vendredi 29 juin 2012

Piliers de l'Eglise



29 juin : Saints Pierre et Paul
 
 La première et la deuxième lecture nous montrent Pierre et Paul en prison. Pour Paul, c’est la fin d’une longue période de captivité qui a commencé à Jérusalem et à Césarée, du temps du gouverneur romain Félix puis de son successeur Festus, et qui se termine à Rome vers l’an 67. Du fond de sa prison, dans un moment de solitude, il fait en quelque sorte le bilan de sa vie : il écrit à son cher Timothée : « J’ai combattu le bon combat, j’ai couru ma course jusqu’au bout, j’ai gardé la foi » (non, rien de rien, je ne regrette rien...)
Pour Pierre, la captivité racontée ici ne sera pas la dernière. Ce jour-là, du temps d’Hérode Agrippa à Jérusalem, ce n’est pas encore le moment où il peut dire : « j’ai couru ma course jusqu’au bout ». Il ne va pas encore subir le martyre, mais il est déjà intimement uni au mystère pascal de son maître. Il ne va pas mourir, mais il fait déjà une expérience de résurrection. Le verbe que l’ange lui adresse, « lève-toi » (anasta) est celui de la résurrection. C’est une expérience qui survient comme par surprise et dont il ne prend pas conscience au moment même, mais seulement après. Sûr que cette expérience restera par la suite gravée dans sa mémoire, pour le chemin qui lui reste à parcourir. Plus tard, sous Néron, dans les prisons de Rome, il n’y aura plus l’intervention merveilleuse de l’ange. Et Pierre pourra alors vraiment reprendre à son compte ces paroles de Paul : « avec le Christ, je suis un crucifié ».
Que de chemin parcouru depuis le jour de Césarée où, dans l’intimité du groupe des 12, Jésus leur avait demandé : « pour vous, qui suis-je ? » Pierre avait répondu : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ». Il n’imaginait pas jusqu’où cette confession de foi allait le mener.
Et Paul, qu’aurait-il répondu à la question de Jésus ? « Tu es le Christ, celui en qui j’ai été appelé dès le sein de ma mère, en qui j’ai été sauvé, justifié, glorifié. Avec toi, j’ai été enseveli dans l’eau du baptême, avec toi, je ressusciterai, avec toi je régnerai dans la gloire... » etc
Si l’on peut dire que l’église repose sur ces deux piliers que sont Pierre et Paul, c’est bien sûr sur leur foi, mais aussi sur la persévérance de leur foi, leur force de témoigner jusqu’au martyre, leur fidélité qui s’explique par leur amour pour la personne du Christ, amour rendu d’autant plus fort qu’il a traversé l’expérience du pardon reçu.
Avec eux, puissions-nous dès maintenant combattre le bon combat et courir notre course en gardant la foi, comme une réalité dynamique de notre vie, toujours appelée à se ressourcer au témoignage de ceux qui nous ont précédés.

Sr Marie-Raphaël 
 

dimanche 24 juin 2012

Prophète

Nativité de Saint Jean-Baptiste : 24 juin 2012
 
« Réjouissons-nous de la naissance de Jean : il sera le prophète du Très-Haut,
il marchera devant le Seigneur pour lui préparer le chemin »
 
En ce 24 juin, le temps des dimanches dits « ordinaires » qui se succèdent s’efface devant un prophète, Jean-Baptiste.
Nous fêtons, aujourd’hui, sa Nativité.
Qui ne se réjouirait de la naissance d’un enfant ?
Et ce d’autant plus lorsque, comme le rapporte l’Evangile, sa mère était stérile !
Mais c’est sous un autre angle de vue que nous lirons les textes de la liturgie : le rôle du prophète va retenir notre attention.
Le profil de Jean-Baptiste dans l’histoire du salut est certes unique, puisqu’il est le précurseur du Christ et, à ce titre, il occupe une fonction tout à fait singulière.
Cependant, d’autres prophètes tissent aussi l’histoire Sainte.
L’extrait du livre d’Isaïe nous présente le prophète appelé « Serviteur » : ses différentes caractéristiques peuvent nous aider à penser.
 
Un premier trait qui leur est significatif est que Dieu a l’entière initiative de leur appel :
« J’étais encore dans le sein maternel quand le Seigneur m’a appelé.
J’étais encore dans les entrailles de ma mère quand il a prononcé mon nom »
Le projet de Dieu précède la naissance du prophète.
Il n’est pas encore né à la vie que Dieu l’appelle ; il prononce son nom.
Dieu est à l’origine de cette vocation, de la mission qui est confiée.
 
Et c’est au cœur de cette mission qu’une deuxième caractéristique peut émerger.
Le découragement, la déception, l’épreuve adviennent parfois.
C’est ce qui arrive pour ce prophète, qui déclare :
« … Je me suis fatigué pour rien,
c’est pour le néant, c’est en pure perte que j’ai usé mes forces »
Oui, la tâche peut être rude, décourageante, voire épuisante, mais Celui qui est à l’origine de l’appel n’abandonne pas son envoyé.
Au creux de cette situation éprouvante, Dieu maintient un lien unique avec son prophète.
 
Et, dans ce lien unique, une troisième caractéristique peut être mise en lumière.
Si Dieu entretient un lien particulier avec son prophète, celui-ci doit lui rendre la pareille :
Le prophète ne doit pas perdre de vue celui qui l’envoie.
S’il se tourne vers lui, il en recevra une réponse, pour poursuivre la route :
« Mon droit subsistait aux yeux du Seigneur, déclare le prophète,
ma récompense auprès de mon Dieu…
Oui j’ai du prix aux yeux du Seigneur, c’est mon Dieu qui est ma force »
Une espérance peut alors poindre, que l’on peut déduire de cette formule apparemment peu signifiante :
« Maintenant le Seigneur parle… »
La Parole de Dieu est bien le lieu où le prophète peut renouveler son énergie, où il peut redonner à sa mission des forces neuves.
 
Telle est l’expérience du mystérieux Serviteur du Seigneur, décrit par le prophète Isaïe.
 
C’est dans ce terreau que s’enracine l’expérience de Jean-Baptiste, que nous fêtons en ce jour.
D’abord, une naissance étroitement liée à Dieu :
« le Seigneur lui a prodigué sa miséricorde », s’écrient les voisins et la famille.
Cette naissance a en effet été annoncée par Dieu.
Le nom de « Jean » a été attribué par Dieu et non par son père, comme il était d’usage.
Dieu travaille le cœur de son envoyé :
« Que sera donc cet enfant ? », se demandent les témoins de l’événement.
Ensuite, la présence de Dieu, son compagnonnage est aussi perceptible dans la vie de Jean-Baptiste :
« la main du Seigneur était avec lui », écrit l’évangéliste.
Enfin, la réciprocité ne se laisse pas attendre :
Le prophète garde le doigt pointé vers celui qui l’envoie :
« le voici qui vient après moi, et je ne suis pas digne de lui défaire ses sandales »
Jean-Baptiste annonce la venue de Jésus, il la prépare, il balise le chemin.
Et, s’il attire les regards, il ne les garde pas tournés vers lui, mais les oriente vers Celui qui l’a envoyé :
« Celui auquel vous pensez, ce n’est pas moi… »
 
Et nous, en quoi ce destin de prophète peut-il nous rejoindre ?
En ce jour, la liturgie nous invite à percevoir cette triple réalité dans nos vies.
L’expérience du mystérieux Serviteur d’Isaïe, l’expérience de Jean-Baptiste, s’offre à notre méditation, à notre prière.
Comme il a appelé ses prophètes, Dieu nous a appelés par notre nom.
Il a prononcé notre nom et nous envoie en mission.
Sommes-nous tous et chacun conscients de la vocation qui nous est confiée ?
Vocation de père ou de mère, de chrétien, de consacré(e), de citoyen,…
Porteurs de la Bonne Nouvelle, messagers de Paix et de Joie.
Ensuite, pouvons-nous percevoir combien nous ne sommes pas seuls dans cette mission ?
Lorsque l’épreuve nous plonge dans le désespoir, lorsque le découragement nous assomme, lorsque la déception nous écrase, pouvons-nous reconnaître celui qui vient à notre rencontre ?
Ouvrons-nous notre cœur à celui qui désire notre bonheur et nous infuse son énergie toute divine ?
Enfin, pourrons-nous opter pour la confiance, nous tourner vers Lui, résolument, dans la foi ?
 
Oui, en ce jour où nous fêtons Jean-Baptiste, Dieu nous rappelle notre rôle de prophète, ce rôle de messager de la Bonne Nouvelle, que nous pouvons exercer là où nous sommes…
Notre monde en a tellement besoin !
 
Sr Marie-Jean

jeudi 21 juin 2012

Courage


méditation pour la fête de st Aubain
On ne nous demande pas de réussir !
C’est bien ce que l’on pourrait conclure à l’écoute de l’Écriture ! On nous demande d’essayer, d’essayer d’être fidèles à l’Évangile. Point ! Que cela mène au succès, à la renommée ou non : qu’importe ! Et qu’est ce que réussir au regard de l’Evangile ?
 
L’Evangile est Bonne Nouvelle pour qui est prêt à s’oublier, pour aimer, aimer en vérité c'est-à-dire jusqu’au bout. L’Evangile est chemin de vie pour qui souhaite une vie heureuse à la suite de Jésus. Mais qui dit vie heureuse, ne dit pas nécessairement vie facile. Nous sommes prévenus !
L’Evangile, si on l’écoute, si on veut en vivre,  s’incarne parfois d’une manière qui le rend heurtant, choquant, qui mène à l’incompréhension, à la contradiction parfois jusqu’à la persécution. C’est bien ce dont témoignent les martyrs de tous les temps. Ceux d’hier dont souvent on ne sait pas grand-chose et ceux d’aujourd’hui.
St Aubain est né en 360 dans une île grecque. Il s’est mis à la disposition de st Ambroise de Milan, qui l’a envoyé évangéliser la Gaule, et tout spécialement chargé de lutter contre l’arianisme, hérésie de l’époque qui niait la divinité de Jésus. Il en a perdu la tête, au sens propre... puisque traqué par ceux dont il combattait l’hérésie, il fut décapité. La légende dit qu’il ramassa sa tête et partit avec la tête sous le bras. Après tout, ce n’est pas grave de perdre la tête, pourvu qu’on garde le cœur ! On pourrait nommer st Aubain patron des personnes qui sombrent dans la démence... qu’il les garde en l’amour,...
Trêve de plaisanterie !
Vivre la foi chrétienne, peut nous mener sur un chemin difficile. Jésus nous en avertit, pour que nous ne nous en étonnions pas. Benoît fera de même plus tard, qui recommande de prévenir le jeune qui vient au monastère que le chemin peut être difficile et que ce n’est pas une raison pour fuir ! Car dit-il à mesure que l’on avance, le cœur se dilate.(cf Prologue de la Règle)
Comment se dilate-t-il ? Jésus nous le dit : l’Esprit viendra sur vous. Il vous enseignera toute chose, il vous dira comment tenir en l’épreuve. Il vous donnera la parole juste, le geste juste. Accueillez ce compagnon de route, pour parcourir votre route humaine. Et vous connaîtrez la joie, celle qui est en Dieu, et qu’il vous donne en partage.
 
Venez partager la table du Seigneur, vous êtes membres de son corps. Il est la tête, il faudra bien que le corps finisse par passer où est passée la tête. Soyez participants de sa nature divine, et vous vivrez d’une vie que nul ne pourra vous ravir. Vous connaitrez la joie !

Sr Thérèse-Marie 

dimanche 17 juin 2012

Confiance



Méditation pour le 11ème dimanche du Temps Ordinaire année B
Confiance !
N’est-ce pas le mot clé des lectures que nous venons d’entendre ? Confiance !
 
Nous avons pleine confiance... Nous cheminons dans la foi, nous cheminons sans voir. Oui, nous avons confiance témoigne saint Paul. Confiance car nous croyons que le terme de la route humaine, n’est pas la mort éternelle, mais la vie en Christ ! Et notre vie, nous pouvons la passer à bâtir cette éternité, par un quotidien, aussi humble et discret soit-il, par un quotidien accordé à l’amour de Dieu. Chercher seulement à plaire au Seigneur, déclare saint Paul. Qu’est-ce-à-dire ? sinon chercher à vivre une vie pleinement humaine, pleinement accordée à l’Évangile.
 
Confiance !
Ezéchiel nous y invite avec son image de la petite pousse, du jeune rameau cueilli à la cime d’un cèdre et transplanté ailleurs, sur une montagne élevée.
Oui, si l’arbre si fort, si puissant que fut le tronc église, nous semble vaciller, si les institutions telles que nous les avons connues, semblent péricliter... Confiance ! Ce n’est pas nécessairement une mauvaise nouvelle !
Le Seigneur, fera surgir de ce petit rameau prélevé, un nouvel arbre, où beaucoup trouveront un espace ! Ne craignons pas la nouveauté. Elle offrira des branches autres, mais elle les offrira ! Ne perdons pas notre temps à pleurer sur le passé, à gémir sur la beauté de l’arbre ancien prêt à disparaître... regardons avec confiance, ce jeune rameau... la vitalité qui s’y cache. Dieu fait toutes choses nouvelles. Soyons avec lui créateurs, libérateurs. Soyons avec lui au service de la vie et de la croissance de chacun. Cherchons à devenir jeune rameau !
 
Confiance !
N’est-ce pas le message que Jésus veut envoyer à tous les messagers de sa Bonne Nouvelle, à tous nos pasteurs, catéchistes, à tous les baptisés, témoins de Jésus ? Confiance, la petite semence que vous avez jetée dans la terre de votre quotidien, dans vos rencontres, il ne vous appartient pas de la faire grandir. Il vous appartenait juste de préparer un tant soit peu le terrain, et de semer, largement.
 
Confiance, la Parole semée dans les cœurs germera, nul ne sait comment, quand,... mais elle germera.
Le règne de Dieu ne s’annonce pas à coup de grands médias, mais humblement, petitement, comme ce grain de moutarde, la plus petite des graines, et c’est vrai qu’elle est minuscule... plus petite qu’une tête d’épingle. Le Royaume est ainsi, une petite graine, fragile, mais une fois confiée à la terre, elle germera et grandira, sans que nous ayons à tirer sur ses branches. Et les oiseaux pourront y faire leurs nids.
Semons seulement par notre vie, nos actes et nos paroles...
 
Si nous passions un peu de temps chaque jour de cette semaine, à contempler tout ce qui germe, tout ce qui vit ? Si nous décidions d’encourager tous ces germes de vie ? Si nous leur faisions confiance ? … Ne découvririons-nous pas, le Royaume de Dieu présent, en nous, autour de nous ?
 
Faire confiance, c'est aussi "faire", "construire", "provoquer"… C'est un agir, et pas seulement une attitude…
 
 Confiance !

Sr Thérèse-Marie 
 

vendredi 15 juin 2012

S'ouvrir à l'amour


Méditation pour la solennité du Sacré Cœur de Jésus (année B : 2012)

 Une Solennité nous rassemble en ce jour : celle du Sacré Cœur.
On appelle traditionnellement cette fête « Sacré Cœur de Jésus », mais les lectures que nous propose la liturgie nous invitent plutôt à élargir la perspective.
C’est le Cœur de Dieu que nous fêtons en ce jour, le Cœur de la Trinité.
Père, Fils et Esprit-Saint y sont présents.
Revisitons ces lectures pour les découvrir...
 
Par la bouche de son prophète Osée, le Dieu d’Israël ouvre son cœur et confesse son amour.
Israël, ce peuple esclave en Egypte, Dieu l’a élu et l’appelle « mon fils ».
Il lui a fait don de la liberté et l’a éduqué au désert : il lui apprend à marcher, le nourrit, le guide avec tendresse…
Mais Israël ne se laisse pas aimer et refuse son Dieu.
C’est au creux de cette déception que Dieu ouvre son cœur.
Face au rejet, face à l’infidélité de ce peuple aimé, Dieu confesse :
« Mon cœur se retourne contre moi, et le regret me consume.
Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël,
car je suis Dieu et non pas homme… »
Face à la trahison, face au refus de son peuple, Dieu ne se laisse pas décourager.
Il ne consent pas à rejeter à son tour, mais il persévère et reste fidèle.
Tel est l’amour du Père, l’amour de notre Dieu.
 
Dans l’Evangile, Jean nous invite à contempler la Passion de Jésus.
L’extrait rapporte le rite du brisement des jambes, « coup de grâce » qu’on applique au supplicié, pour s’assurer qu’il est bien mort.
C’est ce que firent les soldats aux deux premiers condamnés.
Quant à Jésus, puisqu’il est déjà mort, on ne lui brisa pas les jambes, mais un autre « coup de grâce » lui est asséné :
« Un des soldats, avec sa lance, lui perça le côté »
Cette mention des soldats nous replonge au cœur de la Passion, dans son contexte extrême de violence, de souffrance et de douleurs.
Face à cette situation de rejet, d’ingratitude, de non-amour, Jésus ne peut plus parler, il ne peut plus exprimer le moindre mot, mais son corps dévoile un message.
L’évangéliste dit :
« il en sortit du sang et de l’eau »
On peut y découvrir plusieurs sens.
Outre qu’il prouve la réalité incontournable de la mort de Jésus et son Incarnation bien réelle, ce sang et cette eau révèlent son amour.
Bien plus, ce jaillissement de l’eau ajoute une autre dimension : il manifeste le don de l’Esprit.
En effet, lors de la fête des Tentes, Jésus avait déclaré :
 « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Ecriture : Des fleuves d’eau vive jailliront de son cœur »
Et l’évangéliste commentait :
« En disant cela, il parlait de l’Esprit-Saint, l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en Jésus »
Ainsi, sur la Croix, au creux de sa souffrance, Jésus lègue l’Esprit.
Selon Jean, il existe un lien étroit entre l’eau et l’Esprit.
Ce sang, cette eau qui s’écoule du cœur de Jésus, c’est la vie qui jaillit comme une source.
La vie qu’il nous destine, l’amour qu’il veut déposer en nos cœurs.
Cet amour, l’évangéliste nous invite à le contempler, à le méditer, à le croire :
« Celui qui a vu rend témoignage afin que vous croyiez vous aussi »
Et plus loin, il ajoute :
« Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé »
 
C’est donc au creux de la souffrance de la Passion, de la douleur de la Crucifixion et de l’enfouissement dans la mort que le cœur de Jésus exprime son amour.
Un amour victorieux de toute mort, qui transcende le Vendredi Saint et annonce déjà le matin de Pâques !
 
Tel était donc le cœur du Père, selon la révélation du prophète Osée.
Tel est le cœur du Fils, sous la plume de l’évangéliste johannique.
Tel est l’Esprit répandu par Jésus sur la Croix.
Cet amour contemplé dans le cœur du Père, manifesté dans celui de Jésus et confié à tous ceux qui l’accueillent, nous le célébrons en cette Solennité.
Si nous lui ouvrons la porte de notre cœur, il cherchera à se répandre, à se propager, à se diffuser... pourvu que nous y consentions !

Sr Marie-Jean 

dimanche 10 juin 2012

Alliance



Méditation pour le 10 juin 2012 : Saint-Sacrement, année B
 
Le mot qui revient dans les trois lectures d’aujourd’hui : le mot « Alliance » ; et aussi le mot « sang ».
 
L’Alliance : ce mode de relation tout à fait particulier qui caractérise la relation entre le Dieu d’Israël et son peuple, dans l’AT, et qui se prolonge dans le NT, mais de façon tout à fait nouvelle.
 
Dans l’AT, il est déjà question de l’Alliance avec Noé, puis avec Abraham. Et avec Moïse, comme nous le voyons aujourd’hui. Alliance signifie réciprocité, engagement réciproque. C’est un engagement dans la durée, dans la fidélité, qui touche tous les aspects de la vie. Dans la 1ère lecture, nous voyons comment le peuple de Dieu entre dans cette Alliance et marque ce passage par une cérémonie solennelle. La réciprocité se noue dans le don de la Loi : Dieu a donné la Loi à Moïse, Moïse la transmet au peuple. Le peuple répond par un serment : « tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique ». Pour sceller symboliquement cet engagement, Moïse fait offrir un sacrifice de paix : deux jeunes taureaux sont immolés. Leur sang est répandu en partie sur le peuple, en partie sur l’autel.
 
Le mot « sacrifice » n’a pas bonne presse aujourd’hui. Parce qu’on l’associe au fait de tuer et on ne voit pas comment tuer, verser la sang, pourrait plaire à Dieu.
Le sang est symbole de vie, non de mort.
Dans l’Alliance du Sinaï, le rite du sang veut dire combien Dieu s’engage vis-à-vis de nous « à la vie, à la mort ». Si le même sang est répandu sur les deux partenaires de l’Alliance, c’est un peu pour signifier que désormais la même vie coule dans leurs veines.
Retenons surtout la parole de Moïse : « Voici le sang de l’Alliance que, sur la base de toutes ces paroles, le Seigneur a conclue avec vous. »
 
Sur fond de ce contexte, nous comprenons mieux la force symbolique des paroles de Jésus dans l’évangile. Lors de la dernière Cène, il prend le pain, prononce la bénédiction, le rompt et le donne en disant : « Prenez, ceci est mon corps ». Et pour la coupe, il dit : « ceci est mon sang, le sang de l’Alliance... » (on entend l’écho aux paroles de Moïse) et il ajoute : « répandu pour la multitude ».
 
Le sang qui coule dans les veines de Jésus, c’est le sang de l’homme Jésus, qui est aussi Dieu. En lui-même, en sa personne, le sang de l’Alliance circule en Dieu et en l’Homme. L’Alliance se réalise pleinement dans cet Homme-Dieu qui se tient là, au milieu de ses disciples, et partage avec eux le repas pascal.
 
Mais, pourrions-nous dire, cela ne suffit-il pas ? Pourquoi faut-il que le lendemain, sur la Croix, son précieux sang soit répandu en pur gâchis ? à vue humaine, en effet, la mort de Jésus est absurde, échec total, pur gâchis. À vue humaine, la mort de Jésus n’est pas un sacrifice au sens rituel du mot, mais un assassinat. Il est livré et tué par des hommes qui voient en lui un personnage gênant, à éliminer.
 
C’est précisément pour que nous ne restions pas sur ce sentiment d’échec que Jésus a en quelque sorte anticipé sa mort dans le geste rituel du repas pascal. Ses disciples ne pouvaient sans doute pas le comprendre au moment même, mais après, quand ils ont relu les faits à rebours, ils ont compris toute la portée de ces paroles et de ces gestes de Jésus, ils ont trouvé les clés de lecture pour interpréter la mort de Jésus non comme un absurde et douloureux point final, mais comme le geste ultime et le geste par excellence du don de Dieu en Jésus.
 
En consentant jusqu’au bout au dessein d’amour de Dieu pour l’humanité, en poussant jusqu’au bout les conséquences de son don, Jésus savait qu’il allait au-devant de la mort. Il l’a d’ailleurs annoncé plusieurs fois à ses disciples. Alors, puisque c’était inévitable, plutôt que de la subir, il l’a regardée en face et il a dit : « ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne ». Et ce faisant, il inaugurait la nouvelle Alliance.
 
C’est dans le passage de la lettre aux Hébreux qu’on trouve l’expression « ancienne alliance » et « nouvelle alliance ». L’auteur de la lettre aux Hébreux fait une relecture théologique très dense de ce sacrifice du Christ. Car il s’agit bien d’un sacrifice : il donne sa vie ! Il est écrit : « poussé par l’Esprit éternel, Jésus s’est offert lui-même à Dieu comme une victime sans tache ». Et encore : « il est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire du ciel en répandant non pas le sang des animaux, mais son propre sang : il a obtenu ainsi une libération définitive ».
 
La lettre aux Hébreux insiste pour dire que cela s’est passé « une fois pour toutes » et « de façon définitive ». Mais cela ne signifie pas que c’est fini : cela signifie que cela dure pour l’éternité.
 
Or nous, nous vivons dans le temps, et nous avons besoin de marquer le temps qui passe par des rappels de ce qui s’est passé une fois pour toutes. C’est le rôle des rites, de la liturgie. C’est le rôle des sacrements. Le sacrement par excellence, celui qui est la source et le sommet de tous les autres, c’est donc ce sacrement que Jésus donne pour que nous fassions mémoire vivante de son sacrifice total, unique et définitif. Le « Saint-Sacrement ». C’est l’Eucharistie.
 
Eucharistie veut dire « action de grâce ». Dans le psaume, nous avons chanté : « je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce ». Que signifie pour nous « offrir le sacrifice d’action de grâce » ? C’est un peu comme nous retrouver avec les disciples à la table de la dernière Cène, regarder Jésus nous offrir le pain en disant : « ceci est mon corps », puis nous passer la coupe en disant « ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, répandu pour vous et pour la multitude ». Entendre ces paroles et prendre conscience de leur profondeur : si nous acceptons de boire à cette coupe, nous entrons dans l’Alliance, nous acceptons d’être sauvés par ce Dieu qui nous aime infiniment et qui, en s’offrant lui-même, est devenu « le grand prêtre de notre bonheur qui vient ».
 
Alors, oui, il n’y a plus qu’à rendre grâce, intensément, pour un tel amour, et tel est le « sacrifice » que le Père attend de nous : non pas un sacrifice sanglant, mais un consentement à ce bonheur qu’il veut nous donner en nous donnant son Fils.
 
C’est tout cela, l’Eucharistie.
 
Sr Marie-Raphaël

dimanche 3 juin 2012

Intimité de Dieu

Méditation pour la fête de la Trinité (B)
(Dt 4, 32-34.39-40 ; Ps 32 ; Rm 8, 14-17 ; Mt 28, 16-20 )

« Qui donc est Dieu ? »
Si nous prenions chacune et chacun un petit moment de silence et de prière, pour répondre à cette question... La question glisserait immanquablement en « Qui donc est Dieu pour moi ? Qui donc est Dieu pour nous ? Qui donc est Dieu pour nos communautés ? » Et elle en serait probablement plus juste, car notre Dieu est ainsi fait, qu’il est d’abord et avant tout, « Dieu avec », « Dieu pour »...
 
Mais voyons ce que les diverses lectures qui nous ont été offertes aujourd’hui, nous en découvrent.
 
Au livre du Deutéronome, Moïse relit l’histoire sainte, pour dire la présence de Dieu aux siens depuis les origines. Chaque relecture de notre histoire, personnelle ou communautaire, est un bon moyen de voir Dieu accompagner notre histoire. Il a parlé à son peuple, et le peuple, stupéfait, y a trouvé la vie et non la mort. Dieu a été saisi par la détresse de son peuple réduit en esclavage et l’a libéré. Dieu a donné une loi, qui est chemin de vie et bonheur, sur la terre qui est don de Dieu.
Les coupures dans le texte d’aujourd’hui, ont malheureusement supprimé quelques versets, qui expliquaient la motivation de Dieu, pourquoi Dieu a-t-il agi ainsi ? le verset 37 répond : parce qu’il aimait tes pères.
Voilà Dieu : un Dieu qui aime, et qui fait tout ce que peut l’amour, pour rendre heureux.
 
Alors il y a des chouchous, me direz-vous ! Dieu a aimé les pères d’Israël, et les autres ?  Dans quelle catégorie suis-je ? Dieu m’aime-t-il, moi ? Le psaume 32 nous répond : la terre est remplie de son amour... La terre, tout l’univers, et tous les êtres ! Aussi le psalmiste ne craint pas demander : Que ton amour Seigneur soit sur nous, comme notre espoir est en toi !  La clé est simple. L’amour ne s’impose pas. Dieu est là, frappant à notre porte, à la porte de nos cœurs : à nous de choisir. Choisirons-nous de vivre de son amour ? Peut-être craindrez-vous un Dieu, qui aime du haut de sa grandeur, et de sa condescendance !
 
Saint Paul, dans sa lettre aux Romains, témoigne : L’Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur. C’est un Esprit qui fait de vous des fils.
Et cet Esprit prie en nous, en appelant Dieu Abba,  c'est à dire "papa".
 
Voilà le mystère qui se découvre à nos cœurs, si seulement nous nous ouvrons aux profondeurs de Dieu ! Il habite en nous, pour nous inviter à entrer dans la danse de son amour.
 
Il nous invite à entrer dans son univers de relation. Notre Dieu n’est pas solitaire, il est relation. Et cela jusqu’en lui-même. Il est Père, Fils, et Esprit.
Aussi lorsque Jésus envoie ses disciples, il invite à baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Non point à plonger obligatoirement chacun dans un cuve d’eau ! mais lui proposer la révélation d’un Dieu qui est relation. Proposer d’entrer en cette intimité de vie.
Comme le dit Zundel, un mystique remarquable : Avec la Trinité, nous entrons dans le monde de la relation... Dieu n’est pas solitaire, il est une communion d’amour...
Alors baptiser au nom du Père et du Fils et de l’Esprit. Ce n’est pas placer sous la domination d’un tyran, d’un souverain dominateur. C’est plonger dans ce qui est le cœur profond de Dieu, son être profond. C’est par son amour que Dieu nous touche.
 
Entrons en cette eucharistie, en rendant grâce car Dieu est amour, Trinité, don sans réserve, liberté infinie. Entrons en cette eucharistie, en accueillant ce Dieu dont la grandeur ne consiste pas à se mettre au-dessus et à commander, mais à se donner.
 
Fêtons en la Trinité, le berceau de l’humanité nouvelle.
 Sr Thérèse-Marie
 
Note : tous les italiques qui suivent sont citations de textes de M ZUNDEL, Le problème que nous sommes, La Trinité dans notre vie. Fayard, 2000