vendredi 18 juillet 2014

Un don de Dieu pour la vie

méditation pour ce Vendredi 15ème semaine du temps ordinaire année paire
( Is 38, 1.... 8 ; Mt 12, 1-8)
Quel visage de Dieu, les lectures de ce jour nous invitent-elles à découvrir et à contempler ?
La première lecture nous relate l’intervention de Dieu dans l’histoire d’un homme, Ezéchias, en proie à la détresse devant la mort qui lui apparaît certaine et très proche.
Détresse qui pousse Ezéchias à crier vers Dieu : « Souviens-toi de moi, souviens-toi de tout ce que j’ai fait ». Et Dieu se laisse toucher par la prière...
La prière fait-elle changer Dieu d’avis ? Pousse-t-elle Dieu à modifier le cours de l’histoire ? Cette manière de voir ne nous met-elle pas à l’aise ? Tant de détresses dans notre monde aujourd’hui, tant de morts prématurées... malgré tant de cris et de prières...
En lisant le texte, je constate que lorsqu’il s’agit de l’annonce de la mort, il est dit : « le prophète Isaïe vint dire à Ezéchias : Ainsi parle le Seigneur, tu vas mourir.... ». Mais un peu plus loin il est dit : « La Parole du Seigneur fut adressée à Isaïe : Va dire à Ezéchias : ainsi parle le Seigneur, j’ai entendu.... »
Certes Ezéchias est atteint d’une maladie mortelle. Isaïe le met devant la réalité : tu vas mourir. C’est la suite logique, c’est la loi de la nature. Ezéchias, se révolte devant ce caractère inéluctable, il crie vers le Seigneur, comme l’ont fait tant de psalmistes, et comme le font depuis des siècles, tant d’hommes et de femmes dans leur aspiration à la vie et au bonheur.
Dieu change-t-il d’avis ou vient-il mettre un bémol à l’affirmation peut-être trop hâtive d’Isaïe ? « Mes pensées ne sont pas vos pensées » dira Isaïe en faisant parler Dieu.
Cette maladie d’Ezéchias, ne serait-elle pas comme celle de Lazare, relatée dans l’Evangile de Jean, une maladie qui ne conduit pas à la mort mais qui est pour la gloire de Dieu ?
Toujours est-il que comme Lazare, Ezéchias verra sa vie prolongée de quelques années, et que si nous regardons le texte parallèle dans le livre des Rois, il est question pour Ezéchias, comme pour Lazare d’un délai de trois jours... Pour nos oreilles chrétiennes, même si Ezéchias comme Lazare connaîtront un jour la mort, ces « 3 jours » ne peuvent manquer d’évoquer pour nous la mort-résurrection du Christ.
Cet épisode de l’histoire d’Ezéchias nous révèle un Dieu pour la vie, un Dieu de Vie.
Dans cette perspective, l’attitude des Pharisiens de l’Evangile nous fait un peu sourire. Elle nous ramène au ras des pâquerettes.
Il s’agit du Sabbat que les disciples sont accusés de violer parce qu’ils arrachent quelques épis de blé pour assouvir leur faim. Pour autant qu’on n’utilise pas la faucille, la loi permet en effet de prendre quelques épis dans le champ du voisin et de les froisser pour les manger. Mais voilà les commentateurs de la loi ont établi une liste de travaux interdits pendant le Sabbat et cueillir des épis en est un.
Que répond Jésus ? Il se place à 2 niveaux.
Tout d’abord, au niveau de la loi elle-même qui fait passer l’assouvissement de la faim avant le respect du sacré.
Mais Jésus va plus loin et sa place au niveau de la conscience qu’il a de sa mission. « Il y a ici plus grand que le Temple ». Sa qualité d’envoyé de Dieu, de Fils de Dieu autorise Jésus à remettre en question les institutions telles que le Sabbat ou le Temple lorsqu’elles ne sont plus conformes à la Volonté de Dieu qui a donné la Loi.
Le Dieu pour la vie, le Dieu de Vie qui nous a été révélé dans la première lecture nous appelle à la Vie et sa loi est une Loi de Vie. Les arrêtés d’exécution qui précisent cette loi et se veulent un guide pratique pour la mettre en application, ne sont que des préceptes humains. Et à ce titre, ils sont toujours à confronter avec le dynamisme originel de la Loi.
Il me semble que ce texte est plus interpelant qu’il n’y paraît à première vue car il met en évidence une grave tentation, qui n’est autre que la tentation d’Adam et Eve : faire son salut par soi-même. La créature s’empare de l’œuvre de Dieu, ici en l’occurrence la loi, et la manipule. Lorsque l’être humain absolutise et sacralise les moyens qu’il juge efficaces pour le salut, il en arrive à craindre tout ce qui peut mettre en péril la sécurité qui lui vient des observances. Il en vient à supprimer sa liberté et celle des autres au profit d’une assurance qui cache mal sa précarité. Il en vient à vendre son droit d’aînesse pour un plat de lentilles...
Jésus nous rend à notre liberté première en nous invitant à faire du sabbat non pas une observance qui nous garantit une justice aussi raide que morte, mais ce qu’il est vraiment, un temps pour Dieu, un temps avec Dieu, un temps où l’être humain libéré des astreintes du quotidien, s’avance librement à la rencontre du Dieu source de vie, source de fécondité. Ce Dieu qui donne sens à notre labeur en en faisant un chemin de vie.
Le Sabbat est un don de Dieu pour la Vie.
Sr Elisabeth

vendredi 11 juillet 2014

Ecoute

Ecoute
Ecoute,
mon fils,
incline l’oreille de ton cœur,…
Prologue de la Règle de Benoît
Aujourd'hui, fête de saint Benoît, patron de l'Europe
Souvent dans les monastères on voit des affiches : « silence » !
En fait ce n’est pas très bénédictin, il faudrait mettre : « écoute » !
Et effectivement si on veut écouter, il faut bien faire silence,
mais pas un silence contraint, fermé, pas un silence bunker !
Pour écouter, il faut s’ouvrir doucement, se faire accueil…
Est-ce là un bon message pour l’Europe d’aujourd’hui ???
Écoute…
Écoute… oui, mais quoi Seigneur ?
Dans le bruit de notre monde, comment veux-tu que j’écoute ???
C’est bon pour les moines et les moniales
qui vivent cachés derrière leurs murs, cela !
Mais pour un citoyen d’Europe ?
Que veux-tu que j’écoute ???
Écoute en descendant au creux de ton cœur,
ma Parole, pain sur la table de chaque jour.
Mais écoute aussi ma voix, au cœur du bruit de ce monde,
ma voix aujourd’hui au cœur de l’actualité…
au cœur de ta vie, au cœur des événements,…
N’écoute pas l’actualité rien que pour trouver quelques intentions de prière,
écoute l’actualité pour y entendre ma voix,
mes cris de bonheur, et mes pleurs,
mon merci et mes appels !
Vite dit…
Généralement on est plus enclin à reprocher à Dieu son silence…
On voit l’innocence massacrée,
on voit les guerres,
on voit les sans-papiers jetés en centres fermés sans ménagements,
on voit la drogue, la violence…
On voit… on voit… à n’en plus vouloir, à ne plus oser ouvrir les yeux…
Ecouter Dieu dans tout cela ?
On dit plutôt : mais pourquoi Dieu se tait-il ?
Quand on ne pousse pas le bouchon jusqu’à dire :
« Pourquoi Dieu permet-il une telle horreur !!! »
Benoît doucement nous lit l’Écriture et nous dit :
Ecoute, mon fils,
Ecoute mon fils, si tu veux bâtir l’Europe,
et en bâtissant l’Europe, bâtir le monde,
car l’Europe est pour le monde,
commence par écouter… en fils !
Tu n’es pas dieu, tu n’es pas le chef, le petit empereur,
tu n’es pas non plus l’esclave,
tu es fils, fille, dans le Fils !
Et si tu écoutes battre mon cœur de Père,
tu y trouveras une multitude de frères et sœurs,
si tu es fils, fille, tu entres dans une grande famille,
et avec le Père, dans le Fils,
tu deviens responsable…
C’est-à-dire celui qui répond !!!
Qui répond à ce qu’il a entendu…
Oui, et si je n’entends pas ???
Ecoute, mon fils, incline l’oreille de ton cœur,
dit Benoît à la suite de la Bible.
Tiens, j’aurais cru que pour écouter Dieu,
il fallait plutôt dresser l’oreille…
la tendre très fort vers le haut,
vous savez comme les oreilles longues et bien droites des ânes !
Et bien non, il faut l’incliner, vers le bas, très bas…
vers Celui qui est là tout en bas,
Celui dont l’Écriture nous dit qu’il s’est abaissé,
Celui qui attend notre oui pour laver nos pieds,
Celui qui est descendu au plus bas possible…
à coté du pauvre et de l’humilié,...
Incline l’oreille de ton coeur
vers Celui qui est là partageant le cri du pauvre
pleurant les larmes de silence de l’humilié…
Non, Dieu ne se tait pas !
Non, Dieu ne permet pas la souffrance, il l’endure plus que nous,
et il attend de nous que nous partagions son cœur
il attend présence, consolation, et espérance !
Benoît nous invite à chercher Dieu dans toute notre vie,
non dans les hauteurs, dans les nuages,
mais au plus profond,
en nos cœurs, tels qu’ils sont, là où il demeure,
en ceux et celles que nous côtoyons,
tels qu’ils sont,
dans leur épreuve, comme dans leur bonheur,
dans leur face nord, comme dans leur face sud.
Benoît nous invite à chercher la paix,
non en l’appelant à cœurs perdus,
mais en la bâtissant jour après jour
tout petitement, tout simplement
en recommençant chaque matin, …
sans jamais désespérer…
en nous émerveillant chaque matin du jour nouveau qui se lève
et s’offre à nous
en nous ouvrant aux frères et sœurs qu’il place sur nos routes,
pour bâtir ensemble le Royaume…
Pour que l’Europe soit belle, qu’il fasse bon y vivre,
il nous faut entendre ce cri d’appel de notre Dieu,
en inclinant l’oreille de nos cœurs d’enfants,
en lui chantant l’alléluia de l’espérance
même au profond de la nuit
comme nous le recommande Benoît.
Il nous faut trouvant le Père, devenir frères et sœurs,
dans la prière et l’humble labeur quotidien…
Au nom de toute la communauté, bonne fête à tous !

Sr Thérèse-Marie