C’est moi ; n’ayez pas peur ! »
A l’audace de Pierre : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur l’eau », Jésus répond : « Viens ! ».
 
Cette invitation, que Jésus adressa à Pierre, s’adresse à nous aujourd’hui.
C’est le troisième temps de la manifestation du Seigneur, de sa théophanie.
Dieu s’est manifesté à Elie.
Il s’est manifesté à Pierre.
Il se manifeste pareillement à nous.
Et nous pouvons reconnaître sa présence.
Aujourd’hui, chacun et chacune de nous est invité par Jésus à marcher sur l’eau pour aller à lui.
L’expérience de Pierre et des disciples est la nôtre aujourd’hui.
Chacune de nos vies a ses nuits, ses vents contraires, ses vagues qui font chanceler la barque.
Face à ces situations d’inquiétudes, de peurs ou d’instabilités, deux alternatives nous sont proposées : se laisser guider par la peur ou par la confiance.
 
Allons-nous nous laisser envahir par la nuit qui nous entoure ou pourrons-nous discerner la présence de celui qui nous appelle ?
Allons-nous voguer au gré du vent qui nous menace ou regarder le Christ ?
Allons-nous nous laisser ballotter par les vagues ou contempler Jésus ?
En ce jour, nous sommes conviés à faire acte de foi, à risquer le pari de la confiance, à croire en la proximité de notre Dieu.
Foi en la parole de Jésus : « Viens ! »
Foi aux appels que nous lui lançons et qui ne restent pas sans réponse : « Seigneur, sauve-moi ! »
Foi en son secours qui jamais ne fait défaut : « quand ils furent montés dans la barque, le vent tomba ».
 
Oui, gardons les yeux fixés sur le Christ, lui le Fils de Dieu, plus puissant que toutes les forces de mort qui peuvent nous menacer : il ne nous laissera jamais tomber !
 
« Dieu seul est mon rocher, mon salut :
d’en haut, il tend la main pour me saisir,
il me retire du gouffre des eaux ».
 
Amen
Sr Marie-Jean 

[1] 1 R 19, 10.
[2] Jg 13, 22.
[3] Jb 38, 11.

samedi 6 août 2011

L'Etoile radieuse du matin...

Fête de la Transfiguration: 6 août
Que s'est-il passé ce jour-là sur la montagne?
Aujourd'hui dans son désir d'immortaliser cet instant de bonheur, Pierre aurait sans doute sorti un GSM de sa poche et pris quelques photos qu'en un clin d'oeil le monde entier aurait pu découvrir sur Internet.... En saurions-nous plus pour autant?
Ne risquerions-nous pas d'arrêter nos regards sur ces clichés, alors qu'il s'agit d'entrer, à travers l'expérience des apôtres, dans une connaissance plus profonde du Christ et du Dieu qu'il nous révèle.
Dieu est indicible... Les mots sont impuissants et toujours inadaptés pour exprimer qui est Dieu... Le langage du « Merveilleux » est un des moyens pour aller au-delà des mots, pour tenter de dire ce qui dépasse nos concepts humains....
Il nous faut donc aller au-delà du récit, de la mise en scène, pour rejoindre l'expérience profonde des disciples, ce qu'ils ont perçu de la personne de Jésus et de son Père, ce qui a ouvert en eux le chemin de la contemplation et qui fonde leur témoignage comme nous le rappelle st Pierre dans sa lettre.
« Son visage devint brillant comme le soleil et ses vêtements blancs comme la lumière »
Le visage exprime la personne dans son unicité, il traduit quelque chose de l'être profond... Par son vêtement, sa manière de se présenter, la personne se dit, lève le voile sur la façon dont elle se perçoit elle-même et voudrait être perçue,
Le visage comme le soleil, les vêtements comme la lumièrefont pressentir aux disciples qu'ils sont en présence de Dieu. Car Dieu est Lumière et c'est par la lumière qu'il aime se dire aux hommes. Vous vous souvenez des premiers versets de la Genèse. La première parole de Dieu qui nous est rapportée dans la Bible: « que la lumière soit et la lumière fut ». A la naissance de Jésus, « la Gloire enveloppe les bergers de sa clarté » et l'astre guide les pas des mages jusqu'à la crèche. Lors de la résurrection, l'ange qui apparaît aux femmes « avait l'aspect de l'éclair ».Et à la fin de l'Apocalypse, Jean met sur les lèvres de Jésus, cette parole: « Je suis l'Etoile radieuse du matin »
Toute l'histoire biblique et toute la vie de Jésus sont ainsi enveloppées de lumière.
A la transfiguration , il ne s'agit pourtant pas d'un astre, ni d'un ange mais du visage de Jésus lui-même... qui laisse transparaître la Gloire de Dieu dont il est habité.
Pouvait-il faire plus pour encourager la foi des apôtres? La foi de Pierre qui vient de proclamer « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». « Cela ne vient pas de toi, lui avait dit Jésus, mais du Père ». Lumière intérieure bien fugitive puisqu'aussitôt après, Pierre chancelle devant la perspective de la Croix.
Jésus pourtant avait insisté ... être disciple, c'est prendre sa croix et le suivre.
L'épisode de la Transfiguration, à ce moment-là de l'Evangile, nous dit la tendresse et la délicatesse de Dieu devant notre désir de suivre le Christ et notre faiblesse face à la contradiction et à la souffrance. Sur la montagne qui n'est pas sans rappeler le Sinaï où Moïse a reçu l'Alliance et l'Horeb où Elie a reconnu le pas de son Seigneur dans une brise légère, Jésus se révèle, non plus à Pierre tout seul mais aussi à Jacques et à Jean... les mêmes qui seront à Gethsémani...; non plus par une lumière intérieure mais par une lumière extérieure et la présence hautement symbolique de Moïse et d'Elie eux-mêmes.
Ce qui s'est passé exactement, nous ne le saurons jamais, mais si les trois évangiles synoptiques nous relatent ce récit, c'est qu'il repose sur un fait précis qui a fortement marqué les apôtres. Et dont ils se souviendront au lendemain de la résurrection.
Hier dans l'homélie, José nous a invité chacun et chacune à entendre la parole de Jésus: « celui qui veut être mon disciple, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive ». Quand le chemin se fait rude ou étroit, allons, nous aussi sur la montagne, à l'écart, et laissons-nous illuminer par Celui que nous voulons suivre, laissons-nous transfigurer à notre tour. Pour que, de retour dans la plaine, cette lumière du Christ se répande de visage en visage et trace au coeur du monde un chemin d'espérance qui nous conduira tous ensemble jusqu'à l'Etoile radieuse du matin.... 
Sr Elisabeth