jeudi 31 mai 2012

Rencontre

Pour la Fête de la Visitation (2012)
 
 En ce jour, nous célébrons une rencontre.
Deux femmes, Marie et Elisabeth, toutes deux enceintes.
La première, Marie, une jeune fille accordée en mariage mais non encore mariée, vient de bénéficier d’une visite inespérée : un ange lui annonce qu’elle concevra un enfant qui du nom de Jésus, qui signifie « le Seigneur sauve ».
« L’Esprit-Saint viendra sur toi » lui promet l’ange.
 
La seconde, Elisabeth, va aussi concevoir, malgré son grand âge.
 
Avec cette double « bonne nouvelle » dans le cœur, Marie, dit l’évangéliste Luc, « se mit en route rapidement... »
C’est en effet vers sa parente qu’elle dirige ses pas, dans l’allégresse du bonheur.
Luc ne s’attarde pas aux détails du voyage de Marie.
Ce qui importe, c’est la rencontre entre ces deux femmes.
 
« Lorsque Elisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant bondit d’allégresse dans son sein »
Dès avant sa naissance, ce bébé est déjà prophète et précurseur.
Il reconnaît le Messie, le confesse, s’en réjouit.
Elisabeth, inspirée par l’Esprit, ne peut que bénir la jeune Marie :
« Tu es bénie plus que toutes les femmes, béni aussi est le fruit de ton sein ! »
Double bénédiction, de la mère et de son enfant.
 
Et Marie, de leur répondre, par son Magnificat.
Cette hymne, que nous chantons jour après jour, est à la fois neuve et ancienne.
Si elle s’enracine dans le patrimoine biblique – notamment le cantique d’Anne et les psaumes –, elle est aussi nouvelle, dans ce contexte tout particulier de l’annonce du Sauveur.
Elle est aussi ancienne et nouvelle à un autre titre : ancienne, parce qu’elle reflète l’expérience de Marie, qui l’a chantée en un temps précis, unique et singulier.
Elle est aussi nouvelle, chaque fois que nous-mêmes, nous la chantons.
 
« Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur »
Mon âme, mon esprit : tout l’être de Marie exprime la jubilation.
Son chant de joie repose sur deux piliers.
D’abord, Marie célèbre Dieu : un Dieu sauveur, qui se tourne vers son humble servante et opère des merveilles à son égard.
Elle parle d’elle-même et remercie Dieu de ce qu’il a fait pour elle.
Ensuite, l’hymne offre un deuxième déploiement : Marie chante ce que Dieu a fait pour son peuple.
A la troisième personne, elle égrène les œuvres de son Seigneur.
Lui qui renverse les situations, prend le parti des petits, des humbles, des pauvres, des êtres de désir...
Un Dieu de promesse et de fidélité.
 
Remarquons combien Marie nous invite à nous approprier cette hymne du Magnificat, à la faire nôtre.
En effet, elle n’y évoque pas son futur enfant.
Ce « silence » permet à chacun et chacune d’entre nous de s’interroger :
Dans nos vies, quelles sont les merveilles que le Seigneur a accomplies ?
Pour quelles œuvres puis-je le célébrer ?
En ce jour où nous commémorons la Visitation, nous pouvons laisser cette parole d’Evangile questionner nos vies...
Et si nous faisions réellement nôtres les mots du Magnificat ?
 
De plus, nous pouvons aussi laisser l’attitude de Marie et d’Elisabeth nous interpeller :
Faisons-nous de nos rencontres des « Visitations » ?
Deviennent-elles des lieux de bénédiction, d’actions de grâces et de service ?
 
Confions en ce jour au Seigneur notre désir que Sa Parole, Son Verbe, prenne chair en nous, pour que la bénédiction de Marie féconde nos vies...

Sr Marie-Jean 

mardi 22 mai 2012

Un homme au coeur de la Trinité


Ascension B actes des apôtres 1,1-11; Ephésiens 4,1-16Marc 16,15-20.

Le Seigneur fut enlevé au ciel
Dans la culture orientale, qui est celle des apôtres, des évangélistes, des premiers chrétiens, il est fréquent d'user d'images. L'hébreu ne connait pas les mots abstraits... il s'exprime donc par des images qui sont le support de la pensée plus que la relation d'un fait historique.
Parler de l'Ascension à propos de Jésus, dire qu'il fut enlevé au ciel c'est exprimer autrement ce que dit st Jean : « l'heure de passer de ce monde à son Père »
Le cardinal Ratzinger, futur Benoit XVI, définit le ciel comme le contact de l'être de l'homme avec l'être de Dieu. Au jour de l'Ascension, l'être de l'homme en Jésus entre en contact avec l'être de Dieu.
Jésus, dans son ascension inaugure d'une certaine manière le ciel car en lui, désormais, tout être humain a accès au ciel qui n'est autre finalement que l'intimité de Jésus avec son Père. Intimité qu'il n'a jamais quittée « Mon père et moi nous sommes uns » mais qui nous est aujourd'hui plus manifestement révélée.
L'Ascension de Jésus, son départ est l'espérance et l'assurance de notre vocation à une vie éternelle. Désormais, en Jésus, il y a un homme au coeur de la Trinité, un homme qui avant de partir nous a livré son corps et son sang pour que nous en vivions, pour que nous devenions ce Corps dont il est la tête,
 
Les Actes des apôtres situent l'Ascension 40 jours après Pâques. Cela nous rappelle les 40 ans du peuple hébreu dans le désert, les 40 jours de Moïse sur la montagne, les 40 jours de Jésus dans le désert avant le baptême... 40 c'est le temps d'un passage à une réalité nouvelle.
Durant ces 40 jours, Jésus s'est manifesté aux siens ; les apôtres et les disciples ont pu reconnaître à la fois qu'il est vivant et à la fois que sa présence est autre... Durant ces 40 jours Jésus leur a parlé du Règne de Dieu.
Difficile pour les apôtres de sortir de l'image qu'ils se faisaient du Messie = celui qui allait restaurer la royauté en Israël. Jésus fait éclater cette espérance juive aux vues trop courtes : le temps sera celui de Dieu et l'espace s'élargira de Jérusalem et des Juifs au monde entier et aux païens...
L'Ascension de Jésus n'est pas une fin c'est une naissance, la naissance des communautés chrétiennes investies de la mission de témoigner du Christ, de sa bonne nouvelle : Dieu est Père, Dieu est Amour et de la répandre dans le monde entier.
Il ne s'agit pas pour les apôtres, ni pour nous, de rester là à regarder le ciel... Cette intimité de Jésus avec son Père, nous avons à la révéler sachant que le Christ est celui qui est, qui était et qui vient. La parole des anges n'est pas l'annonce d'un retour lointain à la fin des temps, elle est l'assurance que le Christ ne cesse de venir par son Esprit qui nous enseigne ses paroles et sa vie.
 
La 2ème lecture nous montre bien que cette naissance et cette expansion des communautés chrétiennes n'est pas une mince affaire, qu'elle réclame de nous une vigilance pour garder le cap vers le ciel.
Paul en effet envisage 3 dangers qui menacent toute communauté, aujourd'hui comme hier.
  • le danger de la discorde d'où son appel à garder l'unité par le lien de la paix rappelant qu'il n'y a qu'un seul corps, un seul Esprit, un seul baptême.
  • Le danger de la division des ministères au lieu de leur unité dans la diversité. Chacun a reçu un don particulier non pour s'en glorifier, mais pour ensemble bâtir le Corps du Christ.
  • Le danger des dérives de la pensée qui seront déjouées dans la recherche conjointe de la vérité et de l'amour.
 
« Tout homme qui croira et se fera baptiser sera sauvé » nous dit Jésus. Il ne s'agit pas d'un jugement entre ceux qui nous appelons croyant et non croyants... Il s'agit d'une responsabilité qui nous est confiée. Nous avons à rendre crédible cette Eglise qui est née à l'Ascension, cette Eglise qui est la visibilité du Christ sur notre terre aujourd'hui, à rendre crédible le ciel, lieu d'intimité avec Dieu.
Célébrer l'ascension du Seigneur, c'est dans la vérité de l'Amour et dans l'amour de la vérité rendre visible le Royaume de Dieu.
Nous ne le pourrons qu'avec l'aide du Saint-Esprit, c'est pourquoi tout particulièrement durant les jours qui nous séparent de la fête de la Pentecôte, nous allons l'invoquer... Non pas qu'il risque d'oublier de venir mais parce que nous risquons de ne pas prendre toute la mesure de cet événement. Invoquer l'Esprit c'est nous préparer à l'accueillir, c'est ouvrir nos coeurs à son action et par là déjà entrer avec le Christ dans l'intimité du Père.

Sr Elisabeth

dimanche 20 mai 2012

Naissance de l'Eglise

méditation pour le 7ème dimanche de Pâques B
 
Entre Ascension et Pentecôte, nous assistons à la naissance de l’église. Tous les ingrédients semblent réunis pour que cette réalité nouvelle prenne corps. Dans les lectures d’aujourd’hui, nous pouvons découvrir ces ingrédients.
 
D’abord, il y a des hommes et des femmes. Ils forment un groupe, ils sont unis, mais ils sont aussi chacun là à titre individuel. La 1ère lecture nous dit : « en ces jours-là, les frères étaient réunis au nombre d’environ 120 ». Un petit nombre donc (cela pourrait tenir dans cette église), mais déjà conséquent. De ce groupe émergent les Douze. Ou plutôt les Onze, puisque Judas brille par son absence. Et Pierre qui ressent le besoin de revenir au nombre symbolique de Douze, parce que le chiffre 11 est boiteux, il lui manque quelque chose, tandis que le 12 est stable, il fait allusion aux 12 tribus d’Israël, il exprime une plénitude, il est comme une base solide sur laquelle pourra s’édifier la construction-église.
 
Parmi les ingrédients qui font l’église, nous voyons donc dès le départ la prise en compte d’une fragilité, mais aussi le désir de faire l’unité, malgré les faiblesses humaines.
 
Et quel sera le rôle des Douze ? Gouverner ? Non. Enseigner du haut de la chaire de leur infaillibilité ? Ce n’est pas dit. Ce qui est clair, c’est que leur rôle sera d’offrir à l’église la base solide de leur témoignage. Ils sont choisis parce qu’ils ont été témoins privilégiés de l’avant et de l’immédiatement après Pâques : ils ont connu Jésus de Nazareth en Galilée, ils ont été témoins de sa vie publique, de sa mort tragique, et ils l’ont vu ressuscité. « Nous qui avons vu, nous attestons... », écrit Jean dans la 2ème lecture.
 
Le témoignage, c’est donc la base de la parole ecclésiale. Une parole d’homme à homme, qui passe de bouche à oreille et se propage jusqu’à nous. Mais attention, ce n’est pas comme dans le jeu du téléphone sans fil : une parole qui se déforme de plus en plus parce qu’elle perd le lien avec la parole du départ. Dans l’église, le témoignage passera de génération en génération, certes, mais chaque génération doit refaire le lien avec la parole originelle, repartir du socle solide offert par le témoignage des Douze.
 
Un autre ingrédient qui constitue l’église, c’est donc sa profession de foi, et celle-ci s’appuie sur l’écriture. Un exemple de profession de foi se trouve dans la 2ème lecture, quand Jean dit : « Celui qui proclame que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu ». Il faut donc « proclamer », confesser sa foi en Jésus Fils de Dieu. Et ce faisant, on entre dans une relation très intime avec Dieu, on entre dans la Trinité (« Dieu demeure en lui et lui en Dieu »).
 
Mais il ne suffit pas de professer sa foi : il faut la vivre. L’église, communauté des croyants, se caractérise par une certaine façon d’être. La « loi » qui régit cette communauté, sa ligne de conduite, se résume à un mot : l’amour. « Mes bien-aimés, dit Jean, puisque Dieu nous a tant aimés, nous devons nous aussi nous aimer les uns les autres ». Et ce n’est pas simplement un amour qui imite l’amour de Dieu pour nous, c’est l’amour même de Dieu que nous devons faire circuler entre nous. Jean écrit : « Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous et son amour atteint en nous sa perfection ». C’est inouï, c’est comme si l’amour de Dieu était « inachevé », « imparfait », aussi longtemps qu’il ne circule pas entre les hommes. L’amour de Dieu atteint sa perfection dans l’amour qui circule entre les hommes. Quelle responsabilité pour nous ! Imaginez un père qui a beaucoup d’enfants et dont les enfants ne s’aiment pas entre eux : c’est déchirant pour son amour de père. Il fera tout pour que ses enfants s’aiment entre eux. Et pour cela, il aimera chacun de ses enfants individuellement d’un amour total et unique.
 
Voici donc quelques-uns des ingrédients de l’église :
le socle offert par le témoignage des Douze,
la parole qui se transmet,
l’amour qui circule.
 
Et j’ajouterais : tout ce que Jésus, le frère aîné, nous laisse en héritage à travers sa prière : l’unité, la joie, la consécration de soi dans la vérité. Et finalement, la mission. « De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés... ».
 
On pourrait en dire encore beaucoup. Je voudrais simplement terminer en posant la question : et si c’était aujourd’hui ? Et si c’était aujourd’hui, entre Ascension et Pentecôte, la naissance de l’église ? Quels sont nos ingrédients ? L’église est toujours en état de naissance et les ingrédients sont là : parole et vie, témoignage et amour, communion, unité et respect des individualités. Et c’est là-dessus que va se répandre l’Esprit de Pentecôte, l’Esprit qui va en quelque sorte passer tous ces ingrédients à la cuisson du feu de Dieu : pour que ça « prenne ».
 
N’ayons pas peur de l’appeler, au risque d’être saisis irrémédiablement dans le feu de cet amour : « Viens, Esprit Saint ! ».

Sr Marie-Raphaël 

lundi 14 mai 2012

Témoin de la résurrection

Saint Matthias (2012)
 En ce jour, nous fêtons l’élection de Saint Matthias, comme témoin de la Résurrection.
Et, en ce jour, nous fêtons aussi notre propre élection comme témoin.
Considérons de plus près ces deux aspects.
 
D’un côté, Saint Matthias.
« Frères, dit Pierre dans son discours à l’assemblée, il fallait que l’Ecriture s’accomplisse… »
« il fallait » : ce verbe oriente notre regard vers l’histoire du salut.
En effet, Judas n’était pas prédestiné à la trahison, il n’était pas contraint par le sort ou le destin à rejeter Jésus.
Non, mais la liberté qu’il a utilisée pour mener Jésus à ses adversaires, Dieu l’a inscrite dans son plan divin.
 
« Pourtant, poursuit Pierre, ce Judas était l’un de nous et avait reçu sa part de notre ministère »
Oui, tel est l’amour de Dieu à notre égard : un amour authentique et véritable, qui nous laisse une entière liberté.
Celle de recevoir cet amour et d’y répondre ; celle de le refuser et de le trahir.
Judas a répondu selon son choix, en toute liberté.
 
Alors Pierre précise la fonction à pourvoir :
« devenir avec les Apôtres témoin de sa résurrection »
Un double critère d’élection est annoncé : avoir connu Jésus depuis le Baptême jusqu’à l’Ascension et être choisi par Dieu.
Et le récit des Actes nous rapporte la présentation des candidats, la prière de l’assemblée et l’élection de Matthias par le Seigneur.
 
D’un côté, disais-je, il y a Matthias.
De l’autre, voudrais-je ajouter, il y a chacun et chacune de nous.
Certes, pourrez-vous me dire, mais nous ne remplissons pas les critères pour être élu(e) comme témoin de la Résurrection.
Et pourtant, nous les remplissons.
 
Dans l’Evangile, le compagnonnage de Jésus nous est offert, comme il le fut à Matthias :
Jésus déclare : « Je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître ».
Oui, Jésus noue une relation d’amitié avec chacun d’entre nous, une relation de confiance et de confidence.
Il nous transmet le secret de sa vie, son testament, la source de son amour, puisé au cœur du Père.
 
Et de même, comme Matthias, nous sommes également élus, choisis par Dieu.
L’Evangile poursuit :
« Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit et que votre fruit demeure… »
 
Telle est la Bonne Nouvelle que Jésus nous annonce en ce jour !
Parmi ses apôtres, parmi les témoins de sa Résurrection, il manque quelqu’un, quelqu’une :
pour parler en son nom,
pour attester de son amour,
pour chanter l’Espérance de la vie plus forte que toute mort,
de l’amour plus fort que toute trahison !
 
En ce jour de fête, chacun, chacune de nous est invité(e) à être un autre Matthias, dont le nom signifie « don de Dieu ».
 
Alléluia ! 
 
Sr Marie-Jean
 
 

dimanche 13 mai 2012

Le commandement de l'amour



Méditation pour le 6ème dimanche de Pâques, année B
Mon commandement le voici : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.  Dites-moi, cela se commande l’amour ? Le coup de foudre, non ! mais l’amour ? l’amour qui rime avec toujours ? Nous le savons d’expérience, combien nos amours, nos manières d'aimer sont souvent bancales, doivent sans cesse composer avec nos limites et celles des autres…
Et pourtant, aujourd’hui encore, nous recevons ce commandement d’aimer ! Et Jésus ne se moque pas de nous ! S’il nous le commande, c’est que nous le pouvons ! Comment ?
Sans doute faut-il revenir aux étapes du cheminement des disciples avec Jésus. Au bord du lac, lors de sa première rencontre avec les disciples, il n’a pas commencé par leur donner ce commandement ! Il a seulement invité : venez !
Et ils ont écouté l’invitation, et se sont mis en route. Ils ont alors écouté Jésus, dans son premier grand message de bonheur : ils l’ont entendu annoncer Heureux les cœurs purs,...  ils l’ont entendu annoncer sa mission l’Esprit du Seigneur est sur moi, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres, pour annoncer aux captifs la délivrance... ils l’ont vu poser quelques gestes de guérison, de salut, ils l’ont vu remettre les péchés, accueillir une pécheresse que tous repoussaient, ils l’ont vu se heurter de plein fouet avec les autorités religieuses de leur temps. Ils l’ont vu prier, et ils ont appris avec lui à dire Père, à ce Dieu qu’il annonçait, à ce Dieu en l’intimité duquel il vivait.
Et puis ce soir là, tandis qu’ils étaient à table, ils l’ont vu se lever, se ceindre d’un tablier, et s’agenouiller devant chacun d’eux pour leur laver les pieds.
Et à travers ce simple geste, ils ont accueilli tout son amour.
Et puis, il leur a parlé longuement, et c’est en ce jour, qu’il leur a donné ce commandement, comme un testament. C’est tandis qu’il leur partageait ce qui le faisait vivre, qu’il leur révélait l’intimité du Père, qu’il leur a confié ce commandement : Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. Voilà le premier commandement : demeurer en son amour. Se laisser aimer ! Se laisser aimer à la folie, par ce Dieu qui préfère descendre du piédestal que nous lui avons bâti, pour venir partager notre vie.
La première étape de la vie chrétienne, le premier commandement, c’est celui là : Demeurer longuement en cet amour. Se laisser saisir par lui. Et cet amour, il est donné, offert, gratuitement à tous. La première lecture, extrait du livre des Actes, nous en témoignait : en une Pentecôte extraordinaire, l’Esprit Saint a visité des étrangers, des païens ! Il les a bouleversés, emplis de l’amour du Père. Car Dieu ne fait pas acception de personnes. Il se donne à tous et toutes !
Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour. Première évangélisation : se laisser aimer ! s’ouvrir à l’amour de Dieu, qui voit en chacun et chacune un enfant bien-aimé. Y croire de tout son être ! Oui, toi, qui que tu sois, quels que soient tes origines, ton histoire ! Dieu s’est épris de toi. Il attend ton consentement pour t’envahir de son amour !
Demeurez dans l’amour... Il faut de longues années pour enfin croire à l’amour. Alors Jésus nous supplie. Demeurez en mon amour !
Et pour y demeurer que faire ? aimer à notre tour, nous aimer les uns les autres.
Pour que l’amour de Dieu prenne racine en nous, pour qu’il y soit établi, pour que l’amour de Dieu nous travaille, nous pétrisse, laisser Dieu aimer en nous, laisser Dieu nous conduire sur la voie de l’amour, celle qui donne vie.
Nous laisser entraîner jusqu’au don de nous-mêmes. Loin de tout calcul, aimer comme on se découvre aimé.
Alors oui, Jésus peut nous commander d’aimer. Car l’amour vient de Dieu, il le dépose en nous, et pour qu’il croisse, pour que nous en vivions toujours davantage, il nous propose de le laisser circuler, de le laisser se répandre.
Si Jésus nous offre un tel commandement, c’est comme un rempart de vie et de joie. Dans ce monde qui est parfois si dur à vivre, Jésus nous ouvre une brèche, un chemin de bonheur, en se donnant pour nous, en nous donnant sa vie. Et il n’a de cesse de nous inviter. Il souhaite nous partager son bonheur. Et celui-ci a pour nom : amour !
Aime, même si cela doit te coûter la vie ! Aime, et tu connaîtras la joie !
Aujourd’hui, le Père a préparé pour nous une table, il nous invite au banquet de sa joie, venez, demeurons en son amour. Et nous irons le partager.

  Sr Thérèse-Marie
 
  
 
 

jeudi 3 mai 2012

Chemin

3 mai 2012 : saints Philippe et Jacques.
 
 « Je suis le chemin, la vérité et la vie »...
Qu’est-ce qu’un chemin. Un lieu de passage...
Le chemin n’est pas le but, mais parfois le chemin dure longtemps, parfois le but semble s’éloigner... le chemin est une image de la vie humaine.
Le chemin traverse toute la Bible : Abraham, Jacob, Moïse, élie, Tobie... en savent quelque chose. Et même quand le but semble atteint et que l’on pourrait s’installer en terre promise, la dynamique du chemin reste présente dans la spiritualité d’Israël, sous la forme du pèlerinage. Interrogeons donc un pèlerin pour apprendre ce que signifie le chemin :
 Sébastien de Fooz : « Je me disais que si Dieu existait, j’avais envie de le rencontrer. Or, il n’y a pas de rencontre sans espace physique pour cette rencontre. Pour moi, c’est le chemin qui est ce lieu de présence entre Dieu et moi-même.
Je suis venu au Christ par la marche. Par la marche, on est situé dans l’horizontalité du paysage. Elle nous rappelle qu’on peut être aussi dans la verticalité. Celle qui descend et celle qui monte. La descente, c’est l’angoisse. La montée, c’est le cri jeté vers le haut. La prière pour certains.
Le pèlerin est à la croisée de la verticalité et de l’horizontalité. Il est comme au centre de la croix. Elle renvoie au Christ. J’ai réalisé cela de façon fulgurante. »
 
L’homme marche sur le chemin. Il est vertical. Mais le paysage qui l’appelle est horizontal... Jésus est à la fois « l’homme qui marche » et le « chemin » : en Jésus se rencontrent l’horizontalité de notre humanité et la verticalité de la transcendance, en Jésus se rencontrent notre relation au monde qui nous entoure et notre relation à Dieu. Et le pèlerin fait l’expérience que c’est la marche elle-même qui opère en lui cette unification :
 
Je cite encore Sébastien de Fooz* : « Se mettre en marche, c’est tenter de déconstruire toutes ces peurs. Le fait de quitter, de partir, de marcher va à contre-courant de la peur qui fige. On regarde vers l’horizon. C’est déjà se diriger vers autre chose, cesser de se replier. On se déplie, on se déploie. J’étais dans l’abandon total. Partir, c’est faire un sérieux pied de nez à l’hypersécurisation que propose la société.
Et au fur et à mesure de la marche, pied à pied, la distance entre moi et moi-même et entre moi et Dieu s’estompait. Jusqu’au sentiment d’unité. Une unité de soi à soi et de soi à Dieu. On peut alors comprendre un peu qui est Dieu : un Dieu relationnel qui appelle à entrer précisément en relation avec l’autre, dans ses différences. La grâce agit dans ce mouvement vers l’autre. Ce Dieu-là permet de se mettre en route. »
 
Philippe avait dit : « Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit ».
Jésus avait rebondi sur cette parole pour nous révéler quelque chose de sa relation très intime au Père... et de notre possibilité d’y entrer aussi.
Si Jésus est le chemin, le but vers lequel il nous dit de marcher,  c’est le Père. Jésus nous fait comprendre aussi que le chemin est dans le but et que le but est dans le chemin. Nous n’aurons jamais fini de marcher, mais en marchant, nous possédons déjà un peu le but. C’est ce que Jésus dit : « dès maintenant, vous connaissez le Père ».
Mais si nous voulons « voir le Père », il nous importe de marcher encore : mouvement vers nous-même et vers les autres, répondant à l’appel des débuts : « venez, vous verrez ».

Sr Marie-Raphaël
*Interview dans RiveDieu, no 11, mai 2012.