mercredi 29 août 2012

chemin de vie

Quelques notes en marge de l'actualité
La presse est en ébullition depuis quelques semaines, la population est en émoi. 
Il y a bien compréhensible la douleur des parents, des victimes. 
Et cette agitation vient réveiller les plaies de beaucoup de victimes de drames non médiatisés comme celui qui agite aujourd'hui ! 
IL me semble qu'il nous faut en temps que chrétien réfléchir ce qui se passe, réagir, en vue d'un surcroît d'humanité ! 
La haine, la vengance... déversés à flots continus avivent les plaies, loin de les guérir, de les soigner, de les apaiser. 
Il ne s'agit pas de nier les souffrances, il ne s'agit pas de refouler le mal subi. Mais il s'agit de l'assumer. Le mal a été commis, on ne sait pas le gommer. On peut travailler à le porter au mieux, à vivre après. Et chercher par delà cette terrible expérience un chemin de vie. 
Voici pour aider à vivre ces moments quelques articles : 
une réflexion du Père Armand Veilleux, père abbé de la Trappe de Scourmont
une lettre ouverte de Arthur Buekens, prêtre, formateur au Cefoc
un entretien avec Gabriel Ringlet, prêtre, vice-recteur émérite de Louvain
Ensemble cheminons pour reboiser notre humanité !  

Sr Thérèse-Marie

vendredi 24 août 2012

Je t'ai vu

Méditation pour la fête de saint Barthélemy 
 
Si la mémoire de la St Barthélemy n’était tristement entachée par le massacre de milliers de protestants en France, on pourrait décider de nommer cette fête, celle de la claire vision !
 
En effet, il me semble qu’on peut lire les textes d’aujourd’hui en laissant notre attention se porter sur le regard !
 
Jean, dans l’Apocalypse, raconte : il a vu un ange qui l’a entraîné à contempler la cité sainte de Jérusalem, qui descendait du ciel... resplendissante, rutilante ! D’emblée nous le comprenons, il ne s’agit pas d’un regard posé sur la Jérusalem telle qu’elle était à son époque, ni telle qu’elle est aujourd’hui... Jérusalem, cité sainte, est aujourd’hui encore un véritable paradoxe, une énigme, elle que les psaumes, nomment la cité de Dieu, ville où tout ensemble ne fait qu’un.Que nous sommes loin de cette beauté, de cette unité... Ce qui en fait sa beauté dans la vision de Jean, c’est notamment, douze portes-perles, gardées par des anges, et sur chaque porte le nom d’un apôtre... notez : ce n’est pas l’apôtre qui a pouvoir de décider on passe ou on ne passe pas... mais l’apôtre est porte... à la suite de Jésus qui s’est dit « la porte » par laquelle les brebis entrent et sortent... Les apôtres, ceux d’aujourd’hui comme ceux d’hier, ont mission d’être porte, ouverture, passage... Ils ne sont pas murs, mais porte... S’ils pensent remplir leur rôle en emprisonnant, en mettant en boîte... ils risquent bien de se tromper de Dieu !
Voilà pour l’Apocalypse.
Reprenons l’Evangile. La tradition a identifié, -à tort ou à raison, peu nous importe aujourd’hui !- le Barthélemy des listes d’apôtres, avec le Nathanaël de l’évangile de Jean, d’où l’évangile de ce jour !
Philippe a rencontré Jésus, cela lui brûle de partager cette nouvelle à ceux qu’il aime, il va trouver Nathanaël. Et lui fait part de leur rencontre : ils ont trouvé celui dont parlent Moïse et les prophètes ! Nathanaël a des doutes : de Nazareth ! Peut-il sortir quelque chose de bon ?  Et Philippe ne lui répond pas par une démonstration catéchétique, il lui dit seulement : Viens et tu verras. Philippe est comme la porte qui invite à un passage vers la vue, vers la vie !
Mais le premier à voir c’est Jésus ! Le texte continue en nous disant : Lorsque Jésus voit Nathanaël venir à lui, il déclare voilà un véritable fils d’Israël, un homme qui ne sait pas mentir. Et Nathanaël s’étonne d’où Jésus le connaît-il ? Jésus répond : Quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu !  
Je t’ai vu !  Et c’est le bouleversement pour Nathanaël. Il se découvre traversé, désiré par un regard d’amour, qui l’a devancé. Au plus intime de lui, déjà il était connu.
Un chant invite à se laisser regarder par Jésus. Cela a bouleversé l’existence de Nathanaël, cela peut bouleverser la nôtre. Et alors nous entrerons dans un autre univers, alors il nous sera donné comme à Nathanaël de voir des choses plus grandes, de voir le ciel ouvert, et les anges monter et descendre au dessus du Fils de l’homme. C'est-à-dire, de découvrir en Jésus, le chemin vers la Jérusalem céleste décrite par Jean dans l’Apocalypse, le chemin vers le Père.
C’est à cette même vision que chaque eucharistie nous invite... accepterons-nous aujourd’hui de nous laisser regarder ainsi ? pour voir à notre tour, les cieux ouverts !

Sr Thérèse-Marie 
 

dimanche 19 août 2012

La Vie de Dieu dans ma vie....

Méditation sur l'Evangile du 20ème dimanche B (Jean 6,51-58)
 
Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ?
Pouvons-nous donner une réponse à ces Juifs ahuris en entendant Jésus leur dire : « le pain que je donnerai, c'est ma chair donnée pour que le monde ait la vie » ?
Ou bien ne serions-nous pas trop habitués à ce langage pour nous laisser encore secouer par ces mots ?
Nous sommes venus célébrer l'Eucharistie, nous allons recevoir le pain et le vin en confessant qu'ils sont le corps et le sang de Jésus . Qu'est-ce que cela veut dire pour nous ?
Question importante car nous sommes au coeur de notre foi et dimanche prochain, la liturgie, en nous proposant la fin du chapitre 6 de st Jean, nous demandera de prendre position, de nous décider : allons-nous continuer à suivre ce Jésus qui se dit Dieu et donne sa chair à manger ?
 
Pour y réfléchir, nous avons une chance que n'avaient pas les auditeurs de Jésus.
-En effet il y a quelques semaines, nous avons entendu st Jean nous raconter comment Jésus, à partir de quelques pains avait nourri une grande foule et surtout nous l'avons entendu nous dire qu'il s'agissait là d'un SIGNE.
Autrement dit, qu'il s'agissait d'une invitation à voir plus loin, à voir derrière le geste du partage du pain et de l'abondance une réalité plus grande, celle justement dans laquelle Jésus essaye de les faire entrer : Il est le pain de vie, distribué en abondance non pas à une foule de 5000 hommes, un jour, dans le désert mais à tous les hommes de tous les temps et de tous les lieux, dont nous sommes ce matin.
-Et, autre chance, nous avons entendu st Jean nous dire dans le 1er chapitre de son Evangile: « le Verbe s'est fait chair ». Le Verbe, la Parole de Dieu, la Révélation de Dieu s'est fait chair.
Nous avons l'occasion chaque année de fêter Noël et de méditer sur le mystère de l'Incarnation, d'entendre l'épître aux Hébreux nous dire, qu'en Jésus, c'est Dieu qui nous parle en son Fils, qui est resplendissement de sa gloire et expression de son être. En Jésus Dieu se dit pleinement. En Jésus c'est la vie même de Dieu qui vient s'enraciner sur notre terre.
Aujourd'hui, Jésus nous dit: cette vie de Dieu qui est en moi, parce que le Père demeure en moi et que je demeure dans le Père, cette vie de Dieu que JE SUIS, je vous la propose en partage pour que vous aussi, vous ayez la vie en vous.
Je suis la Parole, le Verbe de Dieu, je suis le pain que Dieu vous donne en nourriture, je suis la Vie qui jaillit du Père, source de vie éternelle.
 
Lorsque nous célébrons l'Eucharistie, nous sommes invités à écouter la Parole de Dieu qui n'a cessé de retentir tout au long de l'histoire du peuple hébreu ; dans l'Evangile, nous sommes invités à regarder dans la personne de Jésus cette Parole en acte au coeur de notre humanité... Dans le sacrement, dans le signe du pain et du vin, Jésus nous dit : « ne vous contentez pas d'écouter et de regarder... venez, approchez-vous de ma table et goûtez combien le Seigneur est bon...
C'est ce que nous disait la Sagesse dans la 1ère lecture. Et justement le mot sagesse (en latin sapientia) vient du mot latin « sapere » = goûter. Est sage non pas celui qui a des cheveux blancs, mais celui qui est capable de goûter, de savourer, le festin auquel Dieu nous invite.
 
Dans nos célébrations eucharistiques, tous nos sens sont mis en éveil : l'écoute, la vue, le goût, et aussi le toucher puisque ce pain nous le recevons au creux de nos mains mais à travers eux, un sens nouveau prend naissance ; le regard de la foi qui nous fait percevoir la Vie de Dieu au coeur de nos vies.
C'est bien de cela qu'il s'agit : « Celui qui mange ma chair, a la vie en lui »
Nous sommes bien là au coeur de notre foi : Dieu fait homme en Jésus nous offre sa vie en nourriture pour que nous en vivions et qu'elle s’épanouisse en nous en vie éternelle.
Communier au Corps et au Sang du Christ, c'est participer à l'incarnation de Dieu dans notre monde, c'est participer au don que Jésus fait de lui-même pour la vie de ce monde, c'est participer à la résurrection qui nous ouvre la vie éternelle. C'est se proposer d'essayer de vivre là où nous sommes, dans notre monde, comme Jésus a vécu dans le sien. C'est cela notre "Amen" à la proposition : "le corps du Christ"
 
Chacun de nous, je pense, s'est un jour retrouvé à une table où la maîtresse de maison, déposant un plat, nous disait : "devinez ce qu'il y a dedans » Et chacun d'y aller à la petite cuillère, de goûter, de déguster... c'est sucré ... il y a un goût de fraise... moi je dirais des groseilles... moi je goûte le rhum...
 
Nous avons écouté la parole, nous allons partager le repas eucharistique... Nous pourrions nous demander et nous dire l'un à l'autre : Quel goût est-ce que cela me laisse ? Quel est le goût de Dieu dans ma vie ? La vie de Dieu en moi, qu'est-ce que cela change ?
Et si c'était là le sujet de nos conversations à la fin de la messe?
Alors nous aurons pleinement célébré l'Eucharistie, l'action de grâces comme St Paul nous y invite dans la 2ème lecture.
 
Célébrer l'Eucharistie c'est accueillir la vie de Dieu, la goûter, la laisser traverser nos vies pour qu'elle se répande dans notre monde et retourne vers le Père en chant de louange. 

sr Elisabeth

mercredi 15 août 2012

Marie, toute proche

Assomption de Notre-Dame : 15 août
 
Celle qui vous souhaite la bienvenue aujourd’hui, c’est Notre-Dame de l’Assomption, qui est aussi la patronne de notre communauté d’Hurtebise.
 
Tout au long de l’année liturgique, alors que se déroulent les mystères de la vie du Christ, Marie est là, discrètement associée -  comme l’est une mère – à la vie de son Fils. Et le mot qui résume cette attitude de Marie, du début à la fin, c’est « fiat », la parole qu’elle dit à l’ange de l’Annonciation. Fiat : son libre consentement à la grâce de Dieu. Depuis le jour où l’Esprit la prend sous son ombre pour qu’elle conçoive dans sa chair  le Fils de Dieu, jusqu’au jour de la Pentecôte, en passant par les noces de Cana, toutes les étapes de la vie de Jésus, et le Calvaire, on peut dire que Marie a réitéré bien souvent ce « Fiat », ce « oui » qui est la réponse dune âme libre à l’appel intérieur de Dieu. C’est par ce biais que Marie nous est proche. Elle n’est pas une figure inaccessible par une sainteté immaculée, inimitable. Mais elle est pour nous l’exemple, le modèle de ce que l’homme (la femme) peut devenir quand il se laisse façonner par la grâce.
 
Elle nous rappelle que chaque jour, nous pouvons nous aussi redire « oui » à Dieu qui s’invite chez nous. Elle nous témoigne que dans ce oui se cache le secret de la plus grande joie.
 
Marie nous est toute proche. Et en même temps, nous devons bien le reconnaître, le destin de Marie a été exceptionnel. Ce destin particulier nous rappelle deux choses (deux volets d’un unique mystère) : 1 : Dieu s’est fait homme (l’Annonciation, Noël, Marie Mère de Dieu) ; 2 : l’homme est appelé à la divinisation (Assomption, Marie Reine). De ces deux mouvements, le mouvement descendant et le mouvement ascendant, le 2ème nous est sans doute le moins familier. Or, c’est sur celui-là que la fête de l’Assomption nous invite à méditer.
 
Il s’agit en fait du mystère de la plénitude de la résurrection, appliqué à Marie. Si nous cherchons des textes de l’écriture qui nous parlent de l’Assomption, nous n’en trouverons pas. De quoi s’agit-il ? Le dogme de l’Assomption, défini par Pie XII en 1950, dit que Marie, l’Immaculée Mère de Dieu, « au terme de sa vie terrestre, a été élevée en son corps et en son âme à la gloire du ciel ». L’Assomption de Marie découle de sa maternité divine : dans la préface, nous entendrons ceci : Dieu « a préservé de la dégradation du tombeau le corps qui avait porté son propre Fils et mis au monde l’auteur de la vie ».
 
L’anthropologie chrétienne nous dit que nous sommes faits d’un corps et d’une âme et d’un esprit. Quand survient la mort corporelle, notre corps disparaît et nous nous trouvons devant un mystère. Que se passe-t-il avec notre âme ? Avec notre esprit ? Comment ressuscitons-nous, si du moins nous ressuscitons ? Les premiers chrétiens se posaient déjà la question et saint Paul a tenté des réponses dans sa 1ère lettre aux Corinthiens dont nous venons d’entendre un extrait. Ces réponses nous laissent avec pas mal de questions... Mais en tout cas, ce qu’il nous dit aujourd’hui, c’est que la résurrection n’est pas une affaire privée entre Jésus et son Père. Si le Christ n’était ressuscité que pour lui tout seul, à quoi cela nous avancerait-il ? Mais Paul dit : « le Christ est ressuscité d’entre les morts pour être, parmi les morts, le premier ressuscité ». S’il est le premier, c’est qu’il y en aura d’autres ensuite. La résurrection du Christ nous concerne tous : elle est le gage de notre résurrection, elle est la porte ouverte sur une vie éternelle que nous ne pouvons que pressentir... mais que nous pressentons ! Et Paul poursuit : « c’est en Adam que meurent tous les hommes, c’est dans le Christ que tous revivront, mais chacun à son rang : en premier le Christ, et ensuite ceux qui seront au Christ lorsqu’il reviendra ». Notre tendresse pour Marie nous fait volontiers croire que c’est elle qui a suivi directement son cher Fils. Et directement, comme Jésus, « corps et âme ». Mais comment imaginer cela ? Ici, le théologien se tait, pour laisser la place au poète.
 
Par exemple le poète qui a écrit le chant d’entrée que nous avons chanté : « Quelle est celle qui monte à l’orient des cieux nouveaux, comme une aube sur le monde, comme une joie pour son Dieu ? Femme baptisée dans le feu et le souffle d’en haut. Nul n’a vu passer les anges qui l’ont prise à notre nuit. Mais leur hymne de louange nous dit ton nom, ô Marie. Femme que ton Fils a bénie, et qui montes vers lui... »
 
Ou encore le poète qui a écrit le livre de l’Apocalypse et qui décrit cette vision : « Un signe grandiose apparut dans le ciel : une Femme ayant le soleil pour manteau, la lune sous ses pieds et sur la tête une couronne de douze étoiles. »
 
Mais tout cela ne rend-il pas Marie encore plus inaccessible ? Comment allons-nous la rejoindre ? Rassurez-vous : c’est elle qui nous rejoint ! Comme dans l’évangile, par exemple, qui décrit sa visite à Elisabeth. Les deux femmes vivent dans leur corps quelque chose de merveilleux et elles savent que c’est Dieu lui-même qui le leur donne. Les mots qu’elles échangent sont explosion de louange. Marie proclame comment Dieu s’y prend pour l’élever, elle, la petite, l’humble servante. Avant de parler d’Assomption dans la gloire du ciel, inaccessible et mystérieuse, l’élévation de Marie commence dès ici-bas : dès maintenant et depuis toujours, Dieu est un Dieu qui relève les humbles, qui comble de biens les affamés, qui prend soin de ceux qui le craignent. Le Magnificat de Marie nous montre Dieu à l’œuvre ici et maintenant. Dieu descend vers nous pour nous faire monter. Le mouvement de notre divinisation a déjà commencé. Suivons Marie sur ce chemin de louange et chantons avec elle le Magnificat.

sr Marie-Raphaël 

dimanche 12 août 2012

Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur

Méditation pour le 19ème dimanche du temps ordinaire (Année B)
 
Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur ! Voilà ce qu’ensemble nous avons chanté, reprenant le psaume 33. Le psaume de celui qui trouve en Dieu, vie, refuge, salut. Voilà l’expérience spirituelle que nous sommes tous et toutes appelés à faire, aujourd’hui encore : Goûter et voir comme est bon le Seigneur, comme il est bon pour nous, pour chacun et chacune de nous !
 
Cette expérience d’autres l’ont faite avant nous... les Écritures de ce jour en témoignent :
 
D’abord rejoignons Elie, un personnage haut en couleur... sa vie se lit comme une nouvelle (quelques chapitres seulement dans le premier et le début du second livre des Rois). Elie est un impulsif, un intransigeant, qui s’est consacré à défendre le Seigneur, et à combattre ceux qui lui sont infidèles, ceux qui servent un autre dieu. C’est ainsi qu’il a exécuté de sa propre main 450 prophètes de Baal. Cela lui vaut une colère magistrale de la reine Jézabel, qui lui promet le même sort, la même mort. Elie fuit alors pour sauver sa peau ! Lui qui se montrait le fort, l’intrépide, défiant les rois puissants, voici qu’il panique devant une femme ! Après avoir laissé son serviteur au dernier hameau avant le désert, lui-même s'y enfonce et, au bout d’un jour de marche, il se couche sous un genêt, et là, lui qui fuit pour sauver sa vie, demande la mort : Maintenant, Seigneur, c’en est trop, reprends ma vie, je ne vaux pas mieux que mes pères ! Le voilà dans un moment d’extrême faiblesse, de fragilité, de dépression. Le sentiment d’échec qui le traverse lui paraît insurmontable. Il s’endort, seul dans le désert, épuisé. Ce sommeil est une expérience de mort. C’est alors qu’un ange (littéralement un envoyé) le touche, délicatement, le réveille, et lui ordonne de se lever, de manger et de boire. Elie découvre à son coté un pain cuit sur la braise, et de l’eau ! Délicatesse pour ce désespéré, du pain et de l’eau pour le ramener à la vie. Elie mange et boit mais n’obéit pas à l’injonction de se lever, il se recouche, s’endort à nouveau. Un nouvel envoyé (cette fois le texte nous dit qui l’envoie : le Seigneur) le réveille, l’invite à manger et boire à nouveau. Avec la motivation : sinon le chemin sera trop long pour toi. Cette fois, Elie mange et boit, et se met en route. Quelle route ? voici que le fuyard devient pèlerin. Sa marche, sa longue marche va le mener à l’Horeb, où il va découvrir que le Seigneur est là, présent à sa vie, non dans le fracas, la puissance, mais dans la voix d’un fin silence !  Elie a goûté comme est bon le Seigneur !
Au temps de Jésus, une grande foule assemblée autour de lui, a fait l’expérience de la bonté de Dieu, à travers le partage du pain. Nous avons lu ce récit il y a deux dimanches. Et la foule, goûtant cette joie du partage, rassasiée de ce pain, suit Jésus. Et Jésus leur fait alors une longue catéchèse sur le pain. Je suis le pain qui est descendu du ciel, leur dit-il. Et cela provoque les murmures parmi les juifs. Jésus, il est connu, comment peut-il dire qu’il vient du ciel ! Mais Jésus poursuit sans se laisser arrêter par ces contradicteurs : je suis le pain de vie poursuit-il. Le pain vivant, le pain qui fait vivre ! Et ce pain c’est sa chair...  c'est-à-dire, son être en sa fragilité, en sa faiblesse, son être livré entre nos mains.
Par la foi nous pouvons l’accueillir, par la foi nous pouvons le discerner dans le pain partagé autour de cette table eucharistique, par la foi nous pouvons goûter la bonté de Dieu, dans le don qu’il nous fait de lui-même.
 
Saint Paul dans sa lettre aux Éphésiens, témoigne : vous êtes les enfants bien-aimés de Dieu, le Christ nous a aimés, et s’est livré pour nous. C’est bien le même mouvement. Et cette bonté de Dieu qu’il a goûtée, que les Éphésiens ont goûtée, l’encourage à vivre de manière nouvelle, porteur de la marque de l’Esprit. Oui, devenus temples de l’Esprit, nourris de la vie même de Jésus, nous pouvons à notre tour par notre vie, révéler combien le Seigneur est bon. Manifester que Dieu nous a fait grâce, en faisant grâce à notre tour. Témoigner de la bonté et de la tendresse de Dieu, en étant à notre tour débordants de tendresse et de bonté.
Goûtons et voyons comme le Seigneur est bon !

sr Thérèse-Marie 

lundi 6 août 2012

Lumineux

Méditation pour la fête de la Transfiguration
Daniel 7,9-10 ;13-14 ; Marc 9,2-10
 
Le livre de Daniel est écrit dans le contexte d’une grave crise politique et religieuse. La Judée est sous domination des Séleucides, qui veulent procéder à une hellénisation de toute la population. Il va falloir devenir grec dans sa culture, dans sa religion,...  C’est une première « mondialisation » pourrions-nous dire, et une mondialisation par la force ! Et face à cela, Daniel a une vision : celle d’un tribunal des peuples, qui devant Dieu s’installe, pour juger. Et voici que devant ce tribunal parait comme un Fils d’homme, à qui tout pouvoir est donné, avec la gloire et la royauté. Face aux conflits des puissants qui écrasent les peuples, qui anéantissent les cultures, Daniel annonce comme un cri d’espérance un règne autre. Qui est ce semblable à un Fils de l’homme, quelle royauté sera la sienne ?
C’est une vision très fugitive de ce Fils d’homme dont témoigne l’évangile ! Aujourd’hui, Jésus s’est retiré dans la montagne, Luc ajoutera pour prier. Il est à un tournant de sa vie. Il a annoncé le royaume de Dieu, il a guéri des malades, chassé des esprits mauvais,... et loin d’avoir suscité l’enthousiasme généralisé, il s’est heurté à l’opposition farouche des chefs religieux de son époque. Il a perçu que s’il voulait demeurer fidèle à son message, fidèle à son Père, il allait au devant de la mort. Il a annoncé à ses disciples qu’il allait être livré.
C’est dans ce contexte, que se situe la page d’évangile que nous avons reçue. Jésus s’est retiré dans la montagne, et pour les anciens la montagne est le lieu de la rencontre avec Dieu. Au lieu de partir seul, Jésus emmène trois disciples : Pierre, Jacques et Jean. Ceux-là même qu’il emmènera un jour au jardin de Gethsémani.  Sur cette montagne à l’écart,  Jésus est transfiguré, littéralement il est « métamorphosé devant eux ». Façon de nous dire, qu’ils perçoivent quelque chose du mystère de sa personne. Sa rencontre avec Dieu est telle qu’il en devient lumineux ! rayonnant !
Et voici que paraissent Moïse et Elie, Moïse a reçu la Loi sur la montagne, Elie a perçu Dieu dans la voix d’un fin silence sur la montagne. Ils s’entretiennent avec Jésus. Ne sont-ils pas là comme témoins ? comme attestation que Jésus est plus que ces deux personnages essentiels de la foi juive…
La vision de Daniel annonçait le tribunal des peuples, avec un Fils d’homme recevant tout pouvoir. Et voici ce Fils d’homme : il est là, sur la montagne, entre Moïse et Elie... Quel pouvoir a-t-il reçu ? Celui de la loi de Moïse ? Une loi de communion et de respect... Celui du Dieu rencontré par Elie ? Un Dieu qui n’est pas dans le fracas et la violence, mais qui se dit dans la voix d’un fin silence.
Voici celui qui a reçu pouvoir : Jésus serviteur, révélé dans la splendeur de ce jour, lumineux, radieux, non point d’une gloire et puissance venant de la richesse, de la domination, mais bien de sa mission de serviteur, témoin du Dieu d’amour, jusqu’à en mourir !  
Aujourd’hui, nous avons part à ce don de Jésus, à l’intimité du Père en laquelle il vit. Entrons donc dans cette intimité, où il n’est qu’amour, don de soi.

Sr Thérèse-Marie 
 

dimanche 5 août 2012

Pain de vie

 18e dimanche TO : Année B (2012)

 
 
« Moi, je suis le pain de la vie »
 
Les déclarations de Jésus peuvent nous étonner par leur radicalisme ou leur caractère lapidaire.
Elles peuvent aussi ne pas être bien comprises quand leurs racines juives et bibliques ne nous sont pas familières.
 
Dans cette perspective, la liturgie éclaire l’Evangile par les textes du Premier Testament qui l’ont inspiré.
Regardons ces textes d’un peu près.
 
Le livre de l’Exode raconte l’histoire du peuple d’Israël : Dieu le fit sortir d’Egypte et le conduisit en Terre promise.
En Egypte, Israël avait connu l’esclavage, la suppression de la liberté mais aussi la sécurité d’un temps d’abondance, de satiété – le narrateur évoque les marmites de viande ! –.
 
En contraste avec cette période, le périple au désert fut pour le peuple un apprentissage de la confiance :
« Voici que, du ciel, dit le Seigneur à Moïse, je vais faire pleuvoir du pain.
Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne »
Du côté de Dieu, promesse de nourrir quotidiennement son peuple.
De la part du peuple, confiance en cette promesse :
« Ainsi, je vais le mettre à l’épreuve : je verrai s’il obéit ou non, à ma loi »
 
Derrière cette distribution du pain, émerge un autre enjeu :
L’attitude du peuple envers ce pain venu du ciel révèle son sentiment envers son Dieu.
Notons que le texte que nous venons d’entendre est tronqué : dans la version intégrale, nous lisons le doute, l’incrédulité de certains qui essayèrent de conserver la manne, contrariant ainsi l’ordre du Seigneur.
Mais la manne ne peut être thésaurisée.
Ce don du pain n’est pas un événement anodin : il exprime l’engagement de Dieu envers le peuple qu’il a choisi.
Il traduit le partenariat de l’Alliance :
« Vous reconnaîtrez alors que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu »
S’ensuivent le vol de cailles et le don de la manne, nourriture venue du ciel :
« C’est le pain que le Seigneur vous donne à manger »
 
Sur cet arrière-fond de l’Exode, nous pouvons mieux comprendre la Bonne Nouvelle de l’Evangile.
L’extrait que nous venons d’entendre fait suite au récit habituellement nommé « la multiplication des pains ».
En fait, plutôt que de les multiplier, Jésus partage les quelques pains et les poissons reçus… et rassasie une foule.
Motivée par ce geste nourricier, la foule cherche Jésus.
Mais Jésus identifie la raison de leur enthousiasme :
« Vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé du pain et avez été rassasiés »
Qu’est-ce donc qu’un « signe » dans le contexte de cet Evangile ?
Dans le quatrième évangile, nous ne trouvons pas l’appellation de « miracles », mais les gestes de Jésus sont appelés « signes ».
Par cette expression, on insiste moins sur le côté merveilleux.
De plus, ces gestes de Jésus acquièrent ainsi une certaine ambiguïté : ils ne sont pas évidents, mais appellent une interprétation, un décryptement.
Par ce terme de signe, Jean ne désigne pas des faits bruts, mais des actes qui veulent conduire à la foi en Jésus.
Double facette donc. D’un côté, le fait matériel ; de l’autre, la personne qui le réalise.
 
Dans notre Evangile, nous avons assisté à une multiplication des pains.
Et Jésus déclare aux témoins de son œuvre qu’ils n’y ont pas vu de signes.
Ils y ont certes vu un geste, mais ils en sont restés à son apparence, à sa matérialité…
Ils ne se sont pas posé de questions sur celui qui a opéré ce signe.
Et pourtant, Jésus les y invite :
« L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé »
 
Ce saut de la foi, les contemporains de Jésus ne peuvent le faire.
En rappelant le temps ancien, où le Dieu de l’Exode a nourri son peuple d’un pain venu du ciel, ils révèlent leur peur de s’engager dans la nouveauté, leur peur de s’ouvrir à la foi.
Jésus les invite à comprendre le « signe » :
« … ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain qui vient du ciel ; c’est mon Père qui vous donne, le vrai pain venu du ciel… »
Ce n’est plus un temps passé, mais présent : c’est le Père qui est donateur du pain.
Et Jésus dit de lui-même :
« Moi, je suis le pain de la vie »
 
Comme aux contemporains de Jésus, cet Evangile nous est adressé !
Ces pains qui nourrissent notre vie ont plusieurs saveurs : pains des relations ou de la profession, pains de nos bonheurs et de nos joies… ou pains qui nous manquent…
Par cette déclaration « Je suis le pain de la vie », Jésus invite à une attitude de confiance.
Derrière tous ces pains, pourrons-nous découvrir le « vrai pain », celui qui veut nous offrir le déploiement de tous nos bonheurs humains, celui qui « donne la vie au monde » ?
« Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim, dit Jésus ; celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif »
Irons-nous à lui ?

Sr Marie-Jean