dimanche 10 avril 2011

Vie !

  Méditation pour le 5e dimanche de Carême Année A (2011)
 
Ez 37, 12-14 ; Rm 8, 8-11 ; Jn 11, 1-45
 
En ce 5e dimanche de Carême, la liturgie nous propose de lire le beau récit de la résurrection de Lazare.
Ce dimanche est un sommet : dernier dimanche avant celui des Rameaux, portail de la Sainte Semaine.
De concert avec les deux autres lectures, l’Evangile nous parle de « mort » et de « résurrection »…
Glanons dans ce récit ce qui est « Bonne Nouvelle » pour chacun et chacune de nous, aujourd’hui.
 
« Cette maladie ne conduit pas à la mort, dit Jésus, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié »
Comment concevoir qu’une maladie serve la gloire de Dieu ?
Ou bien notre compréhension du mot « gloire » est-elle erronée ?
La gloire, dans l’évangile de Jean, appartient au Père et il l’a donnée en partage à son Fils.
Cette gloire est manifestation de l’amour du Père pour son Fils et du Fils pour tous les hommes, pour chacun et chacune d’entre nous.
 
« Cette maladie est pour la gloire de Dieu »
Cela veut dire que, en agissant en faveur de Lazare, Jésus pourra manifester son amour, attester de cet amour qui le fonde et le constitue.
Tel est d’ailleurs l’objet de sa mission sur notre terre : exprimer un amour.
« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique… », dit Jésus lors de l’entretien avec Nicodème.
Tel est l’amour du Père, tel est l’amour manifesté par Jésus : inconditionnel et sans limites.
Tel est le premier pilier de la Bonne Nouvelle de ce jour : l’agir de Jésus révèle son amour.
 
 
Une deuxième phrase que nous glanons est la déclaration de Jésus à Marthe : « Moi, je suis la Résurrection et la Vie »
Cette formule en « Je suis » est solennelle, car elle fait écho à la révélation de Dieu dans l’Ancien Testament.
Lorsque Dieu a révélé son nom à Moïse, il l’a fait par les mêmes termes : « Je suis Celui qui est ».
Dans notre récit, Jésus ne dit pas : « j’ai le pouvoir de ressusciter ou de donner la vie ».
Il va plus loin et déclare : « Je suis la Résurrection et la Vie ».
Par ces mots, Jésus déclare qu’en lui se trouve le fondement de la Vie, sa sève, son origine.
Il s’ensuit que la vraie vie, celle qui porte du fruit et ne finit pas, c’est en Jésus qu’on peut la trouver.
 
Bien plus, Jésus ajoute : « Tout homme qui vit et croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et tout homme qui vit et croit en moi ne mourra jamais »
En demeurant en Jésus, en lui accordant notre foi, une vie nous est donnée.
Certes, Jésus n’empêche pas la mort corporelle, la mort physique, mais il veut nous donner en partage une vie pleine, heureuse, débordante.
Il le confirme dans l’évangile : « Comme le Père en effet ressuscite les morts et leur redonne vie, ainsi le Fils donne vie à qui il veut ».
Tel est le désir de Jésus : nous partager une vie qui ne finit pas.
Telle est la Bonne Nouvelle de ce jour : la mort corporelle n’a pas le dernier mot.
 
 
Enfin, une troisième phrase retiendra notre attention.
Lorsque Jésus se dispose à agir devant ces gens endeuillés, il se tourne vers le Père et lui déclare : « Je te rends grâces parce que tu m’as exaucé. Je savais bien, moi, que tu m’exauces toujours, mais si j’ai parlé, c’est… afin qu’ils croient que tu m’as envoyé »
Confronté à la mort d’un ami, Jésus témoigne de sa confiance illimitée envers son Père : « tu m’exauces toujours ».
Et il commence par rendre grâces.
Par cette déclaration, Jésus atteste que le Père est à l’écoute : de Jésus, en ce récit, et de chacun de nous.
Dieu se soucie de l’homme. Il écoute son désir, il se tourne vers lui et exauce sa demande.
Jésus l’affirme ailleurs dans l’évangile : « En vérité, en vérité, je vous le dis, ce que vous demanderez au Père, il vous le donnera en mon nom… demandez et vous recevrez, pour que votre joie soit complète ».
Dès lors, enraciné dans l’amour du Père, Jésus pourra appeler Lazare hors du tombeau et dire aux témoins : « Déliez-le, et laissez-le aller »
 
 
C’est donc de « vie » que Jésus veut nous parler aujourd’hui.
En racontant ce signe de la résurrection de Lazare, Jésus annonce l’orientation que peuvent prendre toutes nos morts, nos souffrances, nos épreuves.
La mort de Lazare, la mort de Jésus et celle de chacun d’entre nous ne sont pas un point final.
Ce récit annonce Pâques.
Cette fête n’est pas le simple mémorial d’un fait passé.
Elle nous promet, elle nous annonce une nouvelle naissance, une nouvelle vie. Un passage.
Et, pour y parvenir, nous devons faire le saut de la foi : saut de confiance, à la suite de Jésus.
Foi en la vie, plus forte que la mort, foi en sa résurrection qui précède la nôtre.
 
Jésus ne dit-il pas dans l’évangile : « Moi, je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait surabondante » ?
 
En ce jour où la Bonne Nouvelle est promesse de vie et de salut, rendons grâces au Père pour ce don qu’il nous fait.
Et, dans la Résurrection de Jésus que laisse présager celle de Lazare, accordons généreusement notre foi.
N’hésitons pas à lui confier toutes nos morts, pour qu’il y fasse germer sa vie…
Amen 
Sr Marie-Jean

dimanche 3 avril 2011

Lumière

4ème dimanche de carême A: 1 Sa 16,1.6-7.10-13; Eph 5,8-14; Jean 9,1-41
 
Un aveugle sur la route... Est-ce lui qui a péché ? Ou ses parents ?
Fausse question dit Jésus qui ne s'attarde pas à chercher la cause de cette cécité. Dans la mentalité, dans les clichés de l’époque, il semblait évident qu’un handicap, une maladie, un événement contraire ne pouvaient être que le signe d'une malédiction..., la conséquence d'une faute.
C'était oublier ce que la première lecture nous rappelle : 'Dieu ne regarde pas comme les hommes car les hommes regardent l'apparence mais le Seigneur regarde le coeur.'
En apparence, au regard de son entourage, cet homme est aveugle donc il est pécheur. Il n'est même pas nommé, il est identifié et réduit à ses yeux qui ne voient pas. Au regard de Jésus, qui est le regard du Père... il a le coeur ouvert, il devient ainsi occasion pour Jésus de se manifester en lui et d'accomplir sa mission. St Jean n'avait-il pas ouvert son Evangile en annonçant que « Le Verbe était la vraie lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme » ? Et Jésus lui-même se présente 'Lumière du monde'.
Cet homme privé de lumière va devenir signe de la présence de Dieu parmi nous, signe de la vraie lumière.
La guérison nous est racontée très brièvement : « Jésus fait un peu de boue avec sa salive, en frotte les yeux de l'aveugle et lui dit : va te laver à la piscine de Siloë » Puis Jésus disparaît. Il ne revient qu'à la fin du récit.
C'est que l'essentiel n'est pas là...
« Va te laver à Siloë », st Jean précise, Siloë signifie l'envoyé. Jésus, l'Envoyé du Père, en guérissant l'aveugle, fait de lui un envoyé à son tour. Notons que cet homme n'avait rien demandé ; pas plus que David, dans la première lecture, ne s'attendait à être choisi comme roi. Dieu appelle qui il veut, il prend l'initiative et donne en même temps la grâce pour répondre à son appel. Une grâce reçue, un don de Dieu, un appel n'est jamais individuel, il y a toujours une dimension communautaire 'pour le salut du monde'. La suite du récit nous montre bien que tous sont concernés par l'événement qui vient de se produire ; l'évangéliste pointe les différentes réactions qu'il suscite :
1) les gens du voisinage : ils s'interrogent : est-ce bien lui ? Oui c'est bien moi leur dit l'aveugle guéri. Mais ils restent dans l'étonnement . L'événement les dépasse et ils se sentent incapables de prendre position. Pour savoir ce qu'il convient de penser, ils s'en remettent à plus savants qu'eux.
2) car les pharisiens, eux, ils savent ! Et pire ils savent qu'ils savent. Ils connaissent les Écritures et la Loi, ils savent ce que Dieu peut faire et jusqu'où il peut aller. Ils commencent par interroger : « Comment se fait-il que tu voies ? » - « Il m'a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé et maintenant je vois. »
Réponse qui divise les pharisiens : c'est le sabbat, jour de repos ; donc celui qui a guéri un homme ce jour-là ne respecte pas la loi, il ne vient pas de Dieu. Mais d'autres disent : « Mais un pécheur ne peut pas réaliser un tel signe ! »
L'enjeu est grave pour eux car s'il s'agit bien d'une oeuvre de Dieu, les voilà remis en question, l'autorité que leur donne leur science risque bien d'en prendre un coup.
Ils refusent de croire que cet homme qui voit, était bien né aveugle et ils cherchent à en avoir confirmation auprès des
3) parents qui affirment clairement « oui c'est bien notre fils et il est né aveugle». Mais ils ne sont pas prêts à lier leur sort à celui de Jésus dont la réputation est quelque peu malmenée.
 
L'évidence même ne remet pas en question la certitude, l'assurance des Pharisiens.
Leur réaction témoigne du regard qu'ils portent sur la réalité. « Ce n'est pas possible, disent-ils, Nous savons, nous, que cet homme Jésus est un pécheur. Il n'observe pas le sabbat donc il ne vient pas de Dieu, donc il ne peut pas rendre la vue à un aveugle »
 
On peut imaginer le sourire quelque peu interloqué de 4) l'aveugle : Il ne sait pas qui est Jésus mais il sait qu'il ne voyait rien et que maintenant il voit. Il était dans l'obscurité, il est dans la lumière. Et son regard intérieur lui aussi se transforme peu à peu: au début du récit, il est face à un homme qu'on appelle Jésus... puisqu'il accomplit un tel signe, il est sûrement prophète ; bien plus, un pécheur ne peut pas donner la vue à un aveugle, il est donc Envoyé de Dieu...
-Remarquons la différence de raisonnement par rapport à celui des Pharisiens: Tous sont d'accord pour dire: « un pécheur ne peut pas donner la vue à un aveugle » les pharisiens disent: Jésus est pécheur donc il n'a pas pu donner la vue. L'aveugle constate « Il m'a rendu la vue, donc il est l'Envoyé de Dieu »-
Ce cheminement intérieur – l'homme Jésus, le prophète, l'envoyé de Dieu- le prépare à accueillir la révélation de Jésus lui-même qui se déclare Fils de l'Homme et à passer à l'acte de foi : Je crois Seigneur.
 
Retournement de situation : la lumière n'est pas là où on l'attendait. Les Pharisiens, enfermés dans leur science et leurs certitudes sont empêchés de voir même l'évidence. L'aveugle avec droiture et simplicité accueille la réalité et le signe qu'elle porte en elle.
 
Ce récit serait-il seulement une belle histoire ? Il nous invite en tout cas à prendre nous aussi position devant les signes qui sont donnés à notre foi. Il est vrai que ce n'est pas tous les jours que nous sommes devant une guérison spectaculaire mais saurons-nous reconnaître l'oeuvre de Dieu -dans le cheminement des catéchumènes qui seront baptisés à Pâques et proclameront leur foi?, -dans la joie qui illumine le regard d'un malade, d'un mourant ou de quelqu'un qui aurait toutes les raisons de se décourager ?, -dans la sérénité de la foi qui permet à une famille de traverser l'épreuve douloureuse d'un deuil tragique ?
Oui une grâce reçue est toujours communautaire et si la lumière est accordée à l'un d'entre nous, et qu'il l'accueille avec droiture et simplicité, elle produira comme le dit st Paul, un fruit de bonté, de justice et de vérité. A ce fruit, nous sommes tous appelés à reconnaître la Lumière du Christ, à nous réjouir de sa présence parmi nous et à notre tour proclamer notre Foi. 
Sr Elisabeth