vendredi 22 juillet 2016

Une vie de désir



méditation pour la fête de ste Marie-Madeleine, tandis que sr Marie-Gédéon y prononce ses premiers voeux. 

Cantique des cantiques 3,1-4a. ; Psaume 62; Jean 20, 1.11-18

Une vie de désir…
N’est-ce pas à cela que tu es appelée chère sr Marie-Gédéon ? n’est-ce pas à cela que nous tous, ici présents, sommes appelés ?
La liturgie d’aujourd’hui, en fêtant ste Marie Madeleine nous y invite clairement. Une vie de désir !
Mais que désirons-nous ? on va me dire, oui, c’est sûr les sœurs désirent Dieu, et passent leur vie à le chercher… est-ce si évident que cela ? Benoît est franchement plus réaliste : quand il imagine Dieu cherchant des vocations dans la foule du peuple, il fait dire à Dieu non pas « qui m’aime ? qui me désire ? » mais bien : « qui aime la vie et désire voir des jours heureux ? »  Et c’est parce que peu à peu en aimant la vie et en désirant des jours heureux, on découvre que Dieu est la clé de ce bonheur, qu’on se met à le chercher avec ardeur.
Marie Madeleine aimait la vie, et désirait des jours heureux. Souvent on identifie cette femme à la pécheresse qui a couru son bonheur dans des amours éphémères. Et à force de courir ainsi elle a fini par découvrir l’amour profond de Jésus, l’amour profond de Dieu. Au point que Jésus au matin de la résurrection l’a choisie pour annoncer la résurrection à ses apôtres. Ne fallait-il pas un cœur enamouré pour parler de cette vie nouvelle, de cet amour plus fort que la mort ?
Une vie de désir : oui, c’est à cela que nous sommes appelés, c’est à cela que tu t’engages aujourd’hui chère sœur Marie Gédéon. En désirant le bonheur, tu as découvert un chemin qui te semblait pouvoir y mener, et marchant sur ce chemin tu découvres peu à peu le visage de ce Dieu d’amour qui t’appelle et veut te combler.
La bien aimée du cantique cherche celui que son âme désire. La nuit sur son lit, dans les rues de la ville ensuite… elle interroge les gardes… et finalement elle le trouve, le saisit et ne veut point le lâcher, mais la suite du livre nous montrera qu’elle continue à le chercher, trouver et chercher à nouveau… Le Cantique des Cantiques s’achèvera même sur une invitation au bien aimé à fuir : Fuis, mon bien-aimé. Sois semblable à une gazelle, à un jeune faon, sur les montagnes embaumées ! (Ct 8,14)

À force de désirer la vie, les jours heureux, Marie Madeleine s’est de plus en plus attachée à Jésus, elle l’a suivi, jusqu’au bout, jusqu’au pied de la croix. Et son amour a traversé la mort. S’il ne reste que le cadavre de Jésus déposé en un tombeau, Marie Madeleine n’en est pas moins amoureuse. Elle vient au tombeau. A la place où l’on avait mis Jésus elle voit deux anges : un aux pieds, l’autre à la tête. Cela n’a pas l’air de l’effrayer… après tout, n’est-ce pas comme au temple : le signe de la présence : l’arche de l’alliance était ainsi surplombée par deux chérubins. Mais ici, voilà, les anges sont là, mais Jésus, lui, n’est pas là… le dernier signe de sa présence, son corps qu’elle aimerait embaumer, conserver, a disparu. Comme la bien aimée du Cantique, elle voudrait le saisir.
Jésus vient à sa rencontre… elle est incapable de le reconnaître, car il n’est pas ce cadavre qu’elle a vu mettre au tombeau. Elle le prend pour un jardinier… jardinier de son cœur, effectivement. Elle ne le regarde pas plus qu’il ne faut, son regard est attaché à sa mémoire : dis-moi où tu l’as mis et j’irai le prendre.
Marie Madeleine, toute désirante, est ravagée dans l’in-exaucement de ce désir. Dis-moi où tu l’as mis ! – Marie ! – Rabbouni ! Son seul prénom prononcé par celui qu’elle aime a suffi. Ses yeux s’ouvrent, elle retrouve vivant celui qu’elle désire, celui qu’elle aime. - Rabbouni ! - Ne me retiens pas, je ne suis pas encore monté vers mon Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.
Et Marie court… le feu de son désir lui permet comme la bien aimée du Cantique, de laisser aller son bien aimé, et de s’en réjouir.
Le feu de son désir est tel, que sa vie en devient pétillante de joie, et elle court au service de cette joie, elle se donne totalement. Elle ne reste pas là, seule avec un petit bonheur tout plat, elle laisse le bonheur la sortir d’elle-même, la donner à ses frères et sœurs. Elle va vers eux, vers la communauté, là elle trouvera la trace, la présence de son bien-aimé. De lui elle témoignera.
Sr Marie-Gédéon aujourd’hui tu prononces tes premiers vœux. Ils disent ton désir de ce bonheur ! alors va, cours sur les chemins de l’Évangile, le Ressuscité t’y espère, t’y entraîne. Et que ta vie en communauté te donne de percevoir la présence de Celui qui t’a appelée.
Hurtebise, 22 juillet 2016