dimanche 26 février 2012

Désert

1er dimanche de Carême : Année B (2012)
 
 
« Jésus venait d’être baptisé.
Aussitôt l’Esprit le pousse au désert… »
 
En ce premier dimanche de Carême, un désert s’ouvre devant nos pas...
Mais en fait qu’est-ce que le désert ?
Ce n’est pas d’abord le lieu d’une randonnée touristique, à dos de chameau, pour contempler de beaux paysages.
Dans la mémoire juive, le séjour au désert fut le moment privilégié des relations entre Dieu et son peuple, où l’Alliance a été conclue.
Qui dit « Alliance », dit aussi l’espace pour un choix, une option, un combat pour rester fidèle à cette Alliance.
Ainsi, le désert est un lieu ambivalent.
Voyons-en d’un peu plus près les deux aspects qui apparaissent dans les lectures du jour.
 
Le désert est le lieu de l’Alliance, comme nous le rapporte l’extrait de la Genèse.
Dieu a créé l’homme et la femme ; il s’est réjoui de sa création : « c’était très bon ! ».
Mais cette création l’a déçu…
S’ensuivent la construction de l’arche pour parer au déluge, son errance sur les flots et, finalement, l’arrivée sur la terre ferme.
En cet extrait du Premier Testament, Dieu proclame que le temps de la destruction est révolu ; le temps de l’Alliance est arrivé :
« Voici que moi, dit Dieu, j’établis mon alliance avec vous, avec tous vos descendants, et avec tous les êtres vivants qui sont autour de vous… ».
C’est à cette Alliance que l’Evangile de Marc fait aussi allusion, lorsque l’évangéliste dit de Jésus qu’« Il vivait parmi les bêtes sauvages… ».
 
Si le désert est lieu de l’Alliance, il est aussi lieu d’un combat.
L’évangile de ce jour, en ce premier dimanche de Carême, en fait particulièrement mémoire.
Marc n’est pas très prolixe :
« Dans le désert, Jésus resta quarante jours, tenté par Satan »
 
Quarante jours, c’est-à-dire le temps d’une génération.
Ce chiffre symbolique est déjà employé dans le Premier Testament : qu’il s’agisse du peuple dans le désert (mais dans ce cas, ce fut une durée de 40 ans), de Moïse ou du prophète Elie, tous sont témoins d’une manifestation de Dieu.
Une telle durée affermit le cœur, consolide le choix…
Ainsi en va-t-il de Jésus qui, face à ces tentations, a posé un choix.
Il a dit « oui » à Dieu et… a triomphé de toutes les tentations.
 
Mais qu’est-ce qui lui a permis de triompher ?
Marc raconte : « Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert ».
Notons que les trois Personnes de la Trinité sont ici engagées.
D’un côté le Père, puisque le baptême fut pour Jésus l’occasion d’entendre la voix du Père qui lui disait :
« Tu es mon Fils bien-aimé ; il m’a plu de te choisir ».
En son Père, Jésus a découvert ce lien d’amour qui consolide, qui constitue un être et le met debout.
Cette confidence d’amour soutient Jésus, le porte, lui emplit le cœur.
Ainsi, c’est avec cet amour au creux du cœur que Jésus va au désert ; bien plus, il y est « poussé » par l’Esprit.
D’un côté le Père, donc ; de l’autre, l’Esprit, lui qui représente le lien d’amour qui unit le Père et le Fils.
Au désert, Jésus est doublement accompagné, du Père et de l’Esprit.
 
Il en va de même pour nous.
En ce désert qu’est le Carême, la liturgie nous annonce une Bonne Nouvelle :
Nous n’y sommes pas seuls !
 
Si en ce temps de Carême, vous êtes poussés par l’Esprit au désert, ne craignez pas !
L’expérience de Jésus, vous pourrez la vivre, vous aussi !
 
Cette expérience de Jésus, c’est recevoir la confidence du Père qui nous déclare son fils, sa fille bien-aimé(e).
Oui, à chacun et chacune de nous, Dieu déclare : « tu es mon fils, ma fille bien-aimé(e) : il m’a plu de te choisir »
Cette expérience de Jésus, c’est aussi être tenté, c’est-à-dire être invité à choisir, à dire « oui » à Dieu et à lui faire confiance.
Pour y réussir, le verset de l’acclamation nous rappelle : « l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole venant de la bouche de Dieu ».
Au désert, nous serons aidés et soutenus, soyons-en sûrs, par ces anges qui « servaient » Jésus.
Reconnaîtrons-nous la présence des anges sur notre chemin ?
Cette expérience de Jésus, c’est enfin pouvoir surmonter les tentations…
 
En ce jour, une invitation nous est lancée :
« Convertissez-vous et croyez à cette Bonne Nouvelle ! »
Y accorderons-nous notre foi ?

Sr Marie-Jean

mercredi 22 février 2012

Revenir



22 février 2012 : mercredi des Cendres.
 
Recueillons dans chacune des lectures d’aujourd’hui un mot qui pourrait nous accompagner tout au long de ce Carême.
1. Dans le prophète Joël : le mot « revenir ». Ce mot résonne trois fois dans la lecture. Deux fois sous mode impératif (« revenez à moi », « revenez au Seigneur ») et une fois comme une supposition dont Dieu est le sujet : « qui sait ? Il pourrait revenir... ». Revenir n’est donc pas que le fait des hommes : Dieu aussi peut revenir. Qu’est-ce à dire ?
Le verbe « shuv » désigne dans son sens premier le fait de se retourner vers un lieu que l’on avait quitté. Il y a un retournement et une marche. Du fond de leur exil, les enfants d’Israël ont entendu cet appel à « revenir ». Revenir sur la terre qu’ils avaient quittée, mais aussi, en un sens plus spirituel, « revenir vers Dieu » dont on s’était détourné. Au sens spirituel, le mot va donc désigner le fait de « se convertir ». Mais se convertir, « revenir à Dieu », n’est pas chose facile. Il y faut l’aide de Dieu. On trouve chez le prophète Jérémie un beau jeu de mots à ce sujet. Il dit : « fais-moi revenir et je reviendrai ». Et dans le psaume 79, nous chantons trois fois le refrain : « Dieu, fais-nous revenir et nous serons sauvés ». C’est la forme causative du verbe qui fait que Dieu lui-même devient le sujet de notre conversion. Il fait, pourrait-on dire, la moitié du travail. Et le psaume va même plus loin quand il dit à Dieu, sous mode impératif : « Dieu de l’univers, reviens ! ». Ainsi donc, Dieu lui-même peut-il « revenir », se convertir ? Comme dans l’expression française « revenir sur sa décision ». Dieu peut-il changer d’avis ? Il y a des textes de la Bible qui affirment que Dieu ne change pas, ne reprend pas sa parole, ne revient pas en arrière. Mais il y aussi des passages, comme ici, chez Joël et aussi chez Jonas, où l’on voit Dieu « revenir » sur sa décision, revenir de sa colère et de son irritation, se laisser « fléchir » par le repentir de son peuple ou par l’intercession de Moïse. Dieu serait-il donc inconstant ? Infidèle à lui-même ? En fait, s’il revient de sa colère et renonce au châtiment, c’est précisément parce qu’il est fidèle à lui-même, à ce qui fait l’essentiel de son être : un « Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour ». C’est ainsi qu’il s’est révélé à Moïse. Et de prophète en prophète, c’est ce visage-là de Dieu qui se confirme.
Dieu, en ce Carême, est donc le Dieu qui revient, qui, le premier, se tourne vers nous pour nous faire revenir à lui. Alors, nous aussi, nous tournant vers lui, nous reviendrons.
 
2. Un mot du psaume : je propose de retenir le mot « joie » (dans le verset « rends-moi la joie d’être sauvé »), car, comme le dit saint Benoît, le Carême doit être un temps de joie : joie spirituelle très profonde, très intérieure, qui provient de la certitude d’être sauvé.
 
3. Un mot de la lettre aux Corinthiens : le « moment favorable ». Le Carême est un temps de grâce pour qui veut bien s’y ouvrir. Saint Paul nous exhorte à ne pas passer à côté de cette grâce. La grâce d’une réconciliation avec Dieu, c’est-à-dire, si on regarde l’étymologie de ce mot, la grâce de se laisser transformer au plus intime par le don d’une liberté intérieure qui est donnée gracieusement.
 
4. Un mot de l’évangile : « en secret ». Dans le texte de Joël, il fallait sonner de la trompette et réunir tout le peuple pour une solennité. Ici, au contraire, « ne fais pas sonner la trompette », Jésus insiste sur le caractère individuel et discret de la démarche de conversion : nul ne peut s’y dérober et le seul témoin de notre conversion intérieure doit être le Père du Ciel. Jésus nous engage à être authentiques dans notre relation à Dieu, à nous-mêmes et aux autres. Le jeûne, la prière et le partage doivent être avant tout une affaire de conversion du cœur. « Ton Père voit ce que tu fais en secret » : cette phrase est répétée trois fois ! C’est aussi celle du premier degré d’humilité selon saint Benoît : avoir conscience du regard de ce Père aimant, qui est présent à toute pensée secrète et à toute action cachée.
 
Que ce temps de Carême soit donc pour nous un « moment favorable » pour « revenir à Dieu » de tout notre cœur et pour goûter la « joie d’être sauvé » sous le regard plein de tendresse de notre Père qui « voit ce que nous faisons en secret » et s’occupe lui-même de nous faire porter du fruit.
 
Amen.
 
Sr Marie-Raphaël

mardi 14 février 2012

Partage simple

14 février: saints Cyrille et Méthode: 2 Co 4,1-2,5-7; Luc 10, 1-9
 
Deux apôtres de la Russie et des pays slaves au 9ème siècle.
Deux frères, nés à Thessalonique. Ils avaient choisi la vie monastique avant d'être envoyé en mission dans les pays slaves. Mission qu'ils ont accomplie de façon très moderne, digne de Vatican II dans leur souci d'adapter non pas la Parole mais l'annonce de la parole à la langue et à la culture des peuples qu'ils voulaient évangéliser.
Souci toujours actuel qui devrait nous habiter tous et chacun et qui devrait comme assaisonner ou colorer notre désir de transmettre une Parole qui nous fait vivre.
Car c'est bien de vie qu'il s'agit quand nous annonçons l'Evangile. Une vie qui s'adapte aux conditions de lieu, de climat, de civilisation. On ne trouve pas les mêmes fleurs dans les vallées et au sommet d'une montagne; on ne trouve pas les mêmes animaux en Europe et en Afrique, au Pôle Nord et à l'Equateur... La pensée ne s'exprime pas de la même manière en Occident ou en Orient...
Alors, pourquoi la Parole de Dieu devrait-elle -par souci de fidélité?- rester figée dans les mots d'une seule langue et encore heureux si c'est une langue vivante!
Voilà ce qu'avaient compris déjà les deux saints que nous fêtons aujourd'hui.
Et ce qu'avait compris encore bien avant eux, St Paul, conscient qu'il était que l'important dans le ministère de l'apôtre c'est de manifester la vérité en présence de Dieu, présence qui est garante de l'authenticité de son message, présence qui lui donne assurance et audace dans la conscience même de sa faiblesse et de ses limites.
Car St Paul comme tout apôtre sait que la Parole n'est pas prisonnière des mots qui la profèrent. Car la Parole, c'est la Lumière que Dieu fait briller au milieu des ténèbres, c'est Dieu lui-même qui brille dans les coeurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire qui rayonne sur le visage du Christ.
Cyrille et Méthode, en traduisant l'Ecriture dans la langue du peuple auquel ils s'adressaient, n'ont eu d'autre souci que de mettre les hommes et les femmes de leur temps, de leur culture en contact avec la Parole elle-même, seule capable de toucher les coeurs, capable comme il est dit de la Sagesse « de satisfaire tous les goûts et de s'accommoder au goût de chacun » Sg 16,20-21.
Et l'Evangile ne dit pas autre chose: Jésus envoie ses disciples 2 par 2, non pas pour semer la Parole – c'est Jésus le semeur- mais pour moissonner... Et la moisson est grande car la semence a donné 30 – 60 – 100 grains pour un.
Il s'agit pour les disciples de mettre des mots pour la Parole qui germé dans les coeurs... Eux n'emportent rien, ni argent, ni sac, ni sandales... pas de livres, ni d'ordinateurs ou seraient stockées de « belles paroles », rien d'autre que ces quelques mots: « Paix à cette maison ».
pas non plus de grandes cérémonies mais le partage simple du quotidien de celui qui les accueille: « Mangez et buvez ce qu'on vous servira ».
Ayez pour vos hôtes une parole de guérison. Et c'est au creux de ce partage simple et fraternel qu’ils reconnaîtront que le Règne de Dieu est tout proche

Sr Elisabeth 

dimanche 12 février 2012

Il regarde... pour entendre

Méditation pour le 6ème dimanche du temps ordinaire (B)
N’oublie pas, Seigneur, le cri des malheureux !  Avec le psalmiste, nous venons de chanter ce refrain de tout notre cœur. Mais franchement, vous croyez, vous, que le Seigneur peut oublier ce cri ? Vous croyez que Dieu peut rester sourd à la détresse des hommes, des femmes et des enfants d’hier comme d’aujourd’hui ?
Le psalmiste poursuit sa prière, dans la dernière strophe que nous avons chantée : des hauteurs, son sanctuaire, le Seigneur s’est penché ; du ciel, il regarde la terre, pour entendre la plainte des captifs, et libérer ceux qui devaient mourir !  Le psalmiste lui-même rectifie : le Seigneur n’est pas Dieu de l’oubli qui n’a cure de nos maux et nos détresses. Que du contraire, des hauteurs, de ce lieu où nous le pensons sans tourment, inatteignable, il se penche. Cela ne lui dit absolument rien de se tenir loin de nos peines et misères. Il se penche, il regarde la terre pour entendre la plainte des captifs... c’est fort cette manière de dire, c’est profond : il regarde pour entendre... tout ce que nos lèvres n’arrivent plus à articuler, tous les cris retenus dans la douleur de nos âmes, de nos cœurs, de nos corps torturés, il les regarde, et par ce seul regard, il entend. Il entend tout ce que nous n’osons dire, tout ce que nous n’arrivons plus à dire, écrasés de douleurs et de peines. Son regard entend ! N’avez-vous jamais fait l’expérience, tandis que la souffrance vous déchirait, de croiser un regard de tendresse, d’y recevoir l’écoute, la présence. Tel est notre Seigneur, il regarde la terre dont nous sommes pétris... pour entendre... et libérer ceux qui devaient mourir.  
 
Il regarde... même si nous sommes affreux ? mutilés ? pécheurs au plus haut point ? Oui ! C’est bien là ce que nous dit l’évangile de ce jour en rapportant la rencontre de Jésus avec un lépreux.
La lèpre, au temps de la Bible, était perçue comme grave, dangereuse, pouvant contaminer tous ceux qui en approchent. Il n’y avait alors aucun remède connu. Elle mutilait irrémédiablement ceux qu’elle atteignait. Elle était perçue comme une défiguration profonde de l’être initialement créé à l’image de Dieu. Elle était ressentie plus comme marque de péché, que comme maladie, c’est pourquoi on parlait plus d’en être purifié que d’en être guéri ! Le lépreux portait en son corps la marque de son péché, qui le tenait à l’écart de la communion avec le peuple, qui l’éloignait du peuple de Dieu ! Et le livre du Lévitique légiférait sur le comportement à adopter en cas de lèpre. La mise à l’écart du camp était comme synonyme de mort : à l’époque nomade, être retranché du peuple, c’était être exclu du monde des vivants, rejoindre les ténèbres et l’ombre de la mort.
 
Et voici que l’Évangile de ce jour, nous présente un lépreux pour le moins audacieux,  il transgresse l’interdit : au lieu de se tenir à l’écart comme la loi le lui impose, il vient trouver Jésus, il tombe à ses genoux et le supplie !  Il supplie Jésus de le réintégrer dans la sphère des vivants, en le purifiant ! Si tu le veux, tu peux me purifier !  Prière pour le moins maladroite. Un Dieu bon, pourrait-il refuser de faire le bien qui est en son pouvoir ? Mais prière confiante, suppliante, espérante ! Moi lépreux j’ai fait la part qui me revient... transgressant la loi, je suis venu à toi, sûr que tu es plus grand que nos préceptes et lois ! A toi d’agir maintenant !
Et Jésus, de répondre. D’abord en confirmant son vouloir bon : bien sûr je veux te purifier ! Et transgressant à son tour la loi, il touche le lépreux ! Il se penche, il regarde la terre pour entendre la plainte des captifs ! Il libère cet homme de la lèpre qui l’excluait de la communauté humaine.
Et aussitôt Jésus envoie l’homme purifié se montrer au prêtre, selon le précepte de la loi de Moïse. Nous ne sommes pas du tout dans une spirale de transgression de la loi pour le plaisir. Mais dans une observance de la loi, tant qu’elle est vie. Un dépassement quand elle est mort.
C’est bien ce que Paul essaie de vivre à la suite de Jésus, et qu’il nous recommande dans sa lettre aux Corinthiens. Tâcher de s’adapter à tout le monde, en cherchant l’intérêt de la multitude, pour qu’ils soient sauvés.
 
Même si le résultat est pour le moins surprenant : le lépreux, purifié, est réintégré dans la société, et Jésus lui, est renvoyé à l’écart, loin des lieux habités. Il a pris la place du lépreux, de l’exclu, du rejeté. Dès le début de l’évangile il se trouve mis à l’écart, comme au terme il sera crucifié hors de la ville.
 
Voilà où il nous faut désormais le chercher : aux cotés de l’exclu, du petit, du rejeté. Regarder la terre de nos frères et sœurs, pour entendre la plainte du captif, et libérer ceux qui devaient mourir.
 
 Sr Thérèse-Marie

vendredi 10 février 2012

A l'aune de l'amour

Méditation pour la fête de ste Scholastique
En ce jour de fête, deux personnes sont mises en vis-à-vis : dans l’Evangile et dans la vie de celle que nous fêtons, Sainte Scholastique.
 
Dans cet extrait de l’Evangile de Luc, nous rencontrons deux sœurs, Marthe et Marie.
Marthe, d’abord, maîtresse de maison qui accueille le Seigneur.
Elle est « accaparée par les multiples occupations du service ».
Ce verbe signifie « être tiraillé de toutes parts », « être absorbé », « être affairé ».
Marthe, aux yeux de Luc, est absorbée par de multiples tâches.
 
En face d’elle, Marie, « assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole ».
Elle « a choisi la bonne part ».
 
D’un côté, la multiplicité des activités ; de l’autre, l’unicité de l’écoute.
Entre les deux, la présence du Seigneur, qui interpelle affectueusement Marthe : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses ».
 
Jésus nous interpelle pareillement.
Il le fait en ce jour, tandis que nous célébrons la Solennité de Sainte Scholastique.
Nous ne connaissons de cette Sainte qu’un épisode, que raconte Grégoire le Grand dans ses Dialogues.
Scholastique fut « consacrée dès l’enfance au Seigneur tout-puissant ».
Sœur de Saint Benoît, elle visitait son frère une fois par an.
C’est au cours d’un de ses entretiens – qui se révélera être l’ultime – qu’elle voulut retenir son frère pour poursuivre l’échange.
Benoît refuse sa demande.
Mais Dieu l’exauce : il fit éclater « tonnerre, éclairs et inondation ».
Son secret ? Grégoire nous le livre : « elle fut plus puissante parce qu’elle aima davantage ».
Comme Marie dans notre Evangile, Scholastique a choisi la bonne part, celle d’échanger sur les « joies de la vie céleste ».
 
En ce jour, la liturgie nous donne à penser.
 
Maîtresse de maison, Marthe interpelle Jésus et réclame l’aide de sa sœur Marie.
« Une seule chose est nécessaire… », déclare le Maître.
Rigoureux dans son observance, Benoît ne veut pas « rester hors du monastère ».
Scholastique insiste et Dieu répond à sa demande d’échanges sur la « vie spirituelle ».
 
De part et d’autre, un souci :
Souci de Benoît de rentrer au monastère et d’honorer l’observance.
Souci de Marthe dans les « multiples occupations du service ».
 
Remarquons que Jésus ne déprécie pas l’hospitalité de Marthe.
De même, Dieu ne discrédite pas l’observance de Benoît.
 
Mais de part et d’autre, notre Dieu ouvre une brèche.
Il creuse un espace.
Il indique un sens, celui de l’amour.
 
Ouverture à l’écoute de sa Parole, dans l’Evangile.
Espace pour l’Amitié spirituelle, dans la vie de Benoît.
 
Pour que, imprégnée de cette Parole, Marie puisse seconder Marthe à la tâche.
Pour que, réchauffé de ces entretiens spirituels, Benoît puisse rejoindre l’observance monastique.
 
En ce jour, Dieu nous partage son désir.
Il veut nous soulager, nous libérer…
Jésus veut soulager Marthe non de son service, mais de ce qui lui ôte sa joie et son rayonnement.
Jésus veut libérer Benoît d’une observance qui l’éloigne de Dieu en le séparant de sa sœur.
Notre Dieu désire que nos activités ne nous empêchent pas de vivre l’essentiel de l’instant présent.
 
« Marie a choisi la meilleure part », dit Jésus.
Scholastique a choisi la meilleure part, pourrait déclarer Dieu dans l’écrit de Grégoire.
 
S’il s’agit d’un choix, il doit y avoir place pour une liberté…
Accepterons-nous de relire nos activités et notre observance à l’aune de l’amour ?
Notre Dieu nous y invite !

Sr Marie-Jean 

dimanche 5 février 2012

Annonce du Royaume



Méditation pour le 5ème dimanche du temps ordinaire (année B)
Nous sommes au début de l’évangile de Marc. Nous pouvons suivre Jésus pas à pas et découvrir sa géographie. Rappelez-vous : après le baptême dans le Jourdain, il s’est rendu au désert pour 40 jours. Puis, ayant appris l’arrestation de Jean Baptiste, il a commencé à parcourir la Galilée. Au bord du lac, il a interpellé quelques hommes, des pêcheurs, qui se sont mis à le suivre. Avec ces quatre premiers disciples, il est entré dans la synagogue de Capharnaüm pour y enseigner. Dès ce moment, il s’est trouvé confronté à un homme en détresse – c’était un homme possédé par un esprit impur – et il a manifesté son autorité en libérant et homme. De la synagogue, aujourd’hui, il passe dans la maison. Du lieu de culte public, il passe dans un lieu privé, l’intimité d’une maison. C’est la maison de Simon et André. Là aussi, il rencontre une personne en détresse : c’est une femme, la belle-mère de Simon. Elle a de la fièvre. Le miracle de Jésus nous est raconté tout simplement, en peu de mots : on parle à Jésus de la malade, il s’approche, lui prend la main, la « réveille » (c’est un des verbes qui désignera la résurrection). Le plus naturellement du monde. Et la réaction de la femme est toute simple, elle aussi : comme si c’était la chose la plus naturelle du monde, elle se met à les servir.
 
Remarquons au passage la place de cette femme au tout début de l’évangile. Mis à part l’exorcisme raconté dans l’épisode précédent, elle est la première à bénéficier d’une guérison de la part de Jésus. Cette guérison préfigure la résurrection. En réponse, elle adopte aussitôt l’attitude du service. Non l’attitude servile d’une femme soumise et contrainte. Mais l’attitude du service qui sera une des grandes caractéristiques de la condition de disciple de Jésus, parce que c’est tout simplement l’attitude de Jésus : « je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir ».
 
Et notre évangile se poursuit sur le pas de la porte de cette même maison, le soir. « Le soir venu, après le coucher du soleil », c’est-à-dire après le sabbat, quand on peut à nouveau se déplacer et agir... « On lui amenait tous les malades... la ville entière se pressait à la porte ». Décidément, le téléphone arabe a marché vite. Et qui ne souhaite pas être guéri quand il est malade ? On entend dire que Jésus a expulsé un esprit mauvais et qu’il a guéri la belle-mère de Simon : il n’en faut pas plus pour qu’on se précipite tous, espérant bénéficier d’un petit ou d’un grand miracle.
 
Qu’attendons-nous de Jésus ? Qu’il soit la solution-miracle à tous nos problèmes ? Il ne faut pas juger cette foule de Capharnaüm, cette cour des miracles... Jésus lui-même prend au sérieux toutes ces détresses humaines. Il prend au sérieux le cri de Job dans la 1ère lecture : « Vraiment, la vie de l’homme sur la terre est une corvée, il fait des journées de manœuvre. ... Mes jours sont plus rapides que la navette du tisserand, ils s’achèvent quand il n’y a plus de fil... »
 
Cette lecture du livre de Job est audacieuse dans la liturgie. Comment oser laisser parler ainsi un grand dépressif au plus sombre du désespoir, puis déclarer « acclamons la parole de Dieu » ? Mais justement, parce que Dieu ne gomme pas le cri du dépressif, parce que Jésus prend au sérieux toutes les détresses humaines, les laisse s’exprimer jusqu’au bout et se laisse émouvoir par elles. Dès lors, nous ne devons pas être gênés de crier devant Dieu, de déverser devant lui toutes nos misères (nos maladies et nos esprits mauvais). Le seul fait de les lui exprimer peut déjà être un premier pas vers la guérison.
 
Nous voyons donc Jésus, aujourd’hui, joindre le geste à la parole. Jésus enseigne et Jésus guérit : ce sont là deux facettes d’une même action : Jésus annonce le Royaume. Il l’annonce en paroles et en actes. Il le fait comme une « nécessité qui s’impose à lui », pour reprendre les mots de Paul, il le fait comme la chose la plus naturelle au monde, parce que « libre à l’égard de tous, il se fait le serviteur de tous... il partage la faiblesse des plus faibles... il se fait tout à tous ». Ces paroles de Paul, c’est l’expérience d’un ardent disciple de Jésus qui s’est à ce point identifié au Christ qu’il peut en dire autant. Ces paroles nous apprennent que Dieu est du côté de l’homme, et c’est cela, la bonne nouvelle.
 
Mais si nous poursuivons la lecture de l’évangile, nous remarquons une chose importante : même si Jésus ne refuse pas la foule qui se presse à la porte, il n’en préserve pas moins sa solitude. Si ce n’est pas possible pendant la journée, il prendra sur sa nuit. Nous le voyons se lever avant l’aube et sortir pour aller dans un endroit désert. « Se lever » : c’est l’autre verbe qui dit la résurrection. Ce petit passage pourrait être lu en parallèle avec celui du matin de Pâques, quand quelques femmes, très tôt matin, se rendent à la tombe et la trouvent ouverte. Jésus n’est pas là, on le cherche, Jésus s’est retiré dans le secret du Père, Jésus est allé puiser à la source de la prière. Il nous est bon de voir cela : Jésus lui-même, en prière. Et peu importe, à ce moment-là, si tout le monde le cherche : il ne se laisse pas accaparer, il prend la juste distance.
 
Il finit toujours par se laisser trouver, pourtant. « Simon et ses compagnons se mirent à sa recherche. Quand ils l’ont trouvé, ils lui disent : « tout le monde te cherche ». Comme au matin de Pâques, le Ressuscité se laisse chercher et se laisse trouver, mais c’est pour aller « ailleurs », plus loin. C’est pour cela, dit-il, que je suis sorti : pour que la Bonne Nouvelle ne cesse de se répandre, de proche en proche, jusqu’aux extrémités du monde.
 
Si nous voulons trouver Jésus dans nos vies, cherchons-le donc au plus secret de la prière, mais cherchons-le aussi « plus loin », en proclamant avec lui cette Bonne Nouvelle qui s’impose à nous. Osons dire avec saint Paul : « malheur à moi si je n’évangélise pas ».
 
Sr Marie-Raphaël

jeudi 2 février 2012

Rencontre

Méditation pour la fête de la Présentation du Seigneur
Soudain viendra dans son Temple, le Seigneur que vous cherchez !
Nous sommes prévenus, Malachie l’a annoncé haut et clair ! Mais comment le cherchons-nous ce Seigneur ? Comment vient-il en vérité ? L’Évangile de ce jour peut nous apporter quelques pistes, je ne ferai que les évoquer brièvement... à chacun, chacune de creuser dans le secret de sa prière.
 
Les parents de Jésus se sont mis en route. Ce n’est pas la première fois. L’Évangile nous a déjà raconté comment, obéissants aux lois civiles, Joseph et Marie étaient partis pour Bethléem, pour le recensement. Et Jésus y était né.
Aujourd’hui, Joseph et Marie sont à nouveau en route, cette fois pour obéir à une loi religieuse, demandant que tout premier-né soit consacré au Seigneur. Ils montent à Jérusalem, au Temple.
A Bethléem, Luc nous a parlé de la naissance de Jésus, de l’annonce aux bergers... il ne nous a rien dit du déroulement du recensement, de la rencontre des représentants de la loi !
Aujourd’hui au Temple de Jérusalem, Luc ne nous dit absolument rien du rite de purification ou de présentation, de la rencontre du prêtre, ou d’un quelconque responsable religieux... Il nous parle des rencontres faites sur le parvis ! Un homme (que Rembrandt et tant d’autres nous ont habitués à voir comme un vieillard... mais le texte n’en dit rien ) un homme qui ne semble pas appartenir à la classe sacerdotale, et pire, une femme... qui dans l’esprit de l’époque n’était qu’une mi-portion et n’avait certainement aucune mission cultuelle. Et Luc nous la présente non seulement comme prophétesse mais comme véritable apôtre qui va annoncer Jésus à tous ceux qui passent ! 
Imaginez que quelqu'un vous raconte un baptême, en ne vous parlant que des personnes rencontrées au porche de l’Église, et ne mentionnant rien du rite !  C’est quasi ce que fait Luc en cette page d’Évangile ! Il annonce la présentation de Jésus, la purification de Marie, puis nous propulse dans une tout autre réalité...
Mais en fait, ne nous parle-t-il pas de la présentation de Jésus au Temple, telle que le Seigneur l’avait rêvée depuis les origines ? Jésus vient à la rencontre des hommes, de chacun, homme et femme... comme Dieu au matin du monde, venait à la rencontre d’Adam et Ève dans le jardin à la brise du soir. Vous êtes le Temple de Dieu, l’Esprit de Dieu habite en vous.  
Syméon (dont le nom signifie Dieu écoute, Dieu exauce) était juste, il attendait la consolation d’Israël, comprenez : il attendait le salut, la délivrance de toute souffrance, de toute mort, c’était un homme de désir ! Il était habité par l’Esprit. Voilà le Temple ! Il reçoit Jésus en ses bras, il l’accueille en son cœur ! Et il reconnaît en ce tout petit qui gigote dans ses bras, le salut de Dieu ! C'est tellement farfelu…que ça ressemble à notre Dieu ! Tout comme Dieu parmi les hommes ! Et Syméon bénit Dieu, il bénit Marie et Joseph.
Paraît Anne (dont le nom signifie grâce). Elle est fille de Phanuel (c'est-à-dire Dieu est lumière) de la tribu d’Aser autrement dit Heureux. Elle ne s’éloignait pas du Temple, c'est-à-dire de la présence de Dieu. En quelque sorte, elle était devenue Temple. Elle servait Dieu jour et nuit, dans le jeûne et la prière. Comprenons, dans le désir de Dieu.  Et elle accueille Jésus, et ses parents. Elle aussi le reconnaît.
Quand sous l’impulsion de la loi Jésus est conduit au Temple, il vient non à la rencontre de préceptes et de rites, mais de l’homme et de la femme de désir ! Qu'est-ce qui pourrait nous empêcher d'en être ???

Sr Thérèse-Marie