mercredi 30 novembre 2011

Croire

pour la fête de saint André (30 novembre 2011)
 Le passage de la lettre aux Romains que nous venons d’entendre contient huit fois le mot « foi » ou « croire ». C’est une réflexion sur la foi qui va aboutir à la douloureuse question que Paul se pose au chapitre 11 : pourquoi les Juifs, ses frères de race, n’ont-ils pas cru en Jésus-Christ ?
Il énumère une suite de verbes qui s’enchaînent. Tous ceux qui invoquent le nom du Seigneur seront sauvés. Mais pour l’invoquer, il faut croire. Pour croire, il faut avoir entendu sa parole. Pour l’entendre, il faut que quelqu’un l’ait proclamée. Pour proclamer, il faut des messagers... énumération qui débouche sur le cri d’émerveillement emprunté au prophète Isaïe : « comme il est beau de voir courir les messagers de la Bonne Nouvelle ! ». Mais aussi sur une grosse déception : aussi beaux que soient les pieds des messagers, même quand toutes ces conditions sont remplies, cela ne marche pas à tous les coups ! C’est qu’il y a encore une autre condition à remplir, une condition plus intérieure et qui relève de la liberté de chacun : l’écoute. Il ne suffit pas d’entendre, il faut écouter. Et puis, comme le dit Paul, « obéir à la Bonne Nouvelle ».
Qu’est-ce que « croire » ? Qu’est-ce que « obéir à la Bonne Nouvelle » ? Souvent, on s’arrête au premier niveau : croire que Jésus existe ». Éventuellement, on fait le pas suivant : « croire qu’il est ressuscité ». C’est déjà beaucoup, mais on reste à un niveau cérébral, comme l’expriment les théologiens : la foi serait l’adhésion de l’intelligence (et aussi du cœur, l’intelligence du cœur) à un message donné.
 Mais pour Pierre et André, pour Jacques et Jean, ce jour-là, au bord du lac, la question n’était pas « croire qu’il existe », ce Jésus qui vient de nous frôler et qui nous dit « venez ». Ce n’était même pas « croire qu’il m’appelle ». Cela, c’était l’évidence, ils l’ont bien entendu, tous les quatre. Mais ils ont exprimé leur foi en lui au moment où ils se sont levés, ont tout quitté (en plein travail : le filet venait d’être jeté à l’eau) et se sont mis à le suivre. Ils se sont eux-mêmes « jetés à l’eau ». la foi, pour eux, à ce moment-là (et par la suite), c’était une question de confiance. L’adhésion non pas de l’intelligence, mais de tout l’être, non pas à un message, mais à une personne.
 Pour leur part, ils ont compris ce que signifiait « obéir à la Bonne Nouvelle ». L’évangile nous montre le premier élan de cette obéissance comme quelque chose d’irrésistible. Eux-mêmes avaient sans doute bénéficié du témoignage de Jean Baptiste, auparavant, (cf. évangile de Jean), puis ils sont devenus à leur tour messagers : messagers de la Bonne nouvelle, nous invitant à les suivre en répétant ces mot entendus de la bouche de Jésus lui-même : « venez et vous verrez ». 
Sr Marie-Raphaël

dimanche 27 novembre 2011

En Avent

méditation pour le premier dimanche de l'Avent (année B)
Nous voici donc entrés dans une nouvelle année liturgique. L'Eglise a, ici, bel et bien, une ardeur d'avance sur le temps des hommes !
Si le temps de l'Avent nous achemine doucement vers la fête de Noël, vers la célébration de la naissance de Jésus, pourquoi propose-t-on à notre méditation un passage d'évangile où Jésus parle de sa venue, de son retour dans la gloire ?
N'est-ce pas une manière de nous dire que le Roi de l'univers que nous célébrions dimanche dernier et l'Enfant dont nous attendons la naissance, c'est tout un ?
C'est le même Dieu qui nous est révélé dans l'Enfant de la crèche ;dans l'homme qui sillonne les routes de Palestine en invitant à la conversion, en annonçant un monde nouveau, monde d'amour et de paix ; dans le crucifié qui va jusqu'au bout de la cohérence de son message, sans compromission qui aurait pu le sauver ; dans le ressuscité du matin de Pâques et dans le Roi de l'univers dont nous attendons le retour. C'est le même Dieu aussi qui se révèle dans nos Eucharisties, signes de sa présence au creux de nos vies. Il n'y a pas un Jésus tout mignon dans la crèche et un juge sévère qui nous fait peur. Non, il y a un seul Dieu qui s'est fait l'un de nous en Jésus, pour nous révéler l'amour du Père pour tous les hommes, pour nous entraîner à sa suite sur le chemin qui mène au Père en nous avertissant aussi de tout ce qui nous en écarte. C'est important de nous le rappeler et de tenir ensemble tout ce que l'Ecriture nous apprend de Dieu.
Ce que nous fêterons à Noël, ce n'est pas l'anniversaire d'une naissance qui remonte à plus de 2000 ans. A Noël, nous ferons mémoire de l'inauguration sur notre terre du monde nouveau, annoncé et promis par Dieu tout au long du 1er testament.
Oui, Jésus est venu inaugurer le Royaume et nous attendons le jour où il reviendra l'instaurer définitivement.  Entre les deux, la construction de ce Royaume nous est confiée. Mais nous ne sommes pas seuls au travail. Jésus nous l'a promis : il est avec nous jusqu'à la fin des jours. Nous avons l'habitude de compter les années à partir du Christ. Mais au lieu de dire que nous vivons en l'an 2011 après Jésus-Christ, il serait peut-être plus judicieux de dire que nous vivons depuis 2011 ans AVEC Jésus-Christ. Et cela change tout. Car si nous célébrons sa venue à Noël, si nous attendons son retour à la fin des temps, nous savons qu'il ne cesse de venir à notre rencontre. Et l'Eucharistie en est le gage: il est là présent au milieu de nous... et il nous accompagne dans notre quotidien si nous le voulons bien!
 
Vivre l'Avent, c'est reprendre conscience du projet de Dieu sur l'humanité pour nous laisser entraîner avec le Christ dans son Royaume. Pour cela, il s'agit, nous dit l'Evangile, de VEILLER. Ce mot revient 4 fois sur les quelques lignes que Marc nous livre aujourd'hui.
Nous l'avons vu au cours des derniers dimanches, veiller c'est garder allumée la flamme du désir comme les vierges avisées , c'est honorer la confiance que Dieu nous témoigne en nous confiant ses biens, sa création, comme le roi qui part en voyage. Veiller, c'est affiner notre regard pour reconnaître le Seigneur en chacun des petits qui sont les siens, c'était l'évangile de dimanche dernier. Veiller, c'est aussi guetter, comme un portier, les signes de la présence du Seigneur dans notre aujourd'hui.
Veiller, en ce temps d'Avent c'est peut-être plus particulièrement, comme nous le rappelle saint Benoît : fuir l'oubli de Dieu ou pour le dire en positif, garder vive en nous la mémoire des merveilles de Dieu.
Veiller de la sorte va alimenter en nous la foi et faire jaillir l'espérance comme en Isaïe dans la première lecture.
Il se rappelle que Dieu s'est montré tout au long de l'histoire père et rédempteur. C'est à ce titre, qu'il ose lui reprocher en quelque sorte d'être loin, d'être silencieux et absent et l'invoquer avec force : Ah si tu déchirais les cieux et si tu descendais ...
Dans la mémoire d'Israël ces termes ne peuvent pas manquer de rappeler les grandes théophanies, les manifestations de Dieu dans l'histoire du peuple à commencer par cette grande manifestation sur le mont Sinaï au cours de laquelle Dieu a donné sa loi à Moïse et au peuple.
Oui Dieu a déjà déchiré les cieux mais à chaque fois le peuple a oublié, il s'est détourné de Dieu et éloigné de lui. Et la prière du prophète se fait touchante : tu es notre père, tu ne peux pas nous laisser au pouvoir du péché, Nous sommes l'argile, tu es le potier, tu ne peux pas abandonner l'ouvrage de tes mains.
Isaïe nous ouvre ici le chemin de la prière de celui qui se sait pécheur mais qui s'appuie sur ce qu'il connaît de Dieu: son amour, sa fidélité, sa tendresse pour toucher son coeur de Père.
Nous pouvons aisément faire nôtre cette prière du prophète car avec la naissance de Jésus, les cieux se sont déchirés et Dieu est descendu, il a pris chair sur notre terre.  Et plus jamais le ciel ne nous sera fermé. Et pourtant nous le constatons, le Royaume est loin d'être instauré, la justice et la paix sont loin de régir les relations entre les hommes et entre les peuples.
Pourtant st Paul nous le rappelle : en Jésus, nous avons reçu toutes les richesses, celles de la Parole et celles de la connaissance de Dieu. Aucun don spirituel ne nous manque. C'est pourquoi, malgré les détresses, malgré les guerres, malgré les machinations humaines, nous gardons au coeur l'espérance et nous crions vers Dieu avec Isaïe, et avec le psalmiste : Viens, reviens Seigneur, fais-nous revenir à toi...
Voilà qui traduit peut-être le mieux notre démarche d'Avent : FAIS-NOUS REVENIR A TOI  car c'est toi qui nous fera tenir jusqu'au bout.
C'est ce don que l'Eglise ce matin nous fait demander avec insistance : « donne-nous, Dieu notre Père, d'aller avec courage sur les chemins de la justice, à la rencontre du Seigneur... pour entrer avec Lui, lorsqu'il reviendra, dans le Royaume où toi-même nous attends."
Sr Thérèse-Marie 

jeudi 17 novembre 2011

Dédicace


Méditation pour la fête de la dédicace de l'Eglise de notre monastère
2 Ch 5,6-8.10.13-6,2 ; Ps 45 ; Eph 2,19-22 ; Mt 16, 13-19
 
Dans quelques heures il y a aura exactement 25 ans que le bloc de pierre que nous avons coutume de voir en ce lieu, est devenu autel pour le service de la liturgie. Et à cette occasion l’église de ce monastère toute fraîchement repeinte, qui avait déjà été consacrée par les années de prière de nos sœurs, a été elle aussi consacrée par ce rite appelé dédicace !
Belle occasion pour nous aujourd’hui, de rendre grâce, belle occasion de reprendre conscience s’il en était besoin de ce que représente un lieu consacré.
En christianisme, il n’y a aucune magie, aucune mainmise sur Dieu, qui ferait qu’au bout d’une recette connue de quelques druides  ou sorciers, Dieu serait rendu présent.
Notre Dieu est le Dieu des grands espaces, comme le chante Noël Colombier. Notre Dieu est souverainement libre de se manifester comme il l’entend, et de résider où il l’entend ! Et merveille, il choisit de venir à notre rencontre.
Au livre des Chroniques, le récit de la montée de l’arche d’alliance dans le temple édifié par Salomon, est assez cocasse. Des chants, des danses, des sacrifices… on a tout bien organisé, et les prêtres s’apprêtent à une liturgie grandiose… mais voilà que Dieu vient remplir le temple d’une telle nuée que les prêtres sont obligés d’interrompre le culte ! Le culte est un des chemins de l’homme vers Dieu, non un absolu ! Et surtout pas une mainmise sur Dieu. Et quand Dieu se manifeste, le culte qui n’était que sacrement s’interrompt… le sacrement n’est plus nécessaire pour dire la présence puisque Dieu lui-même est là !
Autre révélation de ce texte des Chroniques : le temple va abriter l’arche de l’alliance. Le texte des Chroniques prend soin alors de préciser qu’il n’y avait rien dans l’arche, sinon les tables de la loi. Il n’y avait rien, autrement dit, n’allez surtout pas croire qu’on y a enfermé Dieu, pour vous le rendre accessible… comme prétendaient les auteurs spirituels du XIXème siècle qui nommaient Jésus le divin prisonnier de nos tabernacles ! [1]
Non, les pierres sont là, les autels sont là, les lieux consacrés au Seigneur sont là en simples signes qui nous rappellent, chacun à leur manière : souviens-toi, il y a Dieu et cela suffit ! Souviens-toi il y a Dieu, et en rejoignant le peuple qui se rassemble en ce lieu, tu es appelé à former le corps du Christ. Tu es appelé à lui offrir l’espace de ta vie, comme nouvelle crèche pour une nouvelle incarnation.
St Paul dit aux Ephésiens qu’ils ne sont plus des étrangers, des gens de passage, mais qu’ils sont maison de Dieu. Où est Dieu ? non point tant dans nos temples de pierre, que dans ces temples de chair que nous sommes ; et la marque de la présence de Dieu, est que tous sont accueillis, qu’il n’y a plus d’étranger… nous serons véritables maison de Dieu, lorsque nous ne manierons plus l’exclusion, le rejet, lorsque nous servirons la communion. Célébrer la dédicace de cette église c’est nous rappeler ce projet que Dieu a avec nous, et cette tâche qu’il nous confie : il  souhaite faire de nous son corps ! Il  désire nous tisser en communion, avec lui, avec ceux et celles qui passent en ce lieu, avec ceux et celles qui en d’autres lieux ont eux aussi accueilli ce rêve de notre Dieu.
Ce jour est votre fête, ce jour est fête de la communion qui se tisse toujours plus profondément entre toute l’humanité dans laquelle Jésus un jour s’est incarné et dans laquelle le ressuscité reste sans cesse présent.
 
 Sr Thérèse-Marie


[1] par exemple : J.M. Buathier, dans Le Sacrifice, Paris, 1885 (6° édition) : enseveli comme un mort dans le suaire des espèces (p. 123)., le divin, prisonnier du ciboire (p. 147). Ou le Bienheureux J Eymard (La divine Eucharistie. Extrait des écrits et des sermons du T. R. P. Eymard, 1ère série, la présence réelle. Tourcoing, 1871; 10 édition, 1887 : le Prisonnier d’amour : il lui est impossible de briser ses liens, de quitter sa prison eucharistique; il est notre prisonnier pour jusqu'à la fin des temps !... (p. 85).  Voir l’article du Père A.M. Roguet : LES APEUPRÈS DE LA PRÉDICATION EUCHARISTIQUE
(Extrait de « La MaisonDieu », page 179190)

mercredi 16 novembre 2011

Demeurez en mon amour

Méditation pour la fête de ste Gertrude
Eph 3, 14-19 ; Ps 22 ; Jn 15, 1-8

« Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron… »
La déclaration de Jésus est solennelle.
Cette expression « Je suis » est caractéristique du quatrième évangile : elle révèle l’identité profonde de Jésus.
Par sa référence au « Je suis » révélé par le Seigneur à Moïse, cette expression évoque la relation de Jésus au Dieu d’Israël.
Jésus s’identifie à une vigne.
Dans le Premier Testament, le peuple d’Israël est ainsi qualifié à plusieurs reprises.
Objet des soins de son Dieu, cette vigne est aussi réprouvée, quand son infidélité suscite la déception.
Dans notre Evangile, par contre, cette vigne qu’est Jésus reçoit le qualificatif de « vraie ».
Cet adjectif caractérise celui qui accomplit parfaitement la fonction confiée : il est, lui, l’Israël accompli, peuple choisi qui répond à l’Alliance par sa fidélité.
 
En dépendance de cette vigne qui épouse le projet de Dieu, Jésus nous appelle « sarments ».
« De même que le sarment ne peut pas porter du fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi »
Pour être à notre tour de vrais sarments, à l’image de la vigne qu’est Jésus, un chemin s’ouvre devant nous : Jésus nous invite à demeurer en Lui et à accepter d’être nettoyés, émondés par le Père, pour donner du fruit.
Demeurer en Jésus, c’est adhérer fidèlement à Lui, s’enraciner dans sa Parole, se laisser irriguer par son Amour…
 
« Demandez tout ce que vous voudrez et vous l’obtiendrez », affirme Jésus.
Telle était d’ailleurs son expérience, lorsqu’il déclarait à son Père dans la prière : « Je sais que tu m’exauces toujours »[1].
 
Tel est le chemin que Jésus indiquait à ses disciples dans son testament, sur le seuil de la Passion.
Telle est aussi la voie qu’a empruntée Sainte Gertrude d’Helfta, que nous fêtons en ce 16 novembre.
Ayant entendu l’invitation de Jésus « Demeurez en moi, comme moi en vous », elle a consenti et suivi son Seigneur.
 
« En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire », confie Jésus.
Tel un vrai sarment, Gertrude est restée enracinée, entée sur la vigne qu’est Jésus et elle a donné de nombreux fruits.
Ce chemin nous est aussi proposé…
Ainsi, « à l’école du service du Seigneur », en cette fête du noviciat, soyons disciples dans son sillage… pour faire la gloire de notre Père !
  Sr Marie-Jean

[1] Jn 11, 42.

dimanche 13 novembre 2011

Quand Dieu partage...


Méditation pour le 33ème dimanche du temps ordinaire, année A
Pv 31, Ps 127, 1 Th 5, Mt 25,14-30 
 
Si on écrivait un traité sur la manière dont l’Évangile a été utilisé comme réservoir pour l’éducation morale, je crois que la parabole d’aujourd’hui aurait droit à tout un chapitre… Combien de fois n’y a-t-on pas eu recours, lorsqu’un potache revenait avec un bulletin marqué par une sensible baisse des cotes ? Qu’as-tu fait des talents reçus ? Qui n’a entendu ce genre de remarque ? Par contre, l’utilise-t-on pour féliciter celui qui a progressé ? lui dit-on : Bravo, tu as bien utilisé tes talents ?  
Remarquez,  si on veut utiliser l’Évangile comme un traité de morale, on va avoir quelques petits problèmes, et il faudra bien effacer soigneusement quelques textes… que faire avec « les prostituées et les publicains vous précéderont au Royaume » ? Carré blanc ?
En fait, l’Évangile n’est pas un traité de savoir vivre, un recueil d’histoires pour l’éducation morale de nos jeunes ! Prendre ainsi le livre, c’est le tenir à l’envers… Évidemment il faut reconnaître que le texte d’aujourd’hui nous met sur une pente glissante. Mais si on l’écoutait d’une oreille plus attentive… quel message en recevrions-nous ? Quelle Bonne Nouvelle nous porterait-il ? Car l’Évangile avant de nous dicter une conduite morale, nous révèle le visage de Dieu !
Première petite remarque… sur de nombreux catéchismes et livres illustrés, la parabole des talents est illustrée de façon assez simpliste : un homme a 5 petites pièces de monnaie en main, un autre deux, un autre une seule… à voir la taille des pièces, on pourrait largement en ajouter sans qu’ils n’aient de problème pour les tenir. En fait, que vaut un talent ? 6000 deniers ! C'est-à-dire 6000 jours de salaire. Si vous comptez 300 jours salariés par an, 1 talent c’est 20 ans de salaire ! Nos trois hommes de la parabole ont respectivement reçu 100, 40 et 20 ans de salaire ! Voilà qui nous dit la folie du bien confié à chacun!
Alors, si on réécrivait la parabole ? Me permettez-vous un peu d’audace, que j’espère tout évangélique ?  Jésus parlait aux disciples de sa venue ; il dit cette parabole : « Dieu après avoir créé l’univers, créa l’humanité, et il plaça l’humanité sur cette terre. Il appela les humains et leur confia sa création.  A l’un, il confia l’immensité des mers, à une autre les vastes champs et les forêts, et à un troisième, les montagnes, à chacun selon son dynamisme.  Puis il se retira discrètement. Aussitôt, celui qui avait reçu les mers, se construisit des bateaux, et touché de la confiance qui lui était faite, abandonna ses comptoirs de publicain, et organisa la rencontre des peuples par-delà les océans ; celle qui avait reçu les champs et les forêts les fit fructifier (comme la femme forte de la première lecture)  et elle dansait de joie devant la beauté de ce qui lui avait été confié, toute la forêt chantait de la voir si belle, faut dire, c’était une ancienne prostituée, émerveillée de la confiance qui lui était faite, elle se mit à partager les fruits de son travail ; le docteur de la loi qui avait reçu les montagnes, s’empressa de les clôturer, en se disant : c’est le domaine de Dieu, pas touche, sinon tu vas mourir. Il se construisit une cabane, se procura une arme et tremblant de peur monta la garde !
Longtemps après, Dieu se manifeste à nouveau. Le publicain qui avait reçu les océans, lui dit « Seigneur mon Dieu, comme tu es bon de m’avoir confié ces océans », il raconte son bonheur de les sillonner et d’y entraîner les autres, et la merveille des rencontres qu’il a faites. La prostituée, un collier de fleurs au cou, vient danser avec une ribambelle d’enfants de tous pays, pour lui montrer les fruits que les champs et les forets ont portés, comment ils ont nourri tant de petits et de pauvres. Elle ne sait comment remercier son Seigneur de lui avoir fait une telle confiance. J’avais l’impression que tu étais là à mes côtés, sans relâche, lui avoua-t-elle. Le docteur de la loi vient avec une grande attestation : « voilà ta montagne, tu peux voir, personne n’y a mis les pieds, c’est ton domaine, et je puis t’assurer que la clôture que j’y ai placée c’est du costaud. Personne n’oserait en approcher. Je l’ai même électrifiée.  Tu peux être tranquille. Mais j’en ai assez de la garder, reprends ton bien ! J’ai risqué ma peau jour et nuit, sachant que tu allais me foudroyer si quelqu’un osait franchir cette clôture. » Alors Dieu se tourna vers le publicain et la prostituée et partagea leur joie. Mais oui leur dit-il, je suis avec vous, jusqu’à la fin des temps. Puis il dit au docteur de la loi, je t’avais donné cette montagne, pour que tu y trouves joie et bonheur, toi qui n’avais de cesse de me servir, je t’ai confié ce lieu où j’aimais résider pour que nous prenions plaisir à nous rencontrer, pour que tu y mènes mon peuple… et tu l’as isolé ! Et il dit : enlevez cette clôture de ma montagne, que tous puissent  y venir… que je puisse y marcher au milieu de mon peuple et placez-la autour de cet homme, je m’engage à ne jamais franchir cette clôture puisqu’il a choisi la peur, et refuse la communion. En vérité je vous le dis, les publicains et prostituées vous précèderont en mon royaume… car ils m’ont accueilli en leur vie, et ont partagé mon amour.
N’est-ce pas là le message de cette parabole que nous venons de recevoir. Dieu notre Créateur et Père, nous confie toute son œuvre. Il nous offre en partage cette terre. A nous de lui faire confiance à notre tour, en nous donnant pleinement à son œuvre, en l’aimant à travers tous les gestes de notre vie. Renonçons à ce visage de Dieu qui en fait un être despotique à craindre, un être tyrannique dont il faudrait se protéger. Apprenons à croire en Dieu comme il croit en nous !
Qui donc est Dieu pour nous aimer ainsi ? Voilà le cri émerveillé qui jaillira de nos cœurs tout au long de nos jours!
Sr Thérèse-Marie 

vendredi 11 novembre 2011

Martin, homme de Dieu

Méditation pour la fête de st Martin
Sg 13, 1-9 ; Ps 18 ; Lc 17, 26-35.37
 
« On mangeait, on buvait, on se mariait… on achetait, on vendait, on plantait, on bâtissait… »
Telles étaient les multiples activités qui occupaient ou rendaient soucieux les contemporains de Noé ou ceux de Loth.
Telles peuvent aussi être les nôtres : activités tout humaines et nécessaires, dont nous ne pourrions nous abstenir car elles sont inhérentes à notre condition humaine, terrestre et contingente.
Notre vie est tissée de relations humaines et de travail : cela fait son poids et sa valeur.
Aux temps de Noé et de Loth, ces activités ont été soudainement suspendues et, ces gens occupés ou soucieux, Dieu les a tous faits mourir.
« Il en sera de même le jour où le Fils de l’homme se révélera », dit Jésus.
 
A ses contemporains – comme à nous-mêmes – Jésus pose question et interpelle :
Face à ces occupations, aussi légitimes soient-elles, quelle disposition intérieure adoptons-nous ?
Ces activités sont-elles le centre et la fin de notre projet de vie ?
Constituent-elles l’unique perspective de notre vie terrestre ?
 
Jésus oriente alors notre regard vers une attitude spirituelle qui ne nous dispensera pas de vivre pleinement notre condition d’hommes et de femmes humains, mais qui pourra déployer notre vie, lui offrir une amplitude toute divine :
« Qui cherchera à conserver sa vie la perdra.
Et qui la perdra la sauvegardera »
 
Tel est le chemin que Jésus nous propose.
Tel est aussi celui qu’a emprunté Saint Martin, que nous fêtons en ce jour.
Fondateur et évêque, prédicateur et missionnaire, Martin fut occupé, voire préoccupé, certes, mais son activité fut toujours subordonnée à cet amour du Christ qui guida toute son action.
Il en fut ainsi lorsqu’il revêtit un pauvre de son manteau… dans son rêve de la nuit suivante, ce manteau réchauffait le Christ !
 
Dans le sillage de Martin, qui emboîta le pas de son Seigneur, puissions-nous, au sein de nos activités humaines, garder le cœur tout attentif à la venue du Fils de l’homme qui, jour après jour, nous visite, pour nous combler de ses bienfaits !
 
Amen 
Sr Marie-Jean
 
 
 
 

mercredi 9 novembre 2011

Le signe du temple

dédicace de saint-Jean-de-Latran
 
Quel sens cela peut-il avoir pour nous de célébrer la dédicace d’une basilique que la plupart d’entre nous n’ont jamais vue et qui se situe à des milliers de kilomètres d’ici ? Quel sens, sinon de nous rappeler notre appartenance à cette église universelle dans laquelle nous sommes entrés par le baptême et dont saint-Jean-de-Latran est un symbole fort ?
Cette basilique est la « première » (dans le temps et par l’importance) des quatre grandes basiliques romaines, elle est la cathédrale de l’évêque de Rome. Elle remonte à 320. Cadeau de l’empereur Constantin au pape Sylvestre. Elle a été détruite et reconstruite à maintes reprises au long de l’histoire. De chacune de ces époques, on trouve des traces dans le bâtiment actuel qui remonte au XVIIe siècle. Elle porte donc l’empreinte de toutes ces époques traversées. En cela aussi, elle symbolise l’église.
Comme toute cathédrale, Saint-Jean-de-Latran est un lieu où l’on vit les baptêmes. Concrètement, à Rome, le baptistère de Saint-Jean-de-Latran est un bâtiment octogonal assez grand, à côté de la basilique. Il remonte lui aussi à une époque très ancienne et, selon la légende, c’est là que l’empereur Constantin aurait reçu le baptême. Pendant des siècles, il fut le seul baptistère à Rome. Son architecture révèle la façon dont se vivaient les baptêmes dans l’Antiquité : on descendait quelques marches dans une sorte de piscine, on la traversait et on en ressortait de l’autre côté.
La vision d’Ezéchiel (première lecture) nous parle de l’eau qui jaillit du Temple. La symbolique est double. L’eau du baptême nous permet d’ « entrer dans » la pleine participation à la réalité ecclésiale (les nouveaux baptisés passent du baptistère à la basilique). Mais aussi : l’eau « sort » du Temple et irrigue, féconde, assainit tout ce qu’elle touche. Quand on est marqué par cette eau vivifiante, on devient à son tour porteur d’eau.
Nous savons que l’évangéliste Jean (l’un des deux patrons, avec Jean le Baptiste, du baptistère du Latran) affectionne lui aussi ce symbolisme de l’eau. Mais c’est un autre passage de Jean que la liturgie nous propose aujourd’hui.
Jean 2 : la « sainte colère » de Jésus dans le Temple. Cet épisode est raconté par les quatre évangélistes : on peut donc croire que cela s’est réellement passé. Mais d’après les synoptiques, cela s’est passé tout à la fin du ministère de Jésus, après son entrée messianique à Jérusalem, quelques jours avant sa Passion. Les synoptiques le racontent plus succinctement et mettent dans la bouche de Jésus deux citations de prophètes : Is 56, 7, (ma maison sera une maison de prière) ; Jr 7, 11, (vous en avez fait une caverne de bandits). Chez Jean, cet épisode se situe au début de l’évangile (après les noces de Cana et l’inauguration des signes, avant l’entretien avec Nicodème), la narration est plus déployée, plus détaillée, la parole de Jésus est « ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic », après quoi les Juifs lui demandent un « signe » et il répond en faisant une mystérieuse allusion à sa propre mort et résurrection.
 
L’évangile, mis en lien avec la fête de saint-Jean-de-Latran, nous lance donc un appel à la vigilance, mais aussi à l’espérance. En effet, si Dieu réside dans ce lieu qu’est l’église, il nous faut veiller à ne pas en faire un lieu de trafic. De temps en temps, par une sainte et juste colère, Jésus vient y remettre de l’ordre. Les moments de crise sont des moments de purification et peuvent être vécus comme des moments de grâce, de guérison. Et si des forces – intérieures autant qu’extérieures – s’acharnent à vouloir « détruire » ce temple, appuyons-nous sur le signe que nous donne Jésus en nous annonçant qu’en trois jours il le relèvera. Car l’église Corps du Christ est issue de la puissance de sa résurrection. Quelles que soient nos faiblesses humaines, nous pouvons puiser dans cette conviction notre assurance humble et audacieuse et notre légitime joie d’appartenir à ce grand corps mystique, à cette grande communion de sainteté.
Sr Marie-Raphaël 

dimanche 6 novembre 2011

Voici l'Epoux! sortez à sa rencontre!

Pour le 32ème dimanche dans l'année: Sagesse 6,12-16; 1 Thes 4,13-18; Mat. 25,1-13
« Demandez, on vous donnera... Frappez, on vous ouvrira !!! »
Nous avons tous en mémoire ces paroles pleines de miséricorde et d'espérance que Matthieu met dans la bouche de Jésus. Paroles qui rendent choquantes, au premier abord du moins, non seulement l'attitude des jeunes filles qui refusent de partager leur huile mais aussi celle de l'époux qui, après avoir brillé par son retard, ferme la porte au nez des retardataires.
Et si, entraînés par le 1er verset, nous lisons ce texte comme un récit de noce, nous nous heurtons à bien d'autres questions : est-il imaginable de parler d'un mariage sans même évoquer la mariée ? Sans dire un mot de sa robe, objet de tant de curiosité ? Sans non plus parler du repas, de la musique, des danses ? Que pensez du retard de l'époux ? Et une fois arrivé, de son souci de faire le portier et de filtrer les entrées... au lieu d'être la joie de son épouse ?
Il est clair que nous ne pouvons pas lire ce texte comme une histoire vraie. C'est bien d'une parabole qu'il s'agit, d'une mise en scène qui a pour but d'évoquer le retour du Seigneur et la nécessité, l'urgence même, de s'y préparer. Jésus veut nous inviter à veiller pour être prêt lorsqu'il reviendra comme il l'a promis.
 
Pour les premiers chrétiens, le retour du Christ ne pouvait être qu'imminent. Au point que Saint Paul doit rassurer les Thessaloniciens. Eux qui n'ont pas vu le Seigneur de son vivant, ont été séduits par la parole et le témoignage enthousiaste de Paul et ils attendent avec impatience le retour annoncé du Seigneur pour voir enfin celui en qui ils ont mis leur foi et leur espérance... Mais le temps passe et les voilà inquiets pour leurs parents et leurs proches qui meurent sans avoir vu le Christ. Leur espérance aurait-elle été vaine ? Non leur dit Paul : « ceux qui sont déjà endormis dans la mort, Dieu à cause de Jésus les emmènera avec son Fils ».
Et dans une seconde lettre il se voit obliger de leur rappeler la nécessité de travailler pour gagner son pain... Puisque le retour du Seigneur était proche, certains s'en croyaient dispensés.
Et, quelques années plus tard, dans la communauté de Matthieu on commence à trouver le temps long... Le Seigneur tarde, il se fait attendre... Matthieu s'appuie donc sur cette parabole de Jésus pour inviter sa communauté à rester vigilante et ferme dans l'attente.
Et cette exhortation nous concerne aussi aujourd'hui. Voilà 2000 ans que les chrétiens attendent le retour du Christ... Cela peut paraître long
 
Mais qu'est-ce que VEILLER ? Ne pas dormir ? Revenons à la parabole. Toutes les jeunes filles sont invitées aux noces, toutes partent à la rencontre de l'époux, toutes s'assoupissent et s'endorment, toutes sont réveillées et se mettent à préparer leur lampe. Qu'est-ce qui fait la différence ? « Cinq avaient pris leur lampe sans emporter d'huile, cinq avaient pris avec leur lampe de l'huile en réserve ».
C'est l'huile en réserve qui fait la différence, qui permet à certaines d'entrer avec l'époux dans la salle des noces et qui obligent les autres à courir partout pour finalement arriver trop tard.
 
Quelle est donc cette huile mystérieuse qui permet de dormir sans inquiétude et qui ne se partage pas ?
Ne serait-ce pas cette sagesse dont nous parle la première lecture ? Sagesse qui est l'objet d'une recherche incessante, qui se laisse trouver par ceux qui la contemplent et la désirent ?
 
L'huile symboliserait alors, non pas l'obligation de répondre à une invitation mais le désir amoureux d'aller à la rencontre de celui qui invite, désir qui tient en alerte et prêt à l'appel du Seigneur. Désir qui sous-tend la recherche et le souci de connaître celui qui nous invite afin de le reconnaître lorsqu'il viendra.
Lors de notre baptême, nous avons reçu l'onction d'huile, notre lampe a été allumée au cierge pascal... Mais une lampe allumée, comme celle qui brûle auprès du tabernacle s'épuise si elle n'est pas rechargée régulièrement. La foi s'étiole si elle n'est pas nourrie. L'attente se lasse quand l'amour s'éteint.
Vous pressentez pourquoi cette huile ne peut se partager sur un claquement de doigt ? L'attitude des jeunes filles n'a rien de scandaleux. Tous les parents, tous les éducateurs, tous ceux qui d'une manière ou d'une autre ont un jour accompagné quelqu'un sur son chemin de vie savent qu'il y a des choses qu'on ne peut pas donner parce qu'elles relèvent d'un engagement personnel. En est-on réduit pour autant au chacun pour soi ? Non pas du tout, il y a les marchands de la parabole mais ils ne vendent que des semences, pas des produits finis. Il y a les Ecritures, il y a les Sacrements, il y a la vie fraternelle, autant de lieux où se nourrir et s'abreuver....
On dit que pour faire boire une âne qui n'a pas soif, il faut l'amener auprès d'un âne assoiffé et espérer qu'à son contact il éprouvera le désir de goûter cette eau qui semble si bonne et rafraîchissante.... Mais croyez-moi, il faut avoir du temps devant soi!
 
Et Jésus nous dit qu'un jour, plus tôt pour les uns, plus tard pour les autres mais un jour sûrement, le temps viendra à manquer. La lumière de la vie s'éteindra pour nous. Et dans la nuit de notre mort, un cri se fera entendre : « Voici l'époux, sortez à sa rencontre ». La lampe de notre foi sera-t-elle suffisamment garnie pour éclairer nos pas ? L'ardeur de notre désir illuminera-t-elle le visage du bien-aimé pour que nous le reconnaissions? 
Sr Elisabeth

mardi 1 novembre 2011

Heureux

Méditation pour la fête de la Toussaint 
Vous avez de bons yeux ? Sinon, j’espère que vous n’avez pas oublié vos lunettes aujourd’hui ! Et peut-être même faut-il prévoir une paire de lunettes... solaires !
Les textes de ce jour nous invitent à voir ! Voir avec Jean, visionnaire de l’apocalypse ; voir avec Jean, épistolier pour sa communauté; voir avec Jésus, assis sur la montagne !
Le psaume convoquait déjà à ce rendez-vous de contemplation : Voici le peuple immense de ceux qui t’ont cherché, avons-nous chanté. Voici, autrement dit : vois ici… Vois ici, voyons ici, le peuple de celles et ceux qui cherchent Dieu. De celles et ceux qui n’ont rien de plus cher que lui, au point de se détourner définitivement des idoles, c'est-à-dire de toute attache qui avilit l’homme, qui brise son humanité.  Voyons ici le peuple de Dieu rassemblé ! C’est le moment de souhaiter une très heureuse fête à vos voisins et voisines. Oui, c’est aujourd’hui votre fête aussi !
C’est bien ce que st Jean nous dit dans l’épitre : voyez (oui, voyez !) comme il est grand l’amour dont le Père nous a comblés. Il a voulu que nous soyons enfants de Dieu, et nous le sommes !  Aujourd’hui, prenons un peu de temps au plus intime de notre cœur, pour nous reconnaître enfants bien aimés de ce Père de tendresse.
Entrons dans cette communion en laquelle nous sommes appelés. Jean dans l’Apocalypse, nous montre le peuple du ciel, ce peuple de nos frères et sœurs, déjà entrés dans la gloire de Dieu, ce peuple dont nous sommes déjà membres aujourd’hui.  J’ai vu, dit Jean,  j’ai vu un ange qui montait… et Jean de nous parler de sa vision : le peuple de la terre, en communion avec celui du ciel, avec ce lien des anges qui vont d’un à l’autre. Et Jean nous dévoile un rien de ce qu’il a perçu de cette merveilleuse communion du ciel : une foule immense de toute race, langue, peuple et nation. Une foule qui chante : et nos chants se joignent à ce chant. Ils chantent en disant Amen !  Amen, cela veut dire, c’est du sérieux, c’est du costaud, la foi est un roc sur lequel nous pouvons nous appuyer. Amen. Louange, gloire, sagesse et action de grâce.  Un chant de joie, un chant de reconnaissance, car nos frères et sœurs les saints du ciel, savent que si leur route s’accomplit dans le bonheur, c’est par la grâce de Dieu, par son don ! Aujourd’hui, c’est la fête du merci de l’humanité à Dieu, pour son salut largement répandu !  Et le chant continue : honneur, puissance et force à notre Dieu. Amen. Alors il ne faut pas se tromper, ce n’est pas d’un tout-puissant dictateur, d’un écrasant dominateur qu’il est question : mais d’un  Dieu de vie, qui par son énergie, suscite la vie en nous, une vie victorieuse de la mort. Nos frères et sœurs les saints, savent en vérité, la beauté de cette force de Dieu, qui a emporté leur vie jusque dans l’éternité, qui les a purifiés, et les a rendus enfants de Dieu,  à l’image de Jésus.
Tandis que Jean dans une vision a vu cet accomplissement, Jésus en regardant la foule qui se pressait autour de lui, a vu le peuple en marche vers cet accomplissement, et il en a tressailli de joie :
Heureux  s’écrie-t-il ! En marche traduit André Chouraqui avec raison : car la racine hébraïque du mot qui dit « heureux »,  c’est le verbe « marcher ». Heureux, en marche proclame Jésus en voyant la foule de petits devant lui.
Heureux les pauvres de cœur… ceux qui ont le cœur ouvert, Dieu pourra les combler !
Heureux les doux… ceux qui ont renoncé à toute arrogance, et s’avancent à la rencontre d’autrui dans la non-violence.
Heureux ceux qui pleurent… heureux non pas le malheur, la tristesse, mais heureux ces cœurs sensibles à la détresse humaine, qui l’accueillent et la partagent, comme notre Dieu la partage.
Heureux les affamés et assoiffés de justice : ces indignés qui se soulèvent devant l’inacceptable, et veulent bâtir un monde, une société juste et solidaire.
Heureux les miséricordieux : ceux dont le cœur est assez grand pour accueillir toute la tendresse de Dieu et la transmettre, ceux qui accueillant le pardon de Dieu, deviennent pied à terre de son amour.
Heureux les cœurs purs, ces êtres simples qui ne connaissent pas le mensonge, qui avancent humblement à la rencontre de chacun.
Heureux les artisans de paix qui n’ont rien de plus cher que d’accueillir la paix de Dieu pour la répandre.
Heureux les persécutés pour la justice, en choisissant la justice ils ont pris le parti de Dieu, le parti de la vie et de la communion.
Heureux êtes-vous, si on vous insulte, si on vous persécute à cause de moi, dit Jésus. Heureux êtes-vous non d’être persécuté, mais d’avoir pris le chemin de ce Royaume qui vous est offert, de ce Royaume où nul ne pourra ravir votre joie.
Heureux, oui, heureux sommes-nous… Jésus aujourd’hui en nous voyant assemblés pour cette eucharistie, voit en chacun de nous  l’énergie de vie que le Père a déposé en nos coeurs, énergie de vie divine qui nous a mis en route, et qui nous constitue en peuple nouveau !
Alors, en marche, dans l’action de grâce ! 
 Sr Thérèse-Marie